Écologie, transidentité, guerres... Les défis de Kirsty Coventry, la "Barack Obama" du CIO

Avec 49 voix contre 28 pour son principal rival Juan Antonio Samaranch Junior et bien loin devant le Français David Lappartient, Kirsty Coventry est devenue ce jeudi la première femme élue à la tête du Comité international olympique. Double médaillée d’or et avec un total de sept breloques aux JO, l’ancienne nageuse zimbabwéenne a succédé à Thomas Bach, qui l’a adoubée, et incarne un changement radical à la tête du CIO. Une prise de pouvoir qui s’accompagne d’un vrai enthousiasme et de quelques incertitudes, selon le spécialiste de la géopolitique du sport Jean-Baptiste Guégan.
"La victoire de Kirsty Coventry de manière aussi large, ça montre l’assentiment à un projet et à la première femme africaine à arriver à ce poste. Ça montre aussi la capacité de Thomas Bach à réunir derrière lui puisque plus de 60 membres du CIO lui doivent un siège", analyse l’expert pour RMC Sport. "La victoire est nette, c’était inattendu, même chez les membres du CIO. Donc il y a un engouement, un engagement, un discours avec un projet 'Ubuntu' (son slogan que l’on peut comprendre par 'je suis car nous sommes', ndlr). Donc, déjà, il y a la force du symbole."
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Transformer le symbole "en pouvoir et en puissance"
Désormais à la tête de l’olympisme, Kirsty Coventry fait penser à Fatma Samoura dont le beau parcours à la Fifa lui avait permis de devenir la première femme secrétaire générale de l’instance dirigeante du football mondial. Attendue au tournant, à la vue de ce que représente son élection, l’ex-nageuse devra répondre présent.
"Mais ça rappelle surtout l’arrivée de Barack Obama et l’enthousiasme que cela a suscité", expliqué encore Jean-Baptiste Guégan. "On est sur une femme qui, à l’instar de la Première ministre norvégienne prend une place et va se faire une place. Donc il va falloir voir si elle est capable de transformer le symbole politique qu’elle représente en pouvoir et en puissance.
Et notamment en éliminant l’ombre tutélaire de son prédécesseur: "Il va falloir s’affranchir d’un Thomas Bach qui finalement reste dans les arcanes du CIO en tant que président d’honneur à vie. Ça peut être une force. Mais il va falloir qu’elle se dégage de son emprise ou en tout cas de son influence et des discours qui tendent à expliquer sa victoire non pas par ses qualités, ses compétences, son charisme et son travail mais par justement cette influence de Thomas Bach."
Ministre d’un régime autoritaire qui n’a pas uni l’Afrique
Parmi les autres points, un peu plus ombrageux, entourant la victoire de Kirsty Coventry: son passage au gouvernement du Zimbabwe au poste de ministre de la Jeunesse, du Sport, des Arts et des Loisirs. En fonction depuis plus de six ans et demi, la double championne olympique du 200m dos est donc étroitement liée avec le "régime autoritaire auquel elle participe" après être aussi inscrite dans l'histoire coloniale" de son pays.
"Ça va être intéressant de voir comment l’Afrique va réagir à cette élection parce que l’Afrique n’a pas forcément été unie derrière elle", insiste encore le spécialiste en géopolitique. "Il y a eu beaucoup de réticences donc on va d’abord voir comment elle fait l’unité de l’Afrique. Et puis il y aussi d’autres vrais défis."
Trump et la réintégration des Russes parmi les dossiers chauds
Ces autres défis qui attendent Kirsty Coventry semblent tout aussi épineux que celle de l’unité du sport africain derrière elle. À l’image de Thomas Bach, la nouvelle président du CIO va devoir occuper ce rôle majeur au sein de la diplomatie mondiale et pourrait ainsi servir d’intermédiaire dans certains conflits.
"Elle va devoir régler la question de la réintégration des Russes et la question ukrainienne au sein du mouvement olympique. Elle va aussi devoir aborder et régler la question trumpienne avec les Jeux de Los Angeles en 2028", détaille également Jean-Baptiste Guégan. "Elle va aussi avoir un troisième chantier qui va être colossal, c’est la question de la transidentité et des transgenres dans le mouvement olympique sportif. Le tout dans un contexte où Donald Trump les interdit sur le sol et en refuse même l’existence."
"Et plus généralement il y a le défi climatique avec les Alpes 2030 et la candidature de Salt Lake City, là encore aux États-Unis."
Et l’expert en géopolitique du sport de conclure: "Ce sont plus que de défis, ce sont des challenges et c’est là qu’on verra si on est une réussite hors-norme et une personne qui peut figurer comme un leader potentiel mondial ou si, au contraire, on est sur ce qui est arrivé à Barack Obama après son prix Nobel de la paix… C’est-à-dire plutôt une déception et un bilan plus en demi-teinte qu'espéré avec sa part d'ombres et de déceptions."