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Ski alpin: "Je voudrais encore avoir de gros résultats", Brignone se confie après sa grave blessure

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La skieuse Italienne Federica Brignone, vainqueure du gros globe cette saison, a lourdement chuté début avril lors des Championnats Italiens. Blessée à la jambe, elle est incertaine pour les Jeux olympiques d’hiver l’an prochain, chez elle, en Italie. Lors d’une interview en visio, "Fede" est revenue sur sa saison, sa blessure et la suite de sa carrière.

Federica, déjà comment allez-vous ?

Ça va bien. Au moment de l'accident, c'était assez dur, c’était assez compliqué. Mais là, en ce moment, ça va bien. J'ai déjà commencé ma rééducation. L’opération s’est bien passée. Ce n’était surement pas la fin de saison à laquelle je m'attendais ou que je voulais mais je suis positive, c’est comme ça. Il faut aussi accepter, ce sport il est comme ça.

Pouvez-vous nous dire exactement la nature de votre blessure ?

Je me suis multi-fracturée le tibia et le péroné. Il a fallu ajouter de l'os pour tenir toutes les pièces ensemble, sur le plateau tibial. Puis jusqu’à mi-tibia, j'ai une plaque avec huit vis. Ensuite, ils m’ont reconstruit la capsule du genou. Ils m’ont fait une reconstruction du latéral interne et du ménisque. Tout était détruit. Et pour le ligament croisé, on ne sait pas encore, ce n’était pas possible de bien voir. Mon tibia était tellement mal mis qu’ils ont dû m’opérer tout de suite. Ils m'ont sauvé la jambe comme ça. Pour le croisé, il va falloir faire une IRM, car là où il s’attache normalement, tout était cassé. C’était trop gonflé à ce moment-là. On va voir à 45 jours comment le tibia est mis et il y aura possiblement une opération du ligament croisé.

Avez-vous revu des images de votre chute ?

Non, je n’ai pas encore regardé. Ils m'ont tous dit que ce n’était pas beau. Je me rappelle très, très bien. Je pense que je vais regarder ça mais je vais faire un travail mental, etc mais là je n’ai pas encore osé le faire.

Aujourd’hui à quoi ressemblent vos journées ? Quel est le programme des prochaines semaines ?

Je fais beaucoup de rééducation et de physiothérapie. Si je suis à la maison, je fais des exercices le matin et l’après-midi. En ce moment, j’ai commencé la semaine dernière à venir à Turin dans un centre de rééducation. Par exemple, ce matin (mercredi), j'ai déjà travaillé quatre heures. J'ai aussi enlevé les points de suture. La semaine prochaine, je pourrai commencer la piscine. Je suis entourée de mes amis, j’ai beaucoup de compagnie, je mange souvent avec mes amis, on organise des pique-niques, des choses comme ça. Et le reste du temps je lis, je fais mes exercices, je mets de la glace, je fais de la magnétothérapie (thérapie par les aimants). Je suis concentrée sur ça, je sais que les deux premiers mois vont être très importants.

Sur une saison classique, à quelle période avez-vous l’habitude de reprendre le ski ? Qu’en est-il pour cette année ?

Normalement, j'aurais dû skier jusqu'à la fin du mois d’avril pour ne pas skier jusqu’à fin septembre. Je fais presque 5 mois sans ski, j’ai fait ça les trois saisons dernières. J'allais directement à Ushuaia sauf pour un jour de ski libre à Cervinia, juste pour mettre les chaussures et voir que tout va bien. J’avais l’intention de faire ça cette année, mais là ce n’est pas prévu. On ne sait pas. C’est assez compliqué ce que j'ai eu, parce que ce n’est ni que les ligaments, ni que les os. Ils ne savent pas me donner de dates. On va travailler étape par étape et la première, c’est de recommencer à marcher. Après, on fera des contrôles, voir si le genou est stable, si je dois me faire réopérer etc. Je n’ai pas de dates, même pas : ok, on pourrait ici. C’est vraiment compliqué en ce moment.

