Ciryl Gane: "J’ai envie de montrer à la France que c’est un "bon gamin" qui en est le porte-drapeau aujourd’hui en MMA"

Si tu devais raconter ton histoire pour un mec qui ne te connais pas et jusqu’à arriver ici. Tu dirais que c’est l’histoire de quoi?
C’est l’histoire d’un mec qui s’y attendait pas et qui s’est retrouvé la plus vite qu’il ne le pensait. C’est l’histoire d’un mec qui a toujours eu confiance en lui et qui a toujours été bon dans les sports et qui a toujours cru en lui surtout. Et ça a donné ce que ça a donné.
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Si je t’avais dit il y a deux ans, au moment où tu t'entraînais avec Francis, que tu te serais retrouvé là deux ans plus tard. Est-ce que tu pouvais t’y attendre ou ça aurait été hallucinant?
J’avais ça dans un coin de la tête mais je ne voulais pas trop l’admettre. En tout cas je ne pensais pas que ça allait arriver aussi vite encore une fois. On l’envisageait éventuellement parce que je n’ai jamais eu la prétention de faire partie des meilleurs. J’ai toujours su que je ferais une bonne carrière. Faire partie des meilleurs peut-être pas. En l’occurrence aujourd’hui j’en fait partie donc je me retrouve face à Francis. J’avais ça en tête mais pas aussi tôt.
Est-ce que tu dirais que c’est un événement qui va changer ta semaine, ta soirée, ton mois ou ta vie?
Non, soyons honnête, je pense que c’est un événement qui va changer ma vie, si je gagne. On parle bien de la victoire là? Si je gagne ce sera un événement qui changera ma vie. Alors, qui ajoutera quelque chose à ma vie, qui changera, je ne sais pas. Je n’ai pas la prétention de changer parce que j’ai plus d’argent, parce que j’ai un autre statut, parce que je pense rester le même. Mais on aura accompli quelque chose de grand. Donc ça c’est quelque chose qui s’ajoutera dans notre CV, dans notre palmarès, à moi, à Fernand, à la France, aux combattants français. Dire que oui, y a un mec qui a déjà eu la ceinture de champion du monde UFC dans une catégorie. Donc voilà, quelque chose de possible pour les Français aussi, alors que 3 ans en arrière, et quand je dis 3 ans, c’est même 2 ans en arrière, ce n’était même pas un sport légalisé en France. Le grand public français ne connaissait même pas ce sport-là. Alors qu’il y a énormément de talents en France, en terme de sports de combat. Là on parle de MMA mais si on prend le pieds-poings, tout au long de ces 30 dernières années... que ce soit en boxe thaï, en kick, je peux t’en citer plein des noms de Français mondialement connus et très respectés par le monde entier. Et ça, on en a pas trop conscience en France. Donc j’espère que le MMA, comme aujourd’hui c’est un sport archi médiatisé, ça arrive vraiment dans la face des gens, complétement, c’est inévitable. Alors moi, si j’y arrive, là on aura concrétisé quelque chose dans un bon timing.
Sur quoi tu as misé physiquement, psychologiquement, tactiquement. S’il y a un point sur lequel tu as insisté sur la prépa avec Fernand…
Sur ce camp de préparation si j’ai insisté sur quelque chose ? Pas spécialement. C’est-à-dire qu’on est toujours dans l’optique d’imposer notre style, d’imposer nos forces. En tout cas de jouer avec nos forces. On n’est pas là pour aller rattraper le retard sur les forces de l’adversaire. Je veux parler de la puissance de Francis. C’est quelqu’un d’extrêmement puissant. Ce n’est pas en 3 mois que je vais rattraper la puissance de Francis. Donc non, toujours focus sur mes atouts. Ça nous a toujours réussi jusqu’à présent. Les déplacements, l’intelligence, la vision des choses. C’est des choses sur lesquelles on va encore miser, alors non, rien de nouveau.
Comment tu résumerais pour les gens qui ne te connaissent pas, ta montée en puissance à l’UFC?
