RMC Sport Sports de combat

UFC: Islam Makhachev, l’héritier de Khabib en route pour son trône

placeholder video
Islam Makhachev continue sa marche vers le titre des légers de l’UFC ce week-end à Las Vegas avec un combat contre Bobby Green (en direct et en exclusivité à partir de 1h dans la nuit de samedi à dimanche sur RMC Sport 2). Successeur annoncé de son grand ami et désormais coach Khabib Nurmagomedov, le Daghestanais partage des similitudes mais aussi des différences avec son compatriote. Focus sur un combattant craint par beaucoup dans sa catégorie.

"Islam sera bientôt champion!" Quand Khabib Nurmagomedov a pris sa retraite en octobre 2020, le roi invaincu des légers de l’UFC n’a pas eu à réfléchir longtemps pour adouber son successeur. La légende daghestanaise a désigné "(s)on frère d’une autre mère", Islam Makhachev. Ancien champion des lourds et des lourds-légers qui a côtoyé les deux chez American Kickboxing Academy (AKA), Daniel Cormier racontait cette anecdote: "Immédiatement après son combat, la question de Khabib était: 'Comment est-ce qu’Islam devient champion?' Ce n’était pas à propos de lui, c’était 'Islam doit être le champion' et comment il pouvait l’aider."

>> Suivez le combat Makhachev-Green, toutes les cartes UFC et toutes plus grandes soirées de MMA avec les offres RMC Sport

Entre Nurmagomedov et Makhachev, qui affronte Bobby Green ce week-end à Las Vegas en combat principal d’une UFC Fight Night, il existe bien plus qu’un respect sportif. Les deux potes ont grandi ensemble. Ils s’entraînent ensemble depuis aussi loin qu’ils s’en souviennent, au pays ou à l’AKA quand ils sont aux Etats-Unis. Le retraité est désormais l’entraîneur de l’autre, à ses côtés le long de la cage à chaque combat, ce qui fait parfois son effet (Thiago Moises avait avoué avoir passé du temps à visualiser le fait que Khabib serait dans son coin pour ne pas être intimidé par sa présence!). Et un jour, peut-être, sans doute, ils se raconteront au coin du feu leurs souvenirs d’anciens champions des légers de l’UFC.

Abdulmanap Nurmagomedov, papa de Khabib et coach des deux avant son tragique décès en juillet 2020, imaginait un passage de flambeau. "Avant sa mort, mon père m’avait dit: 'Quand tu finiras ta carrière, Islam doit arriver au sommet, ça doit se passer en même temps'", avait raconté Khabib à ESPN l’an dernier. Et d’enfoncer le clou ces derniers jours: "Islam Makhachev était l’élève préféré de mon père. Il était comme son fils. Mon père n’arrêtait pas de dire qu’il était le futur champion. C’est pourquoi je dois être là et finir le travail que mon père a commencé." Une mission facilitée par les armes techniques et physiques du garçon.

Avec une question derrière: le parallèle souvent fait sur ce plan avec Khabib, taiseux et gros travailleur comme lui, est-il vraiment pertinent? Venu du combat sambo comme son pote (les deux ont été champions du monde dans cette discipline), Islam affiche lui aussi une lutte de très haut niveau, étouffante pour l’adversaire. S’il vous met au sol, ce qu’il tente à la première ouverture, votre fin de round va être longue. Mais il y a de grosses différences de style. Un Makhachev plus "propre", plus technique, avec une lutte plus tournée vers la recherche directe de la prise de soumission quand Nurmagomedov vous harcelait de sa pression physique et de ses coups au sol (ground-and-pound) pour vider votre barre d’énergie avant de finir le travail. Pas la même approche.

Islam Makhachev (à gauche) et Khabib Nurmagomedov
Islam Makhachev (à gauche) et Khabib Nurmagomedov © DR/UFC

Mais son jeu debout, en pieds-poings, apparaît meilleur, plus diversifié et plus piquant. "Il y a une différence de striking, confirme le combattant français Taylor Lapilus, consultant MMA de RMC Sport. Islam, lui, il boxe. Khabib est plus efficace dans sa lutte et son grappling mais Islam est plus complet." Autre différence, Makhachev ne présente pas l’aura d’invincibilité qui accompagnait son aîné, parti à 29-0 sans jamais être vraiment mis en danger. Il a déjà connu la défaite, sa seule en carrière (21-1), pour son deuxième combat à l’UFC en octobre 2015, mis KO au premier round par Adriano Martins qui l’avait surpris en contre avec un crochet gauche sur une erreur de gestion de la distance et de lancement mal évalué en striking.

