Boxe: pourquoi la revanche Charlo-Castano est un événement à ne surtout pas rater

Parce que le premier était une beauté controversée
Certains en avaient fait leur "combat de l’année 2021". Pour les autres, il n’en était pas loin. Le premier affrontement pour le titre unifié et incontesté des super-welters entre l’Américain Jermell Charlo (34-1-1, 18 KO; 31 ans), champion WBC-IBF-WBA, et l’Argentin Brian Castano (17-0-2, 12 KO; 32 ans), détenteur de la ceinture WBO, mérite le coup d’œil si vous aimez la boxe. En juillet dernier, après douze rounds au rythme infernal, les juges rendaient un verdict qui en laissaient beaucoup perplexes: match nul.
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La plupart des observateurs, votre serviteur y compris, voyaient ce résultat comme un "cadeau" des juges locaux pour un Charlo à domicile – le combat avait lieu à San Antonio, Texas, Etat où il réside et s’entraîne – alors que Castano semblait en avoir fait assez pour l’emporter avec son gros volume de coups. Un des trois juges, Nelson Vazquez, donnera même un 117-111 (neuf rounds à trois) en faveur de l’Américain, carte ubuesque même avec la meilleure des volontés et critiquée par… Charlo lui-même.
Son adversaire n’avait pas caché sa frustration: "Il a gagné les deuxième, dixième et onzième rounds. C’est tout. J’ai l’impression d’avoir été volé et je demande une revanche." De quoi pimenter ces retrouvailles pour les quatre ceintures de la catégorie (plus le prestigieux titre The Ring), d’abord prévues le 19 mars avant d’être reporté à la mi-mai – on pensait même un temps qu’elles n’auraient plus lieu car la WBO laissait entendre qu’elle voulait prioriser son challenger obligatoire Tim Tszyu – suite à une légère déchirure du biceps contracté par l’Argentin en camp d’entraînement. Et les entourer de questions.
Castano a-t-il laissé passer sa chance? Charlo peut-il écrire un nouveau scénario? Réponses samedi soir à Carson, en Californie, où l’Argentin sera moins à l’extérieur que si les deux avaient remis ça au Texas. "Beaucoup ont regardé mes anciens combats après le premier contre Charlo et ont commencé à me suivre, à m’envoyer des messages des quatre coins du monde, particulièrement des Mexicains et des Latinos en général, détaille Castano pour le site du magazine The Ring. Une partie du public sera en ma faveur et c’est un vrai plus d’avoir son peuple derrière soi quand on combat à l’étranger."
Parce que Castano est très énervé
Il promet de "ne plus laisser (s)on destin entre les mains des juges". Normal. Brian Castano s’est senti floué, et à raison, lors du premier combat contre Jermell Charlo. Mais celui qui moque la "nervosité" de son adversaire avant leur revanche imagine un tout autre scénario pour leurs retrouvailles. "Je me vois mettre les plus gros coups, le mettre KO et ma main levée en signe de victoire, résume-t-il. C’est un combat dur, où chacun peut finir au sol à tout moment et être battu, et c’est pour ça que mon esprit n’est tourné que vers une victoire. Je l’imagine et j’espère qu’elle sera avant la limite." Il n’avait pas réussi à le faire lors du premier et l’avait payé cher. Mais cette fois, il a peut-être la petite motivation supplémentaire pour faire plus mal.
Quand Castano a été victime d’une légère déchirure du biceps, qui a forcé le combat contre Charlo à être reporté de deux mois et l’a empêché de bien s’entraîner pendant quelques semaines, son rival avait laissé entendre que cette blessure était fausse mais permettait de cacher autre chose. "Ce qu’il a dit m’a mis la rage, lance l’Argentin. Tu fais de ton mieux et voir ton adversaire dire que tu prends du temps en plus pour chasser les produits dopants de ton organisme est une indication du type de personne que Charlo est. Il aime dire de la merde car c’est une personne merdique." Que ce boxeur dur au mal et au rythme de coups incessant compte battre en restant lui-même: "Je dois être ce Castano qui envoie des coups en permanence et en reçoit aussi. C’est mon essence et je devrai être à 100% comme ça pour ramener les ceintures à la maison."
