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Boxe: Imane Khelif attaque devant le TAS les tests de féminité de World Boxing

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L'Algérienne Imane Khelif, championne olympique des -66kg aux JO de Paris 2024, a attaqué devant le tribunal arbitral du sport les tests de féminité mis en place par la Fédération internationale de boxe, lundi.

Imane Khelif renvoie sa fédération dans les cordes. La boxeuse algérienne a attaqué, lundi, devant le tribunal arbitral du sport (TAS), les nouveaux tests de féminité de World Boxing et lance une bataille qui dépasse largement la boxe et concerne aussi l'athlétisme, la natation et l'ensemble du monde olympique. Lundi, par un court communiqué, le TAS a rendu public le recours déposé le 5 août par la championne olympique de boxe des -66 kg, au coeur d'une polémique sur son genre lors des JO-2024 de Paris.

Privée de compétitions depuis juin

Dans le détail, Imane Khelif demande l'annulation de la décision prise fin mai par la fédération internationale World Boxing, qui l'a privée en juin du tournoi d'Eindhoven faute d'avoir subi le test chromosomique qui venait d'être mis en place, et de toutes les compétitions tenues depuis. Elle veut également pouvoir participer "sans test" aux prochains Championnats du monde à Liverpool, qui débutent jeudi et dureront jusqu'au 14 septembre, précise la juridiction basée à Lausanne. Cette dernière requête n'a quasiment aucune chance d'aboutir puisque le TAS précise avoir refusé d'accorder un effet suspensif à l'appel de la boxeuse algérienne, et n'a pas encore programmé de date d'audience.

Lors des Jeux de Paris, Khelif avait été la cible d'attaques et d'une campagne de désinformation, tout comme la Taïwanaise Lin Yu-ting, la présentant comme un "homme combattant des femmes". La boxeuse de 26 ans s'était imposée en finale des -66 kg. Née et élevée comme fille, la jeune Algérienne avait été accusée par l'ancienne instance de la boxe olympique, l'IBA, d'être porteuse de chromosomes XY, et avait été bannie pour cette raison des Mondiaux 2023 après avoir jusque-là toujours concouru en catégorie féminine sans la moindre polémique.

Des tests biologiques rétablis après leur abandon en 1996

Sa requête offrira la première occasion d'un débat judiciaire sur le rétablissement dans le sport mondial - par World Boxing mais aussi en natation et athlétisme - des tests génétiques destinés à établir le sexe biologique, en vigueur aux JO entre 1968 et 1996. Par un test PCR, il s'agit de conditionner l'accès à la catégorie féminine à l'absence de "gène SRY", situé sur le chromosome Y indicateur de masculinité, méthode vantée pour sa simplicité par ses promoteurs. Un tel dépistage écarterait les athlètes transgenres, ainsi qu'une partie de celles qui ont toujours été considérées comme de sexe féminin mais présentent des chromosomes XY, soit l'une des formes d'intersexuation.

Ce dépistage, tout sauf nouveau, avait pourtant été abandonné après les JO 1996 d'Atlanta face aux nombreuses critiques, venues à la fois de l'Association médicale mondiale, d'organisations de droits de d'homme et de la communauté scientifique. "La détermination du sexe biologique est beaucoup plus complexe" que l'équation "XY = homme", avertissait récemment dans le journal The Conversation le scientifique australien Andrew Sinclair, qui a découvert le gène SRY en 1990.

Outre les chromosomes, "les caractéristiques gonadiques, hormonales et sexuelles secondaires jouent toutes un rôle", rappelle-t-il, une complexité illustrée par les personnes intersexes (jusqu'à 1,7% de la population, selon la biologiste américaine Anne Fausto-Sterling). Il est par ailleurs possible d'avoir un chromosome XY tout en étant totalement ou partiellement insensible à la testostérone, comme la spécialiste espagnole des haies Maria José Martinez-Patino, privée des Jeux de Séoul en 1988 et première à avoir contesté avec succès les tests de féminité.

Mise sous pression par les nouveaux tests de World Athletics et World Boxing, la nouvelle présidente du CIO Kirsty Coventry a lancé fin juin un groupe de travail sur l'accès à la catégorie féminine, qui devrait aboutir à des directives claires. Depuis fin 2021, l'instance olympique fixait aux fédérations internationales de simples recommandations, et les dissuadait en particulier de "présumer" un avantage compétitif injuste "en raison de l'intersexuation, l'apparence physique ou la transidentité" d'une athlète.

NC avec AFP