Malgré votre blessure, votre saison reste fabuleuse avec le gros globe…

Oui c’était une saison magnifique. Je me surprenais à chaque fois sur ma capacité à tenir la pression, l’attente qu’il y avait sur moi et celle que j'avais personnellement. Mon ski était là, je skiais comme ça depuis septembre. Faire la course comme je l’ai fait tout le temps cet hiver, c'était spécial. Je me suis surprise. C'était vraiment un cadeau cette saison. Je sais combien c'est dur de tenir une saison comme ça, tous les week-ends, toutes les pistes, toutes les conditions, les mondiaux, les coupes du monde. J'étais sereine. J'ai vécu ça sans trop de stress, je me suis vraiment amusée. J'ai obtenu quelque chose de spécial, je suis très heureuse de ce que j'ai fait cet hiver.

Comment avez-vous pu passer mentalement de ces résultats et de l’euphorie à cette grosse blessure ?

Quand je suis tombée, je me suis aperçue que je m’étais fait mal mais je ne pensais pas aussi mal. J'étais tout de suite très positive, je disais que ce n’était pas très grave. J'étais vraiment tranquille avant opération. J’ai de la chance qu’ils m’aient opérée le soir, ils m'ont tout dit après, pour ma jambe. Normalement, grâce à cette opération, je pourrais à nouveau tout faire dans ma vie et c’est le plus important. C'était dur, j'avais envie de me poser, de me relaxer un peu, j'étais contente de faire les championnats italiens, de vivre un peu plus sans stress. Et puis il y a eu ça, ce n’est pas facile. Mais j'ai accepté. J’ai dit ok, je suis quelqu’un qui déteste être assise toute la journée. Je fais du sport tout le temps, c’est la période où normalement je peux faire toutes les activités que j’aime donc c’était un peu dur. Mais j'ai accepté ça. Je suis très positive en ce moment et c’est pour ça que la jambe va bien. Je sais que le mental va faire beaucoup de différence sur ma rééducation, et sur ma capacité à peut-être revenir cet automne.

Le fait qu’il y ait les Jeux olympiques en Italie vous apporte-t-il une motivation supplémentaire ?

Même sans les JO, j'aurais quand même fait les efforts, j'aime la vie et faire du sport. C’est mon premier objectif. Faire les JO à la maison, ça pourrait être ma dernière saison de ma carrière donc c’est un peu dur d'approcher une nouvelle saison comme ça. Mais il faut que j'accepte ça, sinon je ne pourrai pas switcher sinon mentalement et je vais vivre tout le temps avec des "si". C’est plus dur de vivre une saison déjà mal partie, soit t'acceptes et tu essayes le maximum de ce que tu peux faire et revenir le plus vite possible, mais moi je veux revenir sur les skis quand je suis bien avec mon corps. Je ne veux pas revenir si j’ai de la douleur, si je n’arrive pas à appuyer. De skier avec ça, tu n’en fais rien et tu ne peux pas avoir de gros résultats. Moi je voudrais encore avoir de gros résultats. Je vais revenir et je vais revenir quand je serai bien physiquement.

Vous avez l’expérience des JO ou des grandes compétitions en Italie, est-ce que les JO à domicile c’est comparable à ce que vous avez vécu ?

Ça va être des Jeux olympiques différents de ce que j'ai vécu jusqu’à maintenant. On était tous ensemble au village olympique, tous les sports mélangés, là ça va être complètement différent. Il n’y aura même pas les garçons avec nous. Ça va être des JO mais un peu comme une course en coupe du monde ou les Mondiaux. Mais je sais que c'est différent parce que ça fait 6 ans depuis que Cortina a été désignée ville-hôte que les médias sont sur nous, sur moi particulièrement. Ça va être beaucoup, beaucoup de pression, mais là j'espère pouvoir me préparer au maximum. Je pense que oui mais je ne suis pas sûre de pouvoir le faire. Je vais essayer de tout faire mais ce n’est pas que moi qui décide.

Vous avez gagné en descente cette saison pour la première fois, c’était une progression logique ?

C'était un des objectifs de la saison, que j’avais mis depuis deux ans. J'avais déjà fait des podiums dans ma carrière, j’avais été proche de gagner surtout sur des pistes très techniques mais j'ai beaucoup travaillé sur la glisse, sur la vitesse, sur la position, ça fait des années que je travaille. De réussir quelque chose qui n'est pas trop naturel et qui arrive avec le travail, ça me rend très fière. C’est beau. 

Léna Marjak