Castano fait face à un énorme défi. Mais il en a vu d'autres... Boxeur amateur de très haut niveau, parcours soldé par un bilan de 181-5-5 avec notamment une victoire sur l’actuel champion WBC-IBF-WBA des welters Errol Spence Jr, Brian Castano débute sa carrière pro en 2012. Mais son ascension vers les sommets a failli connaître un arrêt définitif. A l’époque où il participe aux World Series of Boxing avec la franchise des Condors, l’Argentin s’écroule lors d’un jogging matinal. Verdict médiacal? Une sévère arythmie (irrégularité du rythme carrière) qui met sa carrière en jeu et sa santé en danger.
"J’avais des attaques de panique, explique l’Argentin. J’ai travaillé là-dessus pendant un an et demi avec mon psychologue du sport et mon cardiologue et j’ai réussi à laisser ça derrière moi. C’est juste une anecdote du passé. La vie vous met des coups et vous devez savoir comment les encaisser. Cela m’a rendu plus fort comme personne mais aussi comme athlète. Je n’ai plus de peur désormais." Les deux spécialistes l’accompagneront encore lors de ses trois premiers combats professionnels aux Etats-Unis, en 2015, pour le rassurer.
L’année suivante, Castano devient champion intérimaire WBA des super-welters. Avant un doublé français: il défend ce titre en 2017 contre Michel Soro, qu’il bat sur décision partagée, avant de remporter la version "régulière" (qui n’est pas la ceinture "Super" du vrai champion) lors de son combat suivant contre Cédric Vitu, autre boxeur tricolore. Trois combats plus tard, il s’offre enfin un "vrai" sacre mondial avec sa victoire sur Patrick Teixeira pour la ceinture WBO. La suite s’appelle Jermell Charlo pour un premier puis un deuxième combat d’unification totale de la catégorie. Qu'il compte conclure en roi incontesté des super-welters. Sans compter sur les juges qui l'ont déjà privé une fois du trône.
Parce que Charlo a promis un KO
Frère jumeau du champion WBC des moyens Jermall, qu’il n’affrontera jamais pour respecter la promesse à leur mère, Jermell Charlo possède une différence avec son frangin : il a déjà connu la défaite chez les pros. La chose a eu lieu en décembre 2018, onze ans après ses débuts, contre son compatriote Tony Harrison. Un revers vengé l’année suivante pour récupérer le titre WBC des super-welters (quelques mois avant d’ajouter les ceintures IBF et WBA à sa collection en battant Jeison Rosario) et qui l’a libéré de cette crainte de voir son invincibilité s’envoler qui limite la prise de risques chez de nombreux boxeurs. "Je n’ai pas peur de perdre mon 0 car c’est déjà arrivé, lance-t-il au micro de Fight Hub TV. Désormais, il s’agit juste de monter dans le ring pour être le Jermell Charlo que je sais que je dois être."
Pour ce deuxième combat contre Castano, cela voudra dire chercher le KO. Favorisé par les juges lors du premier, le combattant américain souhaite les écarter de l’équation pour ne plus prêter le flanc à la polémique. "Je veux obtenir ce putain de KO. Je veux éteindre cet enfoiré. Je suis le champion des super-welters et je le suis car je mets KO tous ces bouffons. Et je vais revenir à ça." Le message est clair. Mais il comporte des risques. Si Castano met autant de volume de coups que dans le premier combat, ce qui devrait être le cas c’est son style, trouver la faille sera compliqué.
