RMC Sport Sports de combat

UFC 284: Volkanovski, le "petit" habitué à fermer des bouches

placeholder video
Champion des plumes, Alexander Volkanovski tente de s’offrir une deuxième ceinture en défiant Islam Makhachev, le roi des légers, ce week-end en Australie dans le combat principal de l’UFC 284 (en direct à partir de 2h dans la nuit de samedi à dimanche sur RMC Sport 2). Un choc pour lequel l’Australien, plus petit, s’avance en outsider avec la volonté de déjouer les pronostics. Comme il a su surmonter les obstacles et donner tort aux mauvaises langues toute sa vie.

Dès leur premier face-à-face, dans l’octogone de l’UFC 280 en octobre dernier à Abu Dhabi, Islam Makhachev a joué cette carte. Tout juste couronné roi des légers de l’UFC, le Daghestanais demandait au "nabot" Alexander Volkanovski, champion des plumes, de monter dans la cage. Depuis, l’héritier de Khabib Nurmagomedov a insisté sur cet arc narratif à chaque micro tendu. "Le petit", "le nain royal", Makhachev a fait varier le champ lexical pour garder la même idée. Celle de sa victoire annoncée contre Volkanovski, qui vient tenter de prendre son trône ce week-end à Perth (Australie) dans le combat principal de l’UFC 284 avec ses dix centimètres de moins sous la toise (1,67 m contre 1,77 m).

>> Vivez le choc Makhachev-Volkanovski à l'UFC 284 avec le Pass Combat RMC Sport

Pas de quoi troubler "The Great". "Ça ne me perturbe pas, explique l’Australien à RMC Sport. Au contraire, ça me fait rire. Ça rendra la défaite encore plus embarrassante pour lui. Quand tu perds après avoir dit des trucs comme ça, ce n’est pas une bonne image pour toi… J’ai toujours été petit et j’ai toujours prouvé que ça n’avait pas d’importance." Et de conclure dans un message à son adversaire: "Ce petit gars peut faire très mal avec ses poings! (…) David fera tomber Goliath." Pas favori selon les spécialistes comme les outsiders, logique vu le défi face à lui, Volkanovski assume ce rôle d’outsider. Et il ne veut surtout pas qu’on l’oublie quand il aura choqué la planète MMA.

"Je suis plus petit, il sera plus gros dans la cage, je prends des risques en montant de catégorie, énumère-t-il pour ESPN. Mais ça me va. Je suis le genre de gars qui peut gérer ça. Par contre, souvenez-vous de tout ça. Ne m’enlevez pas ma victoire en cherchant des excuses que vous n’avanciez pas avant le combat. Beaucoup le voient comme un puzzle impossible à résoudre. Ne changez pas ce discours. Vous faites de moi l’outsider? Ça rendra juste ma victoire plus grande." L’absence de Khabib dans le coin de Makhachev? Même conclusion, petit sourire en coin. "N’utilisez pas ça comme une excuse quand j’aurai gagné!"

Numéro 1 du classement toutes catégories confondues de l’UFC, Volkanovski défend sa position face au numéro 2. Vu ses qualités, en striking (combat debout) comme ailleurs, il ne serait pas malin de ne lui accorder aucune chance. Mais beaucoup le voient incapables de relever le défi. Pas grave. C’est l’histoire de sa vie. Le destin d’un "petit" qui a toujours su déjouer les pronostics et avancer malgré les obstacles. "J’ai toujours été plus petit et sous-estimé. Mais j’ai toujours tout surmonté." Né de parents immigrés européenns, Macédoine pour son père et Grèce pour sa mère, le futur champion des plumes de l’UFC grandit à Wollongong sur la côte sud-est australienne, en Nouvelle-Galles du Sud, à moins de cent kilomètres de Sydney.