"Ça peut arriver aux meilleurs, ça aurait pu arriver à Khabib s’il avait continué à combattre, rappelle Javier Mendez, leur coach chez AKA. Mais Islam a appris de ce combat et a très bien réagi. Il a continué d’apprendre et de travailler sur différents styles de striking. Il a par exemple travaillé avec le coach de l’équipe olympique russe de taekwondo car c’est quelqu’un qui cherche toujours à évoluer." L’héritier annoncé semble progresser de sortie en sortie, aidé par son "frère" de presque pile trois ans de plus. "Je me suis beaucoup amélioré en travaillant avec lui, surtout en lutte", appréciait Islam en mars 2021 dans le Hindustan Times.

Javier Mendez raconte que Makhachev est l’un des rares à avoir gagné des rounds contre Khabib en sparring. Dans un sourire, Islam relativise: "Je suis content qu’il soit retraité car on sparre beaucoup moins et plus aussi dur". Leur but commun est clair. Reprendre cette ceinture des légers calée autour de la taille de Nurmagomedov quand il a quitté la cage. Pour respecter la volonté du regretté Abdulmanap, il aurait même dû devenir champion dès l’envol de "The Eagle". Khabib s’en moquait avec bienveillance et sourire en mars dernier: "J’ai dit à Islam: 'Tu es un peu en retard mon frère'. Il doit montrer au monde qui il est." Pour Daniel Cormier, le Daghestanais est" le meilleur léger de la planète".

Javier Mendez va plus loin: "Il est le meilleur combattant à n’avoir jamais gagné une ceinture de l’UFC de l’histoire. Il est tellement complet. C’est mon meilleur combattant dans presque tous les domaines. C’est pour ça que Khabib en dit autant de bien. Khabib n’est pas connu pour dire des choses qu’il ne pense pas. La seule façon de le battre, c’est qu’il fasse une erreur et se fasse attraper. Vous n’allez pas le dominer round après round. C’est un athlète fantastique avec le bon état d’esprit pour faire de grandes choses dans ce sport." Mais comme Nurmadomedov avant lui, Makhachev a dû faire face à des ralentisseurs sur la route.

Des combattants mieux classés ont refusé de l’affronter, question de balance bénéfice-risque, et lui-même a déjà dit non à des combats car pas assez prévenu à l’avance pour bien se préparer. Sans oublier un an et demi sans combattre, de septembre 2019 à mars 2021, avec plusieurs combats annulés en raison de blessures et de la pandémie. Nouveau grain de sel il y a quelques jours: Makhachev, quatrième au classement, devait à la base affronter Beneil Dariush, troisième, ce samedi avec à coup sûr statut de challenger au titre des légers pour le vainqueur. Mais son adversaire, blessé à la jambe, a déclaré forfait. A le croire, plusieurs membre du top 15 ont ensuite refusé de relever le challenge au pied levé avant l’accord de Green, non classé et qui venait de combattre (et de gagner)… le 12 février à l’UFC 271.

Islam Makhachev (à gauche) et Khabib Nurmagomedov
Islam Makhachev (à gauche) et Khabib Nurmagomedov © DR/UFC

Ultra favori pour battre cet Américain plutôt boxeur qui a tout à gagner et rien à perdre dans cette belle opposition de style, Makhachev signerait une quatrième victoire en moins d’un an et son dixième succès de rang à l’UFC. Suffisant pour une chance pour la ceinture malgré l’absence de "noms" sur son CV? Il se pensait déjà légitime pour affronter le champion Charles Oliveira après la victoire du Brésilien sur Dustin Poirier, et l’avait réclamé, mais l’UFC a préféré faire de Justin Gaethje le prochain challenger, choc prévu le 7 mai à l’UFC 274.

Il n’a pas changé d’avis, mais il a appris la patience comme avait su le faire Khabib. "Pour devenir champion, il faut déjà avoir