Et trop vouloir le KO peut l’exposer aux contres de l’Argentin, comme cela avait été le cas en juillet dernier presque chaque fois qu’il avait cherché le gros coup. Honnête avec lui-même, Charlo évoque sa performance du premier combat comme "pas (s)a meilleure soirée". Il l’explique par des spasmes dans le bas du dos qui lui arrivent parfois et qui l’avaient empêché de se préparer au mieux. Mais cette fois, il se présente au top de sa forme. "Je me sens très bien, j’ai fait des choses que je n’avais pas fait la première fois et qui vont permettre à mon corps d’être le meilleur Jermell Charlo."
Avec un programme clair en tête et un message pour les fans qui espèrent un combat long: 'Que le meilleur gagne mais je viens pour le tuer! Je possède un autre type de talent. Entre mon côté athlétique, mon intelligence et mon talent, Castano ne peut pas me gérer. Je veux l’éteindre très vite. Si c’est le cas, ne soyez pas fâché contre moi. Je veux faire le spectacle mais je dois surtout l’éteindre. Tout le monde lui dit qu’il est le meilleur et ça va lui jouer des tours mentalement. Mon message à Castano? Sois prêt. Garde tes putains de mains en l’air car je viens pour balancer mes plus gros coups et t’exploser. Tu veux mettre beaucoup de coups très vite? Je vais aussi faire ça. Voyons si tu peux t’en sortir." C’est un Jermell Charlo déterminé comme jamais qui fera face à Brian Castano ce samedi soir.
Parce que la pépite "Boots" est aussi au programme
Si l’affiche principale est alléchante, il ne faudra pas non plus rater le co-combat principal de la soirée. Au programme? Un combat éliminatoire pour devenir le challenger officiel du titre IBF des welters entre la pépite Jaron "Boots" Ennis et Custio Clayton. Deux combattants invaincus qui vont se disputer la route vers une ceinture mondiale dans une catégorie qui attend l’unification totale entre Terence Crawford et Errol Spence Jr.
Et sans manquer de respect au Canadien Clayton (19-0-1, 12 KO ; 34 ans), qui avait participé aux JO en 2012 chez les amateurs, tous les yeux du monde du noble art seront braqués sur Ennis (28-0, 26 KO ; 24 ans), machine à éteindre la lumière des adversaires et qui affiche un potentiel digne de devenir un des meilleurs boxeurs de la planète. "Je viens pour envoyer un gros message, annonce ‘Boots’, vainqueur du tournoi national américain des Golden Gloves chez les amateurs et passé pro en 2016. Je veux gagner de façon dominante et mettre un KO pour montrer que je suis prêt à devenir le patron de cette catégorie."
Après une année 2021 où il a ajouté deux KO à sa collection, dont un contre l’ancien champion IBF des super-légers Sergey Lipinets, le boxeur entraîné par son père "Bozy" dans sa ville natale de Philadelphie souhaite entamer sa campagne 2022 en frappant fort: "J’ai l’impression que je deviens meilleur sur le fait de prendre mon temps et d’être détendu dans le ring. Plus le niveau de mes adversaires va monter, plus je vais être bon. On a travaillé pour lancer plus de jabs et être plus alerte dans le ring. Mon camp d’entraînement s’est très bien passé et je suis impatient de briller dans ce combat."
Le tout sans avoir observé plus que ça son adversaire. "Je ne regarde pas les gens que j’affronte en vidéo. Je laisse mon équipe s’en charger. Nous sommes préparés pour tout, pas que pour un seul scénario car on ne sait jamais ce qui peut se passer." Dans sa tête, en tout cas, semble déjà pliée. "A partir de là, tout va devenir plus gros et meilleur. On va continuer de monter. Je veux montrer à tout le monde tout ce dont je suis capable. Ma vitesse, ma puissance, ma défense, mon QI de combattant, mon jeu de jambes… Les fans veulent des KO et je suis là pour ça." Si vous aimez les talents pugilistiques, vous adorerez Jaron "Boots" Ennis.