Mon ascension à l’UFC… Elle a été rapide. On était un peu sur un sprint. Je parle d’un sprint et encore, j’ai fait 3 combats en 6 mois, sur mes 3 premiers combats à l’UFC. Mon dernier combat, sur ces 3 combats là, était en décembre 2019. Et malheureusement y a eu la pandémie, y a eu des annulations, y a eu des blessures de ma part, ce qui fait que je n’ai pas combattu pendant 1 an. Le combat suivant a été en décembre 2020. Ce qui veut dire que je n’ai rien fait pendant 1 an. Donc si on recolle les deux bouts, c’est une ascension qui se fait sur 2 ans, 2 ans et demi. Donc c’est un sprint. Pour autant je n’ai jamais été dans le rush, j’ai toujours pris les combats les uns après les autres. Bon je sais que mon équipe était à côté, elle bossait pour qu’on batte des records, pour qu’on fasse des choses assez historiques. Et je pense qu’on l’a déjà fait. Et j’espère encore plus appuyer le truc d’ici au 22 janvier.
C’est lequel ton combat préféré dans la liste?
Aujourd’hui mon combat préféré c’est celui contre, ça dépend, je dirais entre Volkov et Derrick Lewis. Volkov plus à l’adversité. Il y avait plus d’enjeu sur le combat de Derrick Lewis, et la manière dont j’ai terminé ça m’a vraiment plu, c’était parfait. Mais par rapport à l’adversité le combat de Volkov. Vraiment celui de Volkov, juste avant celui de Derrick Lewis.
En deux ans et demi tu domines la boxe thaï, pareil pour le MMA. Tu n’as jamais été dans le rouge, sans t’intéresser à l’histoire des sports, j’ai jamais vu ça. Est-ce que toi-même ça t’étonne ou est-ce qu’il y a une forme de normalité à tes yeux ? Du détachement?
En fait moi, ça ne m’étonne pas. Parce que j’ai toujours eu ce truc au fond de moi. Le truc qui dit que je suis sûr d’y arriver si je fais ça. J’ai toujours eu ça en moi au basket, en foot. Même aujourd’hui quand je regarde du foot, enfin le foot j’ai plus trop le physique, mais du basket ou des choses comme ça, je me dis oui, avec de l’entrainement, si je réadapte mon corps, je sais que je peux jouer à ce niveau-là. Pourquoi j’ai ça? Je ne sais pas. Peut-être que le penser, c’est ça qui m’aide à faire les choses.
A l’image de Eden Hazard qui prend ça comme un jeu, j’ai l’impression de retrouver ça en toi. Le mot clé chez toi c’est que oui c’est du sport, oui c’est un métier, mais j’ai l’impression que tu le prend comme un jeu en fait.
C’est un jeu! C’est un vrai jeu pour moi. C’est vraiment que du plaisir. Alors encore une fois c’est peut-être mon subconscient qui fait les choses ; peut-être que j’essaye d’inhiber tout ce qui est négatif. En tout cas si tu prends l’entrainement d’aujourd’hui, il y a eu 2 ou 3 fous rires encore et c’est tous les jours comme ça. C’est toujours de l’amusement. Ce n’est pas que je n’ai pas de pression parce que finalement y a un enjeu. A chaque fois, il y a un défi, c’est un sport particulier, ça t’amène des sentiments assez particuliers, ce n’est pas un match de foot… Il y a un truc assez particulier pour ceux qui connaissent les sports de combat. Mais pour autant, si je perds ce n’est pas grave. Ce n’est pas grave parce que je viens d’arriver. Personne n’a fait le parcours que j’ai fait. Si je perds… J’ai le droit de perdre. Tout grand champion a déjà perdu une fois dans sa vie. Si je perds ça ne peut que m’apprendre, ça ne peut que me rendre encore plus fort. Moi je n’ai jamais rêvé d’être un combattant, j’ai jamais rêvé de ça… Un champion de MMA? Il y a 3 ans en arrière je ne connaissais même pas ce sport. Je l’avais aperçu sur internet, des vidéos par ci par là, tu regardes des highlights qui font le buzz. C’est tout, y a que comme ça que j’ai connu le MMA, en muay thaï c’était la même chose. J’ai toujours eu un détachement avec ces choses-là. Je ne sais même pas où aller.
Combien de fois tu as été en difficulté dans un combat? Dans un round, sur un enchainement de coups, combien de fois tu as été dans le rouge?
Dans le rouge… Non je n’ai jamais été dans une situation critique dans un combat… Jamais, zéro fois oui.
Si par exemple tu avais été basketteur, et que tu arrivais en finale du championnat de France, est-ce tu aurais le même détachement sur ce sport que tu suis depuis gamin?
