"Si on nous propose Shevchenko, on la prendra", Fiorot se confie après sa victoire à l'UFC 280

Après votre victoire sur Chookagian, on vous sentait déçue de votre performance. Avec quelques jours de recul, comment jugez-vous votre prestation?
J’avoue que je ne l’ai pas encore regardé. J’ai juste regardé des extraits. Je n’ai pas encore envie de le regarder. Mais j’ai parlé avec Aldric (Cassata, son coach, co-manager et compagnon, ndlr) et il est content. Ça me rassure un peu car j’avais peur de le décevoir un peu. Il est super content du combat. Il ne voulait pas que je lutte au deuxième round, il voulait vraiment que j’arrive à imposer ma boxe car on avait travaillé là-dessus donc il est vraiment content que ça se soit passé comme. Après, moi, je ne sais pas, je n’arrive pas encore trop à… Il faut que je le regarde mais pour l’instant, je n’en ai pas spécialement envie. Mais je suis quand même contente car Katlyn Chookagian est la meilleure strikeuse de la division et je l’ai battue sur un round à son jeu, avec vingt touches d’avance au deuxième round. Là-dessus, je suis contente. Après, voilà, c’est une décision…
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Vous n’avez pas envie de le regarder car vous êtes déçue de votre performance ou est-ce habituel après vos combats?
Non là c’est parce que je suis quand même un peu déçue. Je n’ai pas envie de le regarder pour l’instant.
Dans le RMC Fighter Club, Aldric Cassata se disait content d’être resté sur votre gameplan et d’avoir su imposer votre jeu en striking dans le deuxième round. On sait que vous avez beaucoup insisté sur la boxe dans votre camp d’entraînement, êtes-vous satisfaite avoir battue Chookagian à son propre jeu?
Ça reste vraiment le point positif du combat. J’ai vraiment su imposer mon rythme dans le deuxième round. Mais j’ai aussi mis du temps et c’est ça qui m’a gêné. Si j’étais rentrée dans le combat tout de suite dans le premier round, j’aurais pu la fatiguer et dans le deuxième, peut-être que mes frappes auraient été plus fortes pour elle. Mais là, avec ce premier round serré, c’est ce qui fait que je n’ai pas pu la finir. Il n’y a eu que le deuxième round où j’ai commencé à vraiment la toucher et à imposer mon rythme. Et au troisième, vu que j’avais quand même un doute sur le score et que je voulais être sûre de gagner ce combat, j’ai fait ce takedown à la fin.
Et vous réalisez à ce moment-là qu’il y avait vraiment la place dans ce domaine…
C’est ça. Quand je le fais, je me dis: 'C’était tellement facile, je suis entêtée pendant un round à faire ça alors que si je l’avais lutté dès le premier, j’aurais peut-être pu finir ce combat au sol avant'. Mais avec le recul, je me dis aussi que c’est bien que ce se soit passé comme ça car j’ai pu travailler ma boxe et m’améliorer alors que si je l’avais amené au sol tout de suite, je n’aurais pas su si ma boxe était bonne et si je m’étais améliorée sur ce plan. C’est quand même un point positif.
On connaît Chookagian: elle n'est pas facile à combattre, très grande, avec un bon jab beaucoup de volume mais sans toucher beaucoup significativement. Ce combat a-t-il été plus piégeux que vous ne l’imaginiez?
C’était beaucoup plus chiant que je l’imaginais. Elle touche sans toucher, elle désengage, elle recule, il faut aller la chercher… Franchement, c’était vraiment un combat chiant même pour moi. Je n’ai pas pris beaucoup de plaisir. Un peu au deuxième round où j’ai accéléré mais c’était compliqué car elle est vraiment difficile à boxer.
A partir du deuxième round, on a noté un changement dans votre striking, moins sur les crochets et plus sur du travail en ligne.
Le truc, c’est que pendant tout mon camp d’entraînement, mon crochet du bras avant passait super bien. Mais je pense que Katlyn a capté tout de suite que je faisais ça et elle désengageait direct donc je ne la touchais jamais. Après, je n’étais pas inquiète non plus. J’ai mis le premier round à comprendre un peu son jeu mais même à la fin du premier, quand je savais que je n’étais pas forcément devant ou que c’était serré, je n’étais pas inquiète car je savais ce que je devais faire au deuxième pour gagner le round. J’ai juste changé ma stratégie mais en fait, ça m’a pris un peu trop de temps. Ça aurait dû durer une minute dans le premier round, le temps que je capte ça, et en fait ça a duré cinq minutes.
Cet UFC 280 était une carte énorme et c’était le plus gros combat de votre carrière jusque-là. Pensez-vous que la pression et l’émotion de l’événement a joué sur votre performance?