Quartier difficile, foyer modeste: l’environnement forge le caractère qu’on retrouvera dans la cage. "Grandir dans ce quartier m’a endurci et a fait de moi qui je suis, raconte-t-il. Je travaille dur, je n’abandonne jamais et je m’adapte en toutes circonstances. Quelle que soit la difficulté, j’accepte le challenge. Et je remercie mon quartier pour ça." Moqué pour sa taille, Volkanovski va trouver sa voie dans le sport. La lutte gréco-romaine, d’abord, où il remporte un titre national. Mais surtout le rugby à XIII. Où le petit va jouer… pilier et monter jusqu’à 97 kilos! "Les piliers sont censés être géants, intimidants. On en avait un comme ça. L’autre, c’était Alexander Volkanovski, s’amuse Linken Hutchinson, un de ses coéquipiers de l’époque. Quand on entrait sur la pelouse, on entendait les moqueries du public: 'C’est lui votre pilier? Où est le reste de son corps?'"

"J’essayais de ne pas réagir, se souvient l’intéressé. Mais si les gens venaient me tester, je ne reculais jamais. Je me suis souvent battu. (…) A mon poste, les mecs faisaient deux fois ma taille. Mais j’étais l’un des meilleurs de la ligue." Avec les Warilla Gorillas, il est élu en 2010 meilleur joueur de la South Coast Group 7 Rugby League, un championnat semi-professionnel, avant de mener son équipe au titre l’année suivante en étant désigné meilleur joueur de la finale, dernier match de sa carrière dans ce sport. Mais l’idée de combat ne quitte pas l’esprit de celui qui explique regarder des événements UFC depuis l’adolescence. Pour garder la forme pendant l’intersaison de rugby, Volkanovski va se tourner vers la lutte et surtout le MMA. Coup de foudre instantané. Et potentiel évident.

"Il faisait toujours le sparring avec les mecs les plus grands et les plus forts, et il les surclassait à chaque fois en lutte", détaille Shane Coleman, son premier partenaire d’entraînement en MMA et l’homme qui l’a incité à venir essayer cette discipline. Volkanovski impressionne. Prochaine étape, la compétition. Où ses premiers combats amateurs, à vingt-trois ans, se font dans la catégorie des moyens, poids de rugbyman oblige, et confirment ce qu’on voit à l’entraînement. "Dès son premier combat, on savait que ce serait un phénomène", témoigne Shane Coleman. Quatre victoires en autant de sorties et il est temps de passer professionnel. Avec déjà une forte ambition en tête: "Dès mes débuts, j’étais convaincu que je pouvais intégrer l’UFC et y être champion un jour". Son début de carrière pro va le voir fondre des welters aux plumes en passant par les légers.

La métamorphose physique est frappante. Et nécessaire pour trouver une division avec des adversaires à sa juste mesure. "J’ai toujours été costaud mais j’avais pas mal de gras, se souvient-il. Devenir beaucoup plus sec a été dur." Sur la scène locale australienne, le garçon régale et récolte plusieurs ceintures (Cage Conquest en welters, Roshambo MMA en welters et légers, PXC et AFC en plumes). Mais elle commence à être un peu petite pour son talent. Malgré onze victoires en douze combats, l’appel de la prestigieuse UFC n’arrive pas. Encore un obstacle à surmonter… Le combattant prend les choses en mains et lance début 2016 la campagne #SignVolkanovski, aidé par les médias locaux. "Combattre n’est pas suffisant, explique-t-il alors. Il faut faire du marketing, se mettre en avant." Quelques mois plus tard, le rêve devient réalité. "Un énorme soulagement" pour lui. Et le début d’une grande aventure.

Après cinq victoires en un peu moins de deux ans dans l’organisation mastodonte du MMA, l’heure des tests arrive. Le premier se nomme Chad Mendes, ancien challenger pour le titre des plumes, à l’UFC 232 en décembre 2018, franchi sur TKO. Le second place sur sa route Jose Aldo, ancien champion de la catégorie et légende de la discipline, chez lui à Rio pour l’UFC 237. Où l’Australien s’impose sur une décision unanime méritée. Enfin convaincue, l’UFC le nomme challenger du champion Max Holloway à l’UFC 245 en décembre 2019. Le jour où Volkanovski monte sur le trône, vainqueur sur décision unanime derrière son intelligence de combat et après avoir saoulé son adversaire de coups de pied.