Je vais être honnête avec toi, je n’en ai aucune idée. Je pense que je prendrais du plaisir, je pense qu’à partir du moment où tu prends du plaisir dans ce que tu fais, c’est ça qu’il faut voir. Prends du plaisir, amuse toi. Je pense que les plus grands athlètes, les plus grands sportifs, te diront qu’ils ont pris du plaisir avant tout. C’est-à-dire qu’ils ont performé parce qu’ils ont tenté des choses. Si tu ne te focus que sur la victoire, tu ne vas pas te libérer.
La pression la plupart des sportifs vont la subir. Toi, il n’y a aucune emprise sur toi…
Peut-être que je suis un glandeur, je ne sais pas. Franchement j’ai envie de te dire que je suis un gros glandeur, ou un gros "je m’en foutiste", pour être poli: un gars qui s’en fout de tout. Quand j’étais petit, je n’ai pas grandi avec de l’argent du tout. Papa ouvrier, conducteur de car pendant plus de 20 ans, dans la même boite il n’a jamais eu une seule augmentation. Maman pareil, 20-25 ans à l’usine. Coupeuse en confection, smicard aussi.
Ils ne t’ont jamais mis de pression, même au niveau scolaire?
Jamais! Papa n’a pratiquement pas été à l’école, il ne va pas me dire ce que je vais faire. Lui-même me l’a dit: "Si tu ne veux pas aller à l’école, t’inquiètes pas fiston, Gérard il travaille derrière la benne, tu vas aller avec lui faire de l’argent. T’inquiètes pas."
C’est intéressant, tu es toujours honnête, tu rentres pas ou peu dans le trashtalk. Tu dis la vérité sur ton adversaire et sur toi-même. Et pourtant on est dans un jeu ou tu peux gagner plus d’argent comme ça, mais tu ne le fais pas.
Je ne le fais pas parce que je considère que j’ai assez d’argent comme ça. Il y a des gens qui te diront: "Mais penses à la prochaine génération, celle de tes enfants et celle d’après." Je m’en fiche de celle d’après. Ils vont se démerder comme moi je me suis démerdé. Il y avait une expression qui disait que celui qui va trimer, va bosser deux fois plus dur que la prochaine génération, et ainsi de suite. Et que de toute façon ça allait créer des glandeurs. Alors tant qu’à faire, faisons en sorte que la prochaine génération soit des bosseurs. Donc je n’en ai strictement rien à faire.
Ce sont des valeurs qui t’ont été inculquées par tes parents j’imagine. Ces valeurs d’honnêteté…
Par la vie, par mes parents. Car de toute façon ils n’ont pas eu le choix. Ils n’ont pas pu m’offrir ce dont j’avais envie. Console de jeu, je n’en ai jamais eu étant jeune, des belles baskets j’ai jamais eu étant jeune, donc c’est la vie…
Et pourtant tu arrives à un moment ou ta vie peut changer. Pareil en rentrant à l’UFC, et tu es resté le même!
Je suis resté le même parce que j’ai la même femme, parce que mes parents sont toujours là, parce que j’ai les même amis. Rien ne bouge.
Tu sens que rien ne bouge? Tu sens que cette fois-ci, autour de toi, il y a une petite attente familiale?
Une attente… Non. Mon fiston prend plaisir. Comme d’habitude on s’est souhaité les vœux, c’était l’amour et la santé avant tout. Le reste c’est que du bonus.
Ton fils ne te parle pas de ce combat particulièrement?
Ma fille, ma grande fille n’a que 3 ans et demi donc elle ne comprend pas encore. Donc c’est la vie qui m’a éduqué comme ça. Moi j’ai tout fait comme boulots. J’ai fait mes études, mais je n’ai pas été en sport étude. Je n’ai pas été depuis tout petit à me dire que j’allais être athlète et que ça allait être mon métier. Je ne savais pas, moi. Moi j’ai travaillé, j’ai fait mon BTS, j’ai travaillé dans pleins de trucs : dans la téléphonie, dans la literie, je peux t’en citer je ne sais pas combien des domaines. J’ai été éboueur. J’ai été travailler à l’usine mettre des beurres en carton. J’ai fait tous les métiers durs. C’est que du bonus. Quand tu côtoie la vraie vie… Je ne sais pas. Je pense que c’est aussi mon trait de caractère. On fait des zig zag, mais je pense que c’est mon trait de caractère.
Il y a une anecdote qui te caractérise, c’est avant le combat contre Lewis ou tu entends sa musique et tu demandes à la « Shazamer »…
C’est pas le combat de Lewis, c’était contre un autre, un combattant brésilien. Il rentrait avant moi et c’était un très bon son. Et donc oui, on appelle ça le couloir de la mort, car il fait tout noir et tu arrives dans l’arène, comme les gladiateurs à l’époque. Et puis moi je demande le son car il est très bon. Et je sais qu’on pense la même chose avec mon coach et du coup j’ai voulu utiliser Shazam.