Oui. C’était quand même impressionnant. C’est mon premier gros UFC, à Abou Dhabi, avec beaucoup de stars sur la carte. Dans les vestiaires, quand je m’échauffais, il y avait T.J. Dillashaw à côté de moi, dont j’étais très fan. Il y avait aussi Charles Oliveira de l’autre côté. Forcément, ça met de la pression. Ce n’était pas facile et je pense que c’est ça qui fait que j’ai mis un peu plus de temps à rentrer dans le combat.
Pensez-vous avoir été trop empruntée en début de combat à cause de ça?
Oui, je pense, car j’ai mis cinq minutes à rentrer dans le combat. C’était un peu trop long.
Votre maman était dans les tribunes. Cela vous a-t-il rajouté un peu de stress?
Oui. J’y pensais. Pour moi, c’était obligé que je gagne donc ça faisait encore un stress en plus. C’était le premier événement qu’elle venait voir, elle était un peu stressée aussi comme elle me l’a racontée après donc ce n’était pas facile. Ce qui est marrant, c’est que toutes les mamans des combattants étaient un peu au même endroit. Elle était avec la maman de Sean Brady et de Sean O’Malley. Elles étaient toutes rassemblées pour vivre le truc.
Vous avez vécu une préparation de combat très compliquée avec votre blessure au genou puis des douleurs pendant le camp, notamment sur l’autre genou après avoir compensé. Aviez-vous de l’appréhension sur ce plan et est-ce que ça a également joué sur votre performance?
Oui, je pense aussi. En fait, dans la semaine avant le combat, l’autre genou a encore enflé pendant un entraînement la veille ou deux jours avant le combat. Forcément, je me suis donc posée des questions, j’y ai pensé et ça m’a gênée. La preuve, je n’ai pas beaucoup envoyé de jambes. Je suis restée vraiment sur la boxe anglaise car j’avais une petite appréhension.
Avoir battu la numéro 1 après une telle préparation vous rajoute-t-il de la satisfaction?
C’est sûr. Je sais que je n’étais à 100% au final mais j’ai réussi à la battre, et à son propre jeu. C’est une satisfaction.
On vous sait perfectionniste, donc forcément déçue de ne pas avoir terminé le combat. Avez-vous tout de même vite relativisé pour vous dire que battre la numéro 1 du classement des challengers de la catégorie restait une performance énorme?
C’est clair. Ce qui est marrant aussi, c’est que le classement a été mis à jour la nuit dernière. Comme j’ai du mal à dormir, je me réveille à 3h, je regarde mon téléphone et je vois que je suis passée numéro 1 du classement. Là, ça m’a quand même fait quelque chose. Je ne suis plus arrivée à me rendormir. J’ai réveillé Aldric à 6h pour lui dire: 'Regarde, regarde, je suis numéro 1!' J’ai envoyé des messages à tout le monde. Ça m’a fait un truc, oui.
Ça fait quoi, alors, d’être numéro 1 du classement à l’UFC? La performance est historique pour le MMA français car seulement réalisée par Ciryl Gane jusque-là.
Carrément. Surtout en si peu de temps à l’UFC (seulement cinq combats, ndlr). C’est ce qui est cool. On ne pensait pas que ça allait arriver aussi vite. C’est fou. Je ne sais même pas trop quoi penser.
Le fait d’avoir ce statut va-t-il jouer en votre faveur? Quand on vous connaît, on a l’impression que ça va vous aider dans l’approche des combats.
C’est vrai. Je suis un peu rassurée d’être là. Pour mes prochains combats, je sais que c’est moi la numéro 1 et je préfère être dans cette situation que l’inverse.
Lors de l’interview dans la cage après votre victoire, votre coach nous a fait sourire en ne traduisant pas exactement ce que vous aviez dit à propos de votre prochain combat…
(Rires.) Comme je lui disais, le truc compliqué, c’est que j’étais tellement sûre que le combat allait se dérouler comme je voulais qu’on n’avait pas prévu de plan B. Et j’étais tellement déçue à la fin du combat que quand il m’a posé la question, je ne savais plus quoi dire. Je n’avais même pas envie de répondre à la question, je n’avais absolument pas prévu que ça se passe comme ça. Du coup, comme je ne l’ai pas réécouté, je ne sais même plus exactement ce que j’ai dit. C’était vraiment nul, du coup il a essayé d’arranger un peu le truc.
Si vous aviez terminé Chookagian, vous auriez défié la championne Valentina Shevchenko au micro?
Oui, c’est ça. Du coup là… En plus, je n’avais pas de recul, je venais de terminer le combat et pour moi, c’était vraiment nul. J’étais dégoûtée et je ne savais pas quoi répondre à cette question. D’habitude, on a toujours un plan A et un plan B, on prépare cette interview, mais là, on ne l’avait pas du tout préparée donc je ne savais pas. (Rires.)
