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Biathlon: "Il a donné un visage plus humain au biathlon", les Français s'apprêtent à dire aurevoir à Johannes (et Tarjei) Boe

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Les biathlètes français sont à Oslo cette semaine pour la dernière étape de la saison de Coupe du monde. En Norvège, le clan tricolore tentera de gâcher (un peu) la belle fête pour les adieux des légendes Johannes et Tarjei Boe.

Il va jouer le petit globe du classement général du sprint contre Johannes Boe ce vendredi, mais même avec seulement sept points de retard sur le Norvégien, Emilien Jacquelin ne montre pas un optimisme débordant.

"Ce n'est pas le moins bon des compétiteurs qui porte ce dossard rouge", rigole le double champion du monde à l'évocation de cet objectif de fin de saison. "Il est à domicile en plus il aura à coeur de profiter de ces moments. Et Johannes dans ce genre de configuration c'est rare qu'il soit dans l'appréhension et la peur, au contraire ça lui donne des ailes..."

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Mais lui et ses camarades de l'équipe de France ne lui en voudront pas. "Il va nous manquer", avoue le biathlète de Villard de Lans. "Il nous a apporté beaucoup de joie et j'ai grandi en regardant les frères Boe à la télé. J'étais spectateur en bord de piste au Grand-Bornand quand Johannes a gagné sa première coupe du monde. Ça met un petit coup aussi parce que c'est deux personnes avec qui je rêvais d'abord de courir, puis j'ai eu la chance de pouvoir rivaliser sur certaines courses avec eux. Le fait qu'ils arrêtent c'est aussi une part de rêve qui s'arrête. C'est la vie, je vais aussi bientôt avoir 30 ans. C'est un peu une page de mon adolescence qui se referme."

"Encore trois carrières pour atteindre ses records"

Depuis 2011 et le gros globe de cristal de Tarjei Boe, le classement général s'est partagé entre Martin Fourcade (7 fois) et Johannes Boe (5 fois). Seul Quentin Fillon-Maillet en 2022 a réussi à se faire une place chez les géants. "C'est une grande fierté parce que les deux athlètes sont des monuments de notre sport", concède le double champion olympique. "Je me considère parmi les grands de ce sport, mais quand je vois Johannes, les chiffres me donnent le tournis. Il me faudrait encore trois carrières pour atteindre ses records."

Le Jurassien garde en souvenir leurs débuts ensemble chez les juniors et un athlète déjà au-dessus du lot. "C'est la référence de ski aujourd'hui, son efficacité, son style aérien et léger. Il y a des capacités et un talent qui défient la loi. Ça force le respect."

Une marque indélébile en-dehors des épreuves

Mais c'est finalement aussi en dehors de la piste que les frangins Boe auront laissé une marque indélébile chez les Français. Plus que son sprint victorieux pour le titre mondial à Anthols en 2020, au moment de se pencher sur ses souvenirs, Emilien Jacquelin a en tête les mots de Johannes Boe aux Jeux olympiques de Pékin en 2022: "C'était un moment compliqué pour moi. C'est un des rares athlètes, et en plus un concurrent, qui était là pour moi à discuter. Ça m'avait beaucoup touché et il voulait vraiment le meilleur pour moi. C'est là que j'ai compris que c'était sa vraie nature. Parce que à un moment donné c'était un peu le gendre idéal, super fort et toujours souriant et bon perdant. On se dit ce n'est qu'une image et en fait il est vraiment comme ça. Les parents de Tarjei et Johannes peuvent être fiers de leurs enfants (rire)."

Quentin Fillon-Maillet a "adoré" courir avec les frères Boe. "Ils nous ont poussé pour être meilleur pour essayer de les battre. Et c'est deux gars super gentils, vraiment fair-play en dehors de la piste."

Johannes Boe est le "Julian Alaphilippe" de Norvège

Le franco-norvégien Eric Perrot explique que l'on peut comparer Johannes Boe "à Julian Alaphilippe en France par exemple sur ce qu'il représente pour les Norvégiens." Une star, avec donc un état d'esprit irréprochable. "C'est l'esprit du biathlon", assure le champion du monde de l'Individuel. "D'avoir eu un leader comme Johannes qui a été inclusif et positif ça fait du bien à tout le milieu. Finalement il ne se prenait pas tant que ça au sérieux et ça permet à tout le monde d'être décontracté. Je pense que c'est l'esprit du biathlon et ils ont su le garder et l'alimenter toutes ces années."

"Il a donné un côté plus humain à notre sport", renchérit Emilien Jacquelin. "On a eu deux très grands champions: Ole Einar (Bjorndalen) et Martin (Fourcade), avec une image de l'athlète ultra dominateur et presque robotisé dans l'approche mentale des courses et sur la manière qu'ils avaient de tirer et skier. Johannes a amené un peu d'humanité parce qu'il était capable de grosses craquantes aussi, de moments de doutes où ça allait moins bien mais derrière il rebondissait. Martin a toujours été mon idole numéro 1 mais je me reconnaissais plus dans l'approche du biathlon de Johannes."

Une pluie d'éloges, mais les Français ne se priveront pas de gâcher la fête norvégienne à Holmenkollen sur les trois dernières courses. "Pour moi ce n'est pas gâcher la fête au contraire ! Précise Eric Perrot. Gâcher la fête ce serait leur faire des cadeaux. La meilleure façon de les honorer c'est de livrer une belle bataille."

Julien Richard, à Oslo