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Préparation mentale, entraînements écourtés et lutte contre la passivité: comment Fernand Lopez a voulu faire "renaître la violence" en Ciryl Gane

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Parti à Dubaï pour préparer son combat pour la ceinture des poids lourds contre Tom Aspinall, le 25 octobre à Abu Dhabi lors de l'UFC 321 (sur RMC Sport 1), Ciryl Gane a fait sur place un gros travail physique et technique. Mais l'aspect cognitif a aussi été abordé en profondeur par son staff et son coach Fernand Lopez. Avec un objectif précis: lutter contre une passivité installée malgré lui, et raviver la violence nécessaire dans la cage, pour retrouver la fraîcheur et l'efficacité du "Bon Gamin" des débuts.

"Il n'y a pas d'incompatibilité à dire bonjour en faisant des cœurs et à casser des bouches." S'il s'est fait plus discret médiatiquement ces dernières années, Fernand Lopez n'a aucunement perdu son sens de la formule. Depuis mi-septembre, le coach de Ciryl Gane et son combattant ont posé leurs valises à Dubaï, pour préparer le choc tant attendu contre Tom Aspinall pour la ceinture des poids lourds de l'UFC, le 25 octobre prochain à Abu Dhabi. Un camp d'entraînement inédit pour le duo, de par sa localisation, sa durée, le niveau d'investissement fourni et la qualité des sparring partners rencontrés, dont l'entraîneur a exceptionnellement ouvert les portes à RMC Sport.

C'est ici, entre les murs du TRIPL3 MMA, leur camp de base jusqu'au grand départ pour Abu Dhabi, que Lopez et Gane affûtent leurs armes et préparent leur plan pour la grande bataille de l'UFC 321. Il y est question de préparation physique, de pieds-poings, forcément, de travail au sol, de préhension, mais aussi... d'approche mentale. Un axe de travail ô combien important, d'après Fernand Lopez, pour faire sauter les verrous psychologiques qui ont pu - sans qu'il ne le réalise - brider Ciryl Gane lors de ses dernières apparitions dans la cage.

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La passivité, un véritable danger

Lopez, qui s'est assuré de la motivation de Gane avant de se lancer conjointement dans la préparation de leur troisième combat pour le titre mondial, indique avoir vu débarquer à Dubaï un "Bon Gamin" déterminé et discipliné comme rarement, peut-être même comme jamais. Et pourtant, il s'est fixé un objectif: réveiller, au sens figuré, son combattant.

"C'est bizarre à dire, mais ce que je lui ai demandé sur ce camp... c'est moins d'intelligence", confie l'entraîneur, avant de développer sa théorie. "Un psychologue américain du nom de Jonathan Baron, professeur de l'Université de Pennsylvanie, a fait des recherches et mis en évidence le fait qu'il y avait des biais cognitifs, des biais psychologiques, qui pouvaient empêcher certaines personnes de faire des actions. Parce qu'on considère des actions comme étant beaucoup plus réprimables par la population, par le jugement social, que si on n'avait rien fait. (...) Si je ramène ça au MMA, ça veut dire qu'un gars comme Ciryl Gane va penser: 'Si je propose une clé de talon à la fin d'un combat, je serai beaucoup plus jugé pour avoir proposé quelque chose que si je ne propose rien'. Même si le résultat est le même, même si c'est la défaite. Ce phénomène-là, ce biais psychologique, c'est quelque chose dont on a pris conscience."

À trop réfléchir aux conséquences possibles de ses actions dans la cage, Ciryl Gane serait devenu en quelque sorte trop passif. "Mais beaucoup d'athlètes de haut niveau en MMA deviennent très passifs avec le temps", assure Fernand Lopez. "Parce qu'ils jouent la sécurité, parce qu'ils sont très intelligents. Et donc il faut qu'il y ait quelqu'un qui intervienne, il faut que le staff vienne déverrouiller cette intelligence pour qu'on aille prendre davantage ce petit risque qui va nous amener vers la victoire."

"La pression sociale réduit nos champions"

Si l'âge, selon les travaux de Jonathan Baron, est un facteur "aggravant" de cette passivité, la pression sociale en est un autre. Et là, on pense forcément aux critiques auxquelles a été confronté Ciryl Gane après ses défaites contre Francis Ngannou et Jon Jones lors de ses deux premiers combats pour la ceinture. "Bon Gamin" a-t-il été influencé dans son MMA, et ce malgré lui, par les moqueries ou les remarques blessantes? "Moi je suis fondé, tellement fondé", évacue le combattant sur cette thématique. "J'ai un vrai monde réel, solide, avec des vraies bases. J'ai été élevé avec de l'amour, je ne manque de rien, je suis très stable émotionnellement."

Avant d'admettre à demi-mot: "Malheureusement, tu as beau être pleinement fondé, c'est quelque chose quand même qui te touche. Du coup, tu réagis en fonction."

"Dans les fans qu'on a, il y a une très grosse masse qui aime sincèrement Ciryl et qui veut le voir réussir", complète Fernand Lopez. "Malheureusement, ils ne prennent pas la responsabilité de leur attitude sur les réseaux sociaux, avec des déclarations très violentes. La pression sociale réduit nos champions."

"Il y a un corollaire direct entre ce stimulus de douleur et le fait que tu gagnes le combat"

Voilà pour le constat. En ce qui concerne les solutions, Fernand Lopez a mis en place un système surprenant: un "contrat moral" avec Ciryl Gane, articles à l'appui, pour que ce dernier s'engage à respecter, sans réserve, les consignes de son staff durant les sparrings. Avec un autre intérêt: libérer cette violence en lui, souvent nécessaire et même plutôt conseillée dans une discipline telle que le MMA. Même à l'entraînement. "Cyril fait partie de cette école où il va préserver le partenaire", poursuit Fernand Lopez. "Ce monsieur qui fait un sport violent, qui est capable d'infliger une grande violence dans la cage, n'entend pas le même message de violence quand on est dans le sparring. (...) J'ai eu des discussions avec lui sur le rapport avec la violence dans ce sport, et notamment la nociception."

C'est ici qu'on ouvre le Larousse. Nociception: perception des stimulations génératrices de douleur. "Je ne veux pas que tu fasses mal à ton partenaire, je veux que tu gagnes le combat", développe Fernand Lopez. "Mais il y a un corollaire direct entre la nociception, cette notion de douleur, ce stimulus de douleur, et le fait que tu gagnes le combat. Plus tu vas infliger de la douleur, de la peine quelque part, plus tu auras un adversaire qui va te respecter et va moins s'approcher par exemple pour essayer de t'amener au sol de manière gratuite. Et donc c'est ce travail-là qu'on a fait avec Fabien, son préparateur mental. On lui a dit: 'Si tu sais stopper un combat au premier round sans infliger de douleur, donne-nous la solution'. Mais si tu ne sais pas, on a un problème..."

Ciryl Gane sous les yeux de Fernand Lopez lors de sa préparation à Dubaï, en septembre 2025
Ciryl Gane sous les yeux de Fernand Lopez lors de sa préparation à Dubaï, en septembre 2025 © RMC Sport

Des sessions écourtées pour créer de la frustration

Il y a donc eu des discussions, il y a eu aussi des bâtons et des carottes. Lors d'un entraînement à Dubaï, il a pu arriver ainsi que Ciryl Gane soit privé d'un deuxième round... parce qu'il n'avait pas assez dominé le premier. Pour créer chez lui de la frustration. "Pour aller chercher cette envie de finish, faire renaître cette violence qu'on a connue à l'époque du TKO ou de ses débuts à l'UFC", complète Fernand Lopez. Évidemment, filer à la douche et rentrer à la maison après un seul round n'a pas toujours fait rire "Bon Gamin". Mais le travail a porté ses fruits selon son entraîneur.

"Ça a duré pendant une bonne période de développement de notre préparation. Mais aujourd'hui, on est sur une phase d'affûtage où on sait que cette notion d'infliger la douleur est ancrée", sourit Fernand Lopez.

"Elle est là maintenant. Il la choisit quand il veut, il la place où il veut. Mais il lui reste cette intelligence." Celle de ne pas donner le coup de trop à l'entraînement, surtout quand on est un colosse du gabarit de Ciryl Gane, de ne pas infliger à un partenaire une blessure évitable.

Plutôt pudique quand il s'agit de sa propre préparation mentale ou de son rapport à la violence, "Bon Gamin" semble lui aussi mesurer le chemin parcouru ces dernières semaines. "Ça a été des méthodes d'entraînement très ciblées, très cycliques où on allait chercher certaines choses", souffle-t-il, en parlant du "meilleur camp" d'entraînement de sa carrière. "Avec toutes les choses mises en place, que ce soit sur le plan cognitif, en termes de dépenses énergétiques... C'est un cheminement logique... Tout ça, c'est pour arriver à une date, pour arriver à ce combat de cinq fois cinq minutes. Tu es obligé d'être dans cette mentalité-là."

C.C. avec P.H.C et R.P.