L'accueil de Caio Borralho dans sa salle, les combats des Français, Ciryl Gane... Les vérités de Fernand Lopez avant l'UFC Paris 2025

Bonjour Fernand, merci de nous recevoir chez vous à la MMA Factory, un club dont vous avez ouvert les portes à Caio Borralho (l'adversaire de son ancien poulain Nassourdine Imavov en main event de l'UFC Paris samedi soir). Ça a beaucoup fait parler sur les réseaux, et pas qu'en bien. Qu'avez-vous à répondre à ceux qui parlent de trahison?
Trahison, c'est un mot fort, il faut faire attention aux mots. Quand tu n'as pas fait de haut niveau, quand tu n'as pas été coach au haut niveau, on ne peut pas comprendre ce que c'est. Mais l'hospitalité, c'est très important dans le monde sportif. On en a tous bénéficié, comme à Rio en 2016: on a été accueillis, on nous a donné une salle de gym. Il y a même quelqu'un de Rio - et pourtant on affrontait les Brésiliens - qui nous a aidés à faire une IRM parce que (Rameau Thierry) Sokoudjou était claustrophobe et qu'il ne pouvait pas rentrer dans l'IRM normale. On nous a aidés à prendre l'hélicoptère pour aller à Sao Paulo et revenir. C'est de ça dont on parle. L'hospitalité, on a toujours fait ça.
Ce n'est pas un problème, c'est normal, c'est du sport. Arrêtons de prendre les choses avec beaucoup de sérieux. J'ai des exemples à foison dans le monde entier où je suis allé, on a tellement eu de salles prêtées.
Autre exemple avec Ciryl Gane. On arrive au Canada, où l'on affrontait deux fois des Canadiens. On a eu la salle de Georges Saint-Pierre, c'est lui qui nous prêtait sa salle au Canada. Même en France, ça se passe comme ça. Il y a ARES 34 qui arrive (le 13 septembre), Paulin Begai représente la France et va affronter Moustapha Diakhaté qui représente la Belgique. Savez-vous où s'entraîne Moustapha Diakhaté? À Venum, avec Nicolas Ott et toute la team de Venum. Et ce n'est pas un problème, c'est normal, c'est du sport. Arrêtons de prendre les choses avec beaucoup de sérieux. J'ai des exemples à foison dans le monde entier où je suis allé, on a tellement eu de salles prêtées. Quand un excellent coach comme Pablo me contacte et souhaite qu'on l'aide à avoir un espace d'entraînement, je ne vais pas dire non parce que ça n'a aucune incidence.
"Le problème, c'est quand on est éclairé et de mauvaise foi"
Pensez-vous que ça a été amplifié par le fait que Nassourdine travaillait avec vous et qu'il est parti? Certains ont pu penser que c'était une espèce de vengeance...
Je ne pense pas que ce soit amplifié par ça, ce n'est pas ça le problème. Il y a toujours, dans tout, des personnes avec une faculté cognitive à pouvoir tout comprendre, et d'autres gens pas très éclairés et on ne peut rien y faire. Ça, ce n'est pas le souci. Le problème, c'est quand on est éclairé et qu'on est de mauvaise foi. Je vais vous donner quelques anecdotes qui vont vous éclairer pour que vous compreniez l'ampleur de la situation. Francis Ngannou arrive à Paris à quelques semaines de son combat contre Ciryl Gane (en janvier 2022, NDLR). Quelqu'un de la salle de district à Montreuil m'envoie la vidéo de "Tonton", le parrain (à la salle) et ami de Francis, qui s'entraînait la veille avec Ciryl. Le lendemain, "Tonton" s'est entraîné avec Francis dans la salle de Montreuil en cachette pour lui donner des infos du sparring de Cyril. Tous les mecs du MMA le savaient, personne n'a jamais crié à la trahison. Personne n'en parle.
C'est cette hypocrisie-là qui me pose problème. Vous me demandez si c'est parce que Nassourdine était dans ces salles avant: non, ça ne change rien. Plein d'athlètes sont partis, d'autres sont venus, ça n'a rien changé. Les gens transposent leur vision et leur ressenti émotionnel sur les autres. Ils se disent: "Fernand doit avoir le seum d'untel qui progresse." Non. Il y a un mot que je pratique et que j'aimerais que beaucoup d'autres personnes du milieu du MMA pratiquent, c'est la compersion. La compersion, c'est le contraire de la jalousie, c'est pouvoir se réjouir du bonheur ou de l'avancée de l'autre.