"Je suis juste un gars normal et je suis devenu champion du monde, sourit-il au micro, ceinture autour de la taille. C’est incroyable! Ça va me permettre de rester humble, les pieds sur terre, mais en même temps… Je suis champion du monde! C’est trop bon!" La revanche contre Holloway, à lUFC 251 en juillet 2020, sera plus controversée avec une victoire par décision partagée alors que beaucoup voyaient l’ancien champion vainqueur. Sa deuxième défense de titre, quatorze mois plus tard à l’UFC 266, va mettre beaucoup de respect sur son nom. Face au spécialiste de jiu-jitsu Brian Ortega, Volkanovski se sort d’un triangle et surtout d’une guillotine bien calée pour finir par s’imposer sur décision unanime. Fidèle à lui-même. "J’ai lutté pour chaque millimètre pour me libérer, se souvient-il. Tu dois littéralement m’éteindre ou me tuer car je continuerai toujours à me battre. Je suis résiliant et résistant. Je n’abandonne jamais, c’est mon état d’esprit."

Deux autres défenses de ceinture victorieuses suivent, "Korean Zombie" en avril 2022 et la trilogie contre Max Holloway en juillet dernier, où il signe une véritable démonstration sur cinq rounds. Avec vingt-deux succès de rang, le public le respecte. Mais il n’est pas le champion le plus populaire, loin de là. "Il est trop sympa, sans casserole ni controverse derrière lui, estime Craig Jones, un des meilleurs combattants au monde en grappling et son coach de sol pour le choc contre Makhachev. Et malheureusement, la plupart des mecs qu’il combat sont des chouchous du public, Holloway, Ortega, Korean Zombie. Il parait toujours un peu comme le méchant dans la plupart de ses combats, pas dans le sens d’un Colby Covington mais dans le sens qu’il n’est pas le favori du public."

Un manque de reconnaissance et de lumière que Volkanovski compte inverser en allant chercher un morceau d’histoire face à Makhachev. D’autant que cet adversaire accentuerait la chose. "S’il bat Islam, poursuit Craig Jones, ça changera la donne et ça boostera sa popularité car je crois que beaucoup de fans de MMA rêvent de voir un de ces combattants daghestanais de haut niveau se faire démonter." Le champion des plumes, qui aura toute une salle et même un pays derrière lui pour tenter de devenir le cinquième double champion en simultané de l’histoire de l’UFC, voit le choc comme "un grand challenge" et "une énorme opportunité pour (s)on héritage sportif". Et "c’est ce qui (l)’excite". Autant que de voir toutes ces voix le donner battu d’avance.

Petit et trapu, Volkanovski affronte de plus grands gabarits même chez les plumes. Avec ses qualités athlétiques, ses déplacements, son punch et son QI de combat, il a toujours trouvé la solution depuis son arrivée à l’UFC. Le défi Makhachev est immense. Mais l’Australien croit en son destin, en ce qui serait une des plus belles/prestigieuses victoires de l’histoire de l’UFC. "Je n’aurais pas pris ce combat si je ne pensais pas pouvoir le faire, annonce-t-il. (…) Vous pensez tous qu’il est invincible? Donnez-moi dix secondes avec lui. Je vais très vite vous faire changer d’avis." La force de l’habitude. "Il est toujours animé et motivé par cette volonté de prouver aux gens qu’ils ont tort, appuie Craig Jones. C’est crucial pour sa motivation. Tout le monde pensait qu’il perdrait contre Holloway au troisième combat, comme tout le monde pense qu’il va perdre contre Makhachev. Et je pense que son niveau de motivation et son envie de les faire taire est extrêmement élevée." Marquer l’histoire et fermer des bouches. Mission compliquée. Mais le rôle lui va comme un gant.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport