
JO: Et si le MMA devenait un sport olympique en 2028?
Ce n’est pas le titre olympique historique du volley ou le doublé en or du hand. Mais cela rentre sans souci dans les exploits du week-end pour le sport français. Près de vingt-huit ans après la création de l’UFC (novembre 1993), Ciryl Gane est devenu le premier Français à conquérir une ceinture de la plus prestigieuse organisation de combats de MMA. Une performance XXL réalisée quelques heures avant la cérémonie de clôture. De quoi se poser une question: et si le MMA, discipline à la popularité grandissante à travers la planète depuis vingt ans, devenait un sport olympique?
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Pour entrer au programme des Jeux, à l’image du surf, du skate ou de l’escalade à Tokyo, un sport doit respecter un certain nombre de critères dont trois principaux: bénéficier d’un organe international qui supervise la discipline et avoir une participation "mondiale" (au moins soixante-quinze pays sur quatre continents pour les hommes, au moins quarante pays sur trois continents pour les femmes); présenter une dimension athlétique (en gros, être un sport physique) et ne pas se faire sur des machines motorisés; apporter une valeur ajoutée en termes de popularité.
Avec l’International Mixed Martial Arts Federation (IMMAF), organisme créé en 2012 qui organise des championnats du monde mais aussi des compétitions continentales depuis 2014 et qui a fusionné avec la World Mixed Martial Arts Association (WMMAA) en 2018 pour se donner de meilleurs chances de rejoindre le concert olympique, le premier est rempli. Avec des combattants venus du monde entier, à l’image d’une UFC qui compte des champions dans quatre continents, le deuxième l’est aussi. Avec le niveau de vente des pay-per-views UFC et l’attrait pour le MMA dans de nombreux pays à travers la planète, comme au Brésil ou en Russie où il est l’un des sports numéro 1, pas de souci pour le troisième.
Alors, qu’est-ce qui coince? D’abord une question de vision. Pour être olympique, une discipline doit également être "riche en valeurs" et "adhérer à l’esprit du sport". La nature violente du MMA, où voir le sang couler n’est pas une rareté et qui se dispute dans une cage pas idéale symboliquement, complique les choses. Si les pros sont acceptés depuis Rio en 2016, la boxe olympique concerne les amateurs avec des règles différentes des pros qui protègent plus l’intégrité physique des combattants. Le MMA est dans les même clous: les compétitions de l’IMMAF, qui compte plus de 110 fédérations nationales membres dont environ cinquante reconnues par les comités olympiques locaux, se font elles aussi avec des règles différentes plus protectrices des athlètes (pas de coups de coude, de clé de talon, de soumissions qui appliquent une pression sur la colonne vertébrale ou de coups de genou à la tête).
"Ils ne nous donnent aucune explication"
Ce qui n’a pas empêché l’Association mondiale des fédérations sportives (GAISF) de rejeter ces dernières années plusieurs demandes d’affiliation de l’IMMAF en tant que "membre observateur", la première étape d’une adhésion totale nécessaire pour entrer au programme olympique (tout comme celle comme "signataire" à l’Agence mondiale antidopage, rejetée également plusieurs fois pour l’IMMAF alors qu’elle a adapté ses règlements au code mondial antidopage). Le tout en laissant les demandeurs dans le flou.
"Même si on remplit les critères, le GAISF refuse de nous donner des réponses claires, expliquait le président de l’IMMAF, Kerrith Brown, en juin 2020. Ils ne donnent aucune explication sur leur décision. Ils ne nous disent pas qui était dans la réunion de décision et qui a eu du pouvoir sur elle. Ils ne nous disent pas quels sports de combat ont objecté contre nous. Ils n’ont pas non plus expliqué pourquoi certains arts martiaux ont dit que le MMA était incompatible avec eux." A lire ça, on se croirait revenu au temps où la Fédération de judo, entre autres, faisait tout pour bloquer la légalisation du MMA en France…
"Gentlemen's Club"
Patron exécutif de l’organisme, Densign White en rajoutait une couche: "Le traitement de l’IMMAF est aussi choquant que vétuste. Le sport international semble dirigé par un ‘Gentlemen’s Club’ sans aucune exigence de responsabilité, transparence, représentation ou tout autre marqueur d’une bonne gouvernance, en dépit du fait que leurs décisions ont un impact sur les participants à notre sport à travers la planète. Nous exhortons le GAISF à sortir de l’ère dans laquelle le mouvement olympique moderne est né pour devenir responsable comme on le demande de tout organisme de gouvernance moderne dans n’importe quel secteur."