Toi tu as un avantage, c’est que tu n’as pas peur de tous ces moments à pression. C’est un énorme avantage que tu as sur tes adversaires. Lewis, chez lui, à Houston, disait avoir une énorme pression avant le combat.
Oui, je la comprend cette pression-là. Quand tu es chez toi, peut être que ça met un peu plus de pression.
Mais d’avoir un mec comme Gane en face de toi, parfois je me dis que ça doit être un enfer.
Peut être. Mais je ne me mets jamais à la place des autres. Je ne me mets jamais à la place de mes adversaires. Mais c’est sûr que c’est des atouts, en tout cas je veux parler d’avantages mais c’est des atouts pour moi pour pouvoir performer. Je pense que c’est aussi ce qui explique la réussite que j’ai eu en si peu de temps et aussi rapidement
T’as beaucoup moins de pression que Francis sur ce combat notamment…
Bah déjà j’ai pas de ceinture à perdre. Enfin j’ai ma ceinture intérimaire, ou je peux la perdre mais objectivement l’objet il reste chez moi à vie tu vois donc ça va.
Lui il est sous pression, ses relations sont pas supers avec l’UFC.
Ses relations sont pas supers… Moi j’ai un peu le rôle du gentil, lui celui du méchant. Alors après je pense qu’il aime bien ce rôle là aussi mais il a fait des choses que les gens n’ont pas trop apprécié. Toutes ces petites choses s’ajoutent dans son panier et c’est vrai que ça peut être aussi des avantages pour moi.
Tu penses que vous êtes à l’opposé au niveau des caractères ou c’est un schéma un peu simpliste?
C’est un schéma un peu simpliste mais je pense qu’on est vraiment un peu à l’opposé, oui. Je pense que c’est quelqu’un… Enfin je sais pas, je ne veux pas m’avancer. Mais de ce qu’on peut percevoir, dans les grandes lignes, de ce que les médias peuvent faire ressortir, oui on va dire ça oui.
Il y a quand même deux mecs qui se sont entrainé ensemble une dizaine de fois dans le XIIe, en France, qui n’était pas grand-chose dans le MMA, se retrouvent…
C’est magnifique et ça je l’ai toujours dit. Quand je suis arrivé à l’UFC on ne me posait que ça comme question. 'Et Francis…' Il y avait une première question sur mon combat et la deuxième était sur le fait que j’étais dans la même catégorie que Francis. Je disais 'oui c’est vrai, ça peut arriver. J’espère que ça n’arrivera pas, et si ça arrive ça arrivera parce que il a la ceinture et que moi j’arrive derrière et que je pousse.' Et ça arrive pour cette raison-là! Je ne pensais pas que ça allait arriver aussi vite. Mais je disais que ce serait magnifique pour la France, pour mon coach, pour mon club. C’est que du positif en fait.
Tu parles plus de la France qu’avant…
J’ai toujours évoqué la France. Franchement je ne le fais pas plus qu’avant. Je pense que les gens prennent plus conscience que maintenant je représente la France mais depuis le début j’ai parlé de ça. Depuis le début j’ai toujours été reconnaissant des fans et j’ai toujours voulu faire des choses bien pour mon pays.
On te reconnait maintenant un peu plus, en France...
Oui beaucoup plus. Aujourd’hui on ne me reconnait pas qu’en France. La dernière fois j’étais à New York pour accompagner Nassourdine et je me baladais dans les rues, en civil et les gens me reconnaissaient. Ça c’était fou.
Si tu gagnes tu peux devenir l’un des sportifs français les plus connus dans le monde. Peut-être pas encore en France mais dans le monde…
C’est pas déroutant, tu sais. L’UFC c’est une grosse machine et comme j’ai dit tout à l’heure, le MMA arrive dans la face de tout le monde. C’est inévitable, mais encore une fois c’est drôle.