Il y a quatre ans, j'avais expliqué pourquoi Nassourdine allait être champion et j'avais dit: "Je pense qu'il va être champion, je pense que c'est une étoile filante, je pense qu'il est très bon." Quand je disais ça, les commentaires en-dessous étaient: "Mais arrête de nous vendre ta sauce, Nassourdine c'est personne, il va rien faire, Nassourdine machin." Et c'est cette progression qui a continué, il continue un excellent parcours avec Nicolas Ott qui est un très grand entraîneur. Il est vraiment bon, il sait de quoi il parle et il y en a très peu en France qui savent de quoi ils parlent, en termes de coaching.
Pour vous, Nassourdine va battre Caio?
Oui. Je pense que Caio est ultra dangereux sur certaines frappes, il a des frappes très lourdes, il peut poser problème. Nassourdine est très intelligent. Tout va se jouer sur la distance qu'ils vont avoir. Mais une fois de plus, pour être tout à fait objectif et tout à fait sincère, je pense que Nassourdine a plus de chance de gagner ce combat que Caio.
Benoît Saint Denis sera en co-main. Il y a 18 mois, il était favori dans les cotes contre Dustin Poirier, ça parlait de ceinture. Aujourd'hui, il est 13e du classement, il est outsider contre Mauricio Ruffy qui n'est pas classé. Est-il en danger sportivement?
Oui, Benoît est en danger. Ruffy est un problème. Le timing dans la vitesse qu'a ce petit... j'ai rarement vu ça. C'est effrayant. Je souhaite que Benoît Saint Denis gagne son combat. Je le souhaite vraiment, du fond du corps. S'il reste sur une stratégie très sérieuse, sans faire le fougueux, il y a moyen qu'il s'en sorte. Au sol, BSD a de l'avantage. Mais pour arriver au sol, c'est un vrai problème, toutes les options sont dangereuses.
"On sous-cote beaucoup Ciryl"
Vendredi, en marge des pesées, il y aura aussi la conférence de presse entre Ciryl Gane et Tom Aspinall. Pouvez-vous nous raconter les coulisses de la signature de ce combat, comment vous l'avez obtenu?
Déjà, c'est par les performances de Cyril. Il est resté classé numéro 1, numéro 2, numéro 1, numéro 2. En tant qu'agent, ça me facilite la tâche. Non pas parce qu'il y a peu de gens, ça c'est une narration qu'on aime dire. Non, la catégorie des poids lourds a 74 combattants.
Quand on parle de combattants vraiment crédibles pour un combat pour la ceinture, dans le top 15, ils ne sont pas 15.
C'est un aspect subjectif. Il y a du monde. Il y a (Alexander) Volkov qui veut combattre, il y a (Sergei) Pavlovich qui veut la ceinture, il est là, il dit "je veux". Tout le monde, Curtis Blaydes aussi. Mais pourquoi on ne la leur donne pas à eux? Pourquoi Cyril? Les autorités du MMA qui ne nous aiment pas au demeurant - ils ne sont pas fans de la France -, se disent qu'ils n'ont pas le choix, que c'est lui qu'ils vont mettre. On sous-cote beaucoup Ciryl, on sous-cote beaucoup nos athlètes, on ne se rend pas compte de la difficulté. Vous pensez qu'on a une priorité sur les autres pour la ceinture ? Non, il est là parce qu'il est un ayant droit, c'est tout.
Il a cette personnalité enjouée, il a fait un film, il a son podcast. Ne pensez-vous pas que ça agit sur la perception des gens qui se disent, "lui ne travaille pas assez"?
Absolument. Les gens ne jugent que ce qu'ils voient et perçoivent. Au bout de la communication, au bout de la chaîne, on voit Ciryl qui fait des pattes d'ours. C'est du striking, parce qu'on ne veut pas montrer son évolution sur la lutte ou du sol. Et sur 100 commentaires, il y en a 70 qui vous disent: "Faites la lutte, on ne veut pas voir le striking." Ils pensent vraiment, sérieusement, que le programme d'entraînement de Cyril, c'est ce qu'ils sont en train de voir. Ils y croient. Il faut avoir du recul et se dire qu'il n'est pas là au hasard. On peut dire ce qu'on veut, mais on travaille. Ciryl Gane, il travaille.