Avez-vous toujours envie, comme vous l’avez déclaré au micro après le combat, de passer par un combat intérimaire contre Alexa Grasso avant Shevchenko, et si possible un combat en cinq rounds pour découvrir ça?
C’est surtout ça, le fait de faire un main event en cinq rounds avant. A la base, c’est ce qu’on voulait faire de toute façon. Je pense qu’il me faut encore un peu d’expérience. Je n’ai que cinq combats à l’UFC, j’en ai encore besoin, surtout en main event.
C’est donc une question d’expérience et pas de technique?
C’est ça. L’expérience. Je l’ai vu sur ce combat, oui et non car j’ai écouté ce que m’a dit Aldric mais je sais que j’aurais pu finir ce combat aussi. Je pense qu’il me faut encore un peu d’expérience.
Si un combat contre Grasso se confirme, est-ce une perspective qui vous motive?
C’est un combat qui me donne vraiment envie. C’est aussi une très bonne boxeuse. C’est encore une fois l’occasion de me tester et surtout de tester des nouveaux trucs, des choses qu’on a envie de mettre en place et qu’on a vu qu’il fallait modifier par rapport à ce combat. Je pense que Grasso est un très bon combat pour mettre ça en place, et justement sur un cinq rounds. J’aime beaucoup ce matchup.
Vous passez ce mercredi un examen médical pour votre genou, encore touché pendant ce combat. Quand souhaitez-vous revenir dans la cage?
Si tout se passe bien lors de cet examen, j’aimerais bien d’ici mars ou avril.
Shevchenko a un peu "lavé" la catégorie, elle a évoqué l’idée d’aller affronter Amanda Nunes chez les coqs. Si ça ne se fait pas et que l’UFC cherche un challenge pour Shevchenko, il est fort possible que ce soit vous vu votre classement. Accepteriez-vous ce défi direct?
Bien sûr. Comme a dit Aldric, on n’a jamais refusé personne et on ne va pas dire non à un combat pour le titre. Bien sûr qu’on le prendra. Après, il me faudrait un peu plus de temps pour la préparation car on aura besoin de sparrings particuliers, de faire venir des filles ou d’aller moi-même dans certains endroits. Du coup, ce ne serait pas mars-avril. Mais bien sûr qu’on le prend.
Shevchenko en mai-juin, ça vous irait?
Je pense, oui. Je prendrais.
Le combat contre Chookagian vous a-t-il appris des choses sur comment vous imaginez un futur combat contre Valentina?
Oui mais c’est déjà un peu comme je l’imaginais. En fait, c’est pour ça que je voudrais ce combat avant pour le mettre en place. Là, j’ai boxé et après j’ai lutté. Mais le plan est vraiment de mixer tout ça : je boxe, je lutte, je boxe, je lutte, et que j’arrive à la fatiguer sur cinq rounds. Je dis ça en gros mais il faudrait vraiment arriver à faire ça dans le prochain combat, à mixer comme ça dans le même round, moitié de round en boxe, moitié de round en lutte. C’est ce qu’on veut mettre en place.
On sait que vous êtes une travailleuse infatigable ou presque. Combien de temps de pause prenez-vous après un combat comme celui contre Chookagian?
Le temps où je ne vais plus à la salle, où je ne fais plus de MMA, de grappling ou de choses comme ça, c’est un mois. Mais je continue la préparation physique. Là, j’attends de passer mon examen médical pour être sûre que tout va bien sur mes genoux, mais je pense que je vais reprendre le physique la semaine prochaine.
Votre combat a été très suivi en France comme ailleurs. Avez-vous eu plus de retours que d’habitude?
J’ai vu que c’était beaucoup plus suivi, j’ai eu beaucoup plus de retours sur les réseaux sociaux, des gens qui m’envoient des messages. La semaine prochaine, on monte sur Paris pour faire pas mal d’émissions et d’interviews. J’ai eu beaucoup plus de demandes à ce niveau que d’habitude.
La Manon Fiorot qui débute à l’UFC en janvier 2021 aurait-elle imaginé une seconde être numéro 1 de sa catégorie fin octobre 2022?
(Rires.) Non. Franchement, je ne pensais pas du tout que ça irait aussi vite. On en parlait avec Aldric tout à l’heure et on se disait que tout ça était un peu de la faute de Jessica Eye. Si elle n’avait pas annulé ce combat en mars dernier, on serait monté progressivement. Mais le fait qu’elle annule et qu’on se retrouve à prendre Maia, quatrième de la catégorie, a tout chamboulé. Et voilà…
Dans les prochaines semaines, vu votre nouveau statut, vous attendez-vous à ce que certaines combattantes vous défient car vous devenez l’autre cible après Shevchenko?
Je n’y avais pas pensé mais oui. Après, je m’en fous, franchement. Je peux prendre n’importe quelle autre fille, aucun souci.