Est-ce que sur les 10 entrainements fait avec Francis, est-ce qu’il y a une anecdote particulière? Est-ce qu’il s’est passé quelque chose…
Je dirais plutôt une absence de conversation. Francis n’est pas forcément… Et c’est pour ça que je disais tout à l’heure que c’est un peu différent. C’est que moi je suis dans l’amical, très convivial, très ouvert aux gens, lui c’est l’inverse. Il est très fermé aux gens, et ça n’est pas un jugement, c’est un constat. Il a un passé différent du mien ou il a vécu des choses... On ne sait pas. Alors aujourd’hui Francis c’est mon opposé en caractère. Je suis très ouvert, si quelqu’un m’arrête, peu importe qui c’est, je vais prendre le temps pour lui, dehors ou dans la rue… Francis c’est différent, de ce que j’en ai vu, il n’a rien partagé. Je pense qu’il se réserve. Alors peut-être qu’il savait qu’on pouvait se croiser. Mais je pense qu’il est comme ça avec tout le monde. Aujourd’hui il n’a pas vraiment d’amis au MMA Factory. Il y a fait 5 ou 6 ans mais il n’a pas vraiment d’ami. Il se trompe même sur le nom du sparring partner avec lequel il a le plus tourné: Nassourdine Imavov. Alors qu’il l’a dans ses contacts, et il se trompe. C’est pour te dire qu’il a un réel détachement.
C’est quelqu’un qui au contraire de toi se met une énorme pression. Mais la scène où il te passe devant il savait qu’il y avait les caméras, c’est de la communication…
Il n’y avait pas de caméra, c’était un portable, un téléphone. Le mec nous a dit après, on m’a dit dans L’oreillette que Francis montait et du coup j’ai sorti mon téléphone. C’est pour ça que je dis que rien n’était prévu.
Et donc toi tu réagis en disant: pourquoi il ne dit pas bonjour?
Bah oui, pour moi on n’était qu’entre nous. Le mec a sorti son téléphone, c’était un mec du staff, je ne sais plus ce qu’il faisait. Il a sorti son téléphone et il a fait ça comme ça.
Si ça avait été devant toutes les caméras…
Je me serais dit que voilà, il fait le coq devant les caméras tu vois. Là c’était beaucoup plus personnel.
Sur le combat le cliché c’est: il y a le mec surpuissant et le mec surintelligent. Ca te semble correspondre?
C’est exactement ça. Je pense qu’aujourd’hui techniquement, par rapport aux chiffres, aux résultats des combats, la manière dont ils se terminent, je pense que je fais partie des mecs les plus intelligents de la catégorie. Même en technique je pense. Et indéniablement, Francis est le plus puissant. Avec Derrick Lewis.
En tout cas, est-ce que tu te demandes comment tu vas faire pour que ce mec ne te touche pas? Tu as peur de cette droite?
Non, il ne faut pas avoir peur de cette droite. Je pense qu’on a vu sur celle de Derrick Lewis, qui est aussi effrayante en voyant combien de fois il a connecté les gens, c’est vraiment impressionnant quand tu prends son palmarès. Quand tu vois le combat entre lui et moi, on a bien vu que je restais dans ses droites, que je lui renvoie une droite derrière et que c’est lui qui tombe. Donc non, je n’ai jamais eu peur du contact, c’est aussi la facilité que j’ai eu de passer du basket aux sports de combat. Donc non, je ne pense pas avoir peur de sa droite et je pense déjà savoir comment faire. C’est quelque chose qu’on fait déjà, donc ce n’est pas quelque chose de nouveau où je vais devoir réadapter mon style. Donc encore une fois on va essayer de vite rentrer dans le combat, vite analyser les distances et faire ce qu’il faut.
Si je te demande si tu as un menton, tu le sais ou pas?
Je ne sais pas, j’ai jamais pris des coups plein fouet. J’ai envie de te dire oui, car j’ai déjà pris des coups mais je sais qu’en réalité je ne les prends pas de plein fouet car je les vois venir et je les accompagne. J’ai déjà pris des coups dans des combats et en fait je ne m’en rends pas compte car je les accompagne, ça ne me fait rien. Je les vois venir. Alors c’est dur à calculer. Franchement dire qu’on a un menton ou pas… Quand tu vois des mecs comme Overeem, Junior dos Santos, ils ont moins de menton car ils ont pris beaucoup de coups sur une très longue carrière alors tu peux être moins solide. Moi c’est l’inverse. Je n’ai presque jamais pris de coups, j’ai une jeune carrière. Donc si on en suit la logique de la science, je pense avoir un menton.
Quand on prend un peu de recul sur la situation, quand on prend un peu de recul sur la situation, s’il y a un KO sur ce combat ce sera une image très forte. Il y aura soit Francis Ngannou qui n’a jamais été terminé ou alors toi…
Oui d’un côté ou de l’autre. Francis n’a jamais été terminé par un KO, moi non plus donc oui ce sera forcément une image forte.