Et White d’enfoncer le clou dans un autre communiqué où il annonce la volonté de porter la chose sur le terrain judiciaire: "Nous avons fait tout ce qui est nécessaire mais nous pensons être bloqués pour des raisons politiques par des représentants influents d’autres sports de combat. Nous aimerions résoudre cette situation à l’amiable mais nous sommes de plus en plus frustrés par ce système qui n’est ni transparent ni juste. Si tout cela n’est pas résolu dans un timing opportun, nous devrons passer par une action en justice." L’idée des dirigeants de l’IMMAF, qui remonte, serait de profiter de l’édition 2028 des JO pour tenter sa chance.
"Nous croyons que nos chances sont fortes avec Los Angeles car le MMA est un sport mainstream aux Etats-Unis avec une forte présence médiatique, commerciale et même politique, lançait Kerrith Brown en 2017. Nous allons essayer de faire du lobbying et de pousser pour 2024 mais je suis plus confiant pour 2028. Voir le MMA aux Jeux en 2028 serait un accomplissement symbolique, qui permettrait à l’IMMAF d’atteindre sa vision fondatrice. Cela voudrait dire que la lutte pour la reconnaissance de notre sport serait derrière nous." A l’époque, celui qui avait disputé les Jeux de Los Angeles 1984 en judo (tout comme Densign White) évoquait déjà la difficulté à adhérer au GAISP et à l’AMA, gardiens de la porte vers le CIO, en raison de l’opposition de disciplines concurrentes: "Nos opposants incluent le judo, la lutte et le muay-thaï, ce qui montre selon nous un conflit d’intérêt clair".
Khabib s'implique
Mais il rappelait aussi pourquoi le mouvement vers l’inclusion du MMA au programme olympique lui semblait plus que logique pour dépoussiérer l’institution: "Le MMA est un sport ancestral qui a explosé avec la naissance d’internet. C’est devenu un sport à part entière, avec des gens qui s’entraînent dans des salles spécialisées partout sur la planète. Le MMA excite les nouvelles générations que les JO ont du mal à accrocher. Si les Jeux veulent prospérer dans le futur, ils doivent s’ouvrir à de nouvelles disciplines. Le mouvement olympique doit s’acclimater aux temps actuels pour survivre. Le MMA peut apporter beaucoup aux JO."
Dans sa démarche, le MMA peut compter sur un ambassadeur de poids: Khabib Nurmagomedov, légende de la discipline qu’il a quittée invaincu (29-0 chez les pros) avec la ceinture de champion des légers de l’UFC. Et qui s’implique. "L’inclusion du MMA aux Jeux sera une de mes principales tâches dans les deux ans à venir, assurait le Daghestanais en décembre dernier. Nous travaillons déjà dans cette direction. Dans un futur proche, je vais avoir plusieurs réunions, dont certaines avec le président du Comité international olympique (Thomas Bach, ndlr). Si ça ne se fait pas pour Paris en 2024, je pense qu’on a une grande chance pour Los Angeles en 2028. La seule question concerne la violence de ce sport, choses qui n’est pas encouragée aux JO. Mais en termes d’intérêt, si le MMA entre au programme olympique, il va vite concurrencer beaucoup d’autres disciplines."
"Ça arrivera un jour"
Patron exécutif de l’UFC, société revendue pour quatre milliards de dollars en 2016 et dont l’immense réussite populaire et économique ne se discute, Dana White pense également que la chose se fera dans le futur même s’il ne s’implique pas (l’UFC est tout de même partenaire de l’IMMAF): "Ça arrivera un jour. Pour être honnête, ça devrait déjà être un sport olympique. Nous en parlons depuis longtemps. Mais ça ne fait pas partie de ma liste de priorités." Les dirigeants de Los Angeles 2028 ont, eux, déjà annoncé qu’ils n’étaient pas contre l’idée. Reste à savoir si le timing pourra coller.
Du côté de la France, une telle adhésion pourrait rapporter niveau médailles: le vivier de combattants tricolores est très profond, avec beaucoup de talents, et nos représentants ont déjà brillé sur la scène amateur, à l’image d’une Manon Fiorot championne du monde en 2017 et qui brille aujourd’hui à l’UFC où elle a remporté ses deux premiers combats dans la catégorie mouches. Il n’y a peut-être pas que les judokas façon Teddy Riner, qui a utilisé la technique pour gagner son premier combat de repêchage à Tokyo, qui pourront bientôt faire abandonner un adversaire avec une clé de bras (le jiu-jitsu brésilien, la lutte, le judo et plus globalement le sol font partie intégrante d’un arsenal complet en MMA) dans le cadre des JO.