Biathlon: "J’ai encore de l’énergie", Fillon Maillet veut boucler la saison en beauté

Quentin Fillon Maillet veut terminer le travail. Et bien. Le quintuple médaillé de Pékin où il est passé dans une autre dimension en devenant double champion olympique est certain de repartir avec le gros globe de cristal qui récompense le vainqueur du classement général de la Coupe du monde et qu’il recevra dimanche à Oslo. Déjà assuré aussi du petit globe de la poursuite, il aimerait ajouter à la collection celui du sprint qui ne devrait être qu’une formalité et celui de la mass-start dimanche qui sera très disputé.
Avec déjà 10 victoires cette saison, il reste trois courses ce week-end à Oslo (sprint vendredi, poursuite samedi et mass-start dimanche) au Jurassien pour marquer un peu plus de son empreinte sur cet hiver de feu. Après un dernier entraînement où il a pu constater que les bords pistes de la capitaine norvégienne auront un accent français avec déjà des supporters, QFM s’est posé quelques minutes dans le lobby de l’hôtel des bleus à la veille du sprint pour se pencher sur ses derniers objectifs de la saison, mais penser déjà aussi à la suite et la gestion de cette saison folle.
Quel est l’état d’esprit sur cette dernière semaine de compétition de la saison ?
C’est de finir. Je n’ai jamais abordé une saison en me disant qu’une fois que j’ai atteint les objectifs j’arrête là. Il y a toujours quelque chose à aller chercher. C’est un peu la remise en question que j’ai eu après les Jeux olympiques. Si jamais j’arrive à avoir le gros globe finalement j’ai atteint les deux plus grosses choses que je peux réussir dans mon sport, à savoir être champion olympique et vainqueur de la Coupe du monde. Donc finalement, quelle sera la motivation ensuite ? Je me rends compte que je ne suis pas à la recherche seulement d’un titre, d’un objet ou d’un record mais j’aime ce que je fais tout court. Là il y a les globes à aller chercher mais aussi une nouvelle victoire sur le poursuite. Et c’est la même chose pour la préparation de la prochaine saison. J’aime avoir des petits buts à aller atteindre et il y a toujours la motivation pour cette semaine. Il ne faudrait pas que la saison dure encore trois mois, mais j’ai encore de l’énergie et même plus que certains athlètes qui ont relâché.
En parlant de records, il y en a un à aller chercher avec une 7e victoire consécutive sur une poursuite, ce que personne n’a jamais fait.
Oui clairement j’y pense et ça permettrait d’écrire une ligne d’histoire avec quelque chose que personne n’a encore fait en biathlon. Ce serait la grande classe donc c’est une partie des objectifs qui me motivent. Même si il y a quelques années je n’étais pas du tout à la recherche de records. Mais là c’est clair que ça peut être une source de motivation supplémentaire. Le record de victoires en une saison j’en suis loin (16 par Johannes Boe en 2019) mais je suis fier de ce que j’ai réalisé cette saison. Si on m’avait dit que je ferai autant de victoires, 5 médailles aux Jeux, le gros globe et j’espère plusieurs petits globes je n’y aurais pas forcément cru parce que la régularité qu’il faut pour tenir ça, ne pas craquer… Finalement je suis assez fier de la régularité que j’ai eu au top niveau sans grosse baisse de régime et d’être présent tout le temps.
Depuis la razzia olympique on a écrit beaucoup de choses sur vous. Qu’est-ce qu’on n’a pas encore écrit ?
J’essaye d’en lire le plus possible. Je suis un athlète assez discret et dans l’ombre de Martin (Fourcade) donc finalement les gens me connaissent assez peu. Je vais garder une limite de protection sur ma vie privée. Mais qu’est-ce qu’on n’a pas encore écrit sur moi ? Je ne sais pas. On me fait parfois des compliments pas très flatteurs comme le "Morbac" ou le "Cannibale". Le fond est très bon, mais le terme utilisé est un peu péjoratif. Mais je prends parce que ça veut dire quelque chose et à partir du moment où on parle de moi de cette manière-là, même si le terme ne me plait pas ça reste positif.
Comment doit-on vous appeler alors ?
On ne choisit pas ses surnoms donc je ne vais pas avoir le choix sur les prochains (rires). Mais ce qu’ils signifient c’est super. Simon (Fourcade) qui avait sorti le "Morbac" et j’avais juré de me venger ce que je n’ai toujours pas fait (rires). Le "Cannibale" je ne sais pas qui l’a sorti… (on lui explique que ça vient de Johannes Boe, ndlr). Bah si je suis un Cannibale je ne sais pas quel terme on peut utiliser pour lui parce qu’il en a pris bien plus que moi !
Comment vous appréhendez la gestion des sollicitations, de garder ce petit carré de la vie privée comme vous le disiez plus tôt ?
Ça va encore, je trouve que j’arrive assez bien à gérer la limite entre le sportif pro et la vie privée. La limite est assez floue et vous la poussez toujours un peu plus (rires). Mon attaché de presse me disais au téléphone pendant l’hiver : "Je ne bosse pas pour toi mais pour tes amis, tes parents, ta copine." Les médias arrivent dans mon cercle privé et ce cercle diminue. Mais ça fait partie de tout ça. Quand j’étais gamin je m’imaginais les courses, les podiums, mais je n’imaginais pas forcément tous ces à-côtés. L’après médailles je ne l’avais pas imaginé. J’ai essayé d’être le meilleur possible sur la planification de comment aller chercher ces médailles, mais je ne me suis jamais posé la question de savoir comment j’allais gérer ça si ça marchait un peu comme maintenant. Mais bon ça va, ce n’est pas un cataclysme de fans qui arrivent chez moi tous les jours, je ne suis pas encore gêné là-dessus. J’arrive à le gérer.
Mais ça prendra aussi plus de place dans la préparation…
J’essaye toujours d’anticiper les choses. Je ne me suis pas dit, je vais être champion olympique et j’attends de voir comment ça va se passer. J’ai pris les devants en travaillant avec une équipe de communication, en essayant de m’entourer et en déléguant certaines tâches parce que c’est compliqué. C’est des choses que j’essaye d’anticiper mais ça reste plus dur à gérer car les sollicitations se multiplient et il faut savoir trancher à certains moments. Bon et là je suis au sommet, mais j’espère que vous serez gentils si ça se passe un peu moins bien pour la suite (rires).
Rester au sommet, c’est l’étape suivante justement. On y pense déjà ?
Je vais essayer de rester à ce niveau-là. Mais je ne me vois pas moins bon biathlète dans le futur parce que je vais essayer de continuer à faire évoluer ma programmation, mon entraînement, ma motivation et un peu tout. J’ai une progression assez constante depuis le début de ma carrière et j’espère que ça va continuer. Après c’est clair qu’il y a le facteur âge et d’autres facteurs que je ne contrôle pas et qui peuvent entraver tout ça mais je vais essayer de gérer au mieux.
Maintenant que vous êtes au sommet, est-ce qu’il y a une part d’inconnue ?
Non parce que ça a toujours été compliqué en fait. Quand tu démarres, au niveau de ton club tu essayes de te sélectionner au niveau départemental, puis régional, puis national. Après il y a l’équipe de France, tu essayes de faire ta place en Coupe du monde face à des athlètes plus expérimentés, avec du meilleur matos la plupart du temps. Après t’espère gagner une Coupe du monde, tu y arrives péniblement après plusieurs années et pas mal de podiums. Ensuite t’espères en gagner une deuxième etc… Et finalement chaque étape a été difficile donc l’étape d’après, la saison d’après, elle sera aussi difficile que ce que j’ai eu à traverser depuis toujours. Mais d’un côté aussi, la victoire aujourd’hui est plus facile à aller chercher qu’il y a 5 ans. Je ne sais pas, je continue à progresser et ça fait que les choses, entre guillemets, sont plus faciles. La gestion des émotions j’en avait peur avant et j’arrive maintenant à gérer. Je me retrouve à la veille de la dernière étape de Coupe du monde et j’ai envie, je n’ai pas peur. J’ai déjà eu mon gros globe et mes médailles olympiques, mais je continue à être motivé et j’espère que je continuerai à être excellent. Donc pas de pression par rapport à tout ça. J’aime les choses qui sont facile, mais si je claquais du doigt pour avoir ce que je veux … Il n’y a plus aucun mérite, plus aucune motivation. Le chemin parcouru est difficile et ça fait que les moments de réussite sont source de bonheur.
Avez-vous pris des nouvelles de Dmytro Pidruchnyi, le biathlète ukrainien qui a pris les armes pour défendre son pays ?
Non je n’ai pas pris plus de nouvelles que ça. J’ai pris des nouvelles de quelques connaissances en Ukraine que j’ai. Mais c’est compliqué. J’espère vraiment qu’une solution diplomatique va vite arriver parce qu’il y a un pays qui est terrorisé, complètement bloqué. Tout ce que je souhaite c’est qu’on pose les fusils et qu’on trouve une solution diplomatique. Avec Dmytro on a échangé à plusieurs pendant les Jeux et lui-même était à mille lieux d’imaginer ce qui allait se passer à son retour et qu’il ne puisse pas terminer la saison. Ce qui est dur aussi, pour en revenir au sport et au biathlon, c’est que comme dans toutes guerres il y a des gens qui pâtissent de choix politiques qu’ils ne partagent pas forcément. On a pu voir que les russes qui ne défendent pas forcément leur président se retrouvent pénalisés et je trouve ça dur.