Faut imaginer l’image, soit c’est Ciryl soit c’est Francis, c’est un choc dans le monde de l’UFC. Est-ce que ça t’embête que les gens puissent te voir comme quelqu’un qui met peu de KO?
Personnellement je m’en fiche complétement de ce que les gens peuvent penser de moi, de ma façon de combattre, moi je sais ce qui se passe dans la cage, comment je dois agir face à un mec dans la cage. Je sais quel game plan on a travaillé avec le coach. Quand est-ce qu’il faut aller le chercher ou non, quand il faut se mettre en danger ou non. Mais globalement je m’en fiche. J’aime bien prendre cet exemple, parce que c’est un GOAT. Tu prends Mayweather, on ne va pas lui reprocher de ne pas mettre de KO. Il a un palmarès magnifique, tout le monde le respecte pour ça, pour autant il ne met pas de KO. Alors chacun est comme il est, physiquement, même techniquement, tactiquement, ce qu’il a envie de proposer. On m’aime beaucoup parce que je danse beaucoup, je vole, mais c’est le contraire de mettre des KO. Pour mettre des KO faut être ancré, avoir des appuis très forts, et balancer. Moi c’est l’inverse. Si tu regardes contre Derrick Lewis, quand il a fallu appuyer un peu plus, j’ai appuyé un peu plus.
Comment tu convaincrais un mec de se lever sur les coups de 4h pour regarder?
Je dirais juste à ce gars-là que je suis comme lui, que j’ai décidé de faire ce sport car c’est un sport comme un autre. Il faut accepter le contact mais c’est un sport comme un autre. Je suis comme toi, j’ai des valeurs, peut-être même plus que toi. Quand il y a une mamie qui veut s’asseoir je vais la laisser s’asseoir dans le bus, ou la laisser passer avant moi. J’ai des vraies valeurs, comme toi, j’espère. Et que j’ai choisi ce sport parce que c’est un sport comme un autre. Donc Certes c’est un peu différent, il y a quand même la note de violence, donc je ne pourrais pas forcer la main de quelqu’un pour regarder. Des gens sont sensibles à ça, par leur expérience passée, par leur vie personnelle. Par contre lui dire que ce n’est pas juste deux brutes qui vont se mettre dessus, mais deux personnes intelligentes, qui vont devoir adapter leur style de combat face au gars en face. Car tu peux venir de la lutte, du sol… Alors c’est beaucoup plus complet, plus intelligent. Il faut faire des choix, résoudre des problèmes. C’est ce côté-là qui est intéressant. Et quand tu t’intéresses aux combattants, à là d’où ils viennent et que tu vas essayer d’analyser comment ils devraient faire. Alors si un Français aujourd’hui me regarde sur cette interview, je ne saurais pas quoi lui dire en fait…
T'as du mal à te vendre…
J’ai pas envie de forcer les gens. Je n’en ai rien à foutre. Je le fait pour moi .Je dis juste que j’ai des valeurs, je suis une bonne personne et je suis un compétiteur et je n’aspire qu’à ça. Et aujourd’hui j’ai envie d’être un porte drapeau français et j’ai envie de montrer au monde et en tout cas à la France que c’est un bon gars, un "bon gamin" qui est en porte-drapeau aujourd’hui au niveau du MMA. Le surnom "Bon Gamin" il vient d’un collectif. C’est un groupe d’amis, des vrais amis proches, qui étaient dans la musique et qui ont démocratisé ce surnom de "Bon Gamin". Et en fait comme on était tout le temps en groupe, on se l’est tous tatoué. Moi je l’ai sur la jambe, mais bien avant les sports de combat. C’est ça qui est drôle et je l’ai utilisé par la suite dans le MMA parce qu’il a fallu en trouver un et que ça collait beaucoup à ma personnalité.
Finalement, tu emmènes les gens, pas seulement par la victoire…
Oui, avant tout, j’ai envie que les gens se reconnaissent en moi, parce que je suis comme eux. Tu as vu mon parcours. Je suis exactement comme eux. En plus, je n’ai jamais rêvé d’être un combattant. Je suis vraiment quelqu’un comme toi. C’est-à-dire que des personnes, à 24 ans ou 25 ans… Moi c’est à cet âge-là que j’ai commencé les sports de combat. Alors tu peux être exactement comme moi. Alors c’est vraiment ce message-là que je veux passer aux gens. L’aventure. Les résultats c’est bien, mais l’aventure elle est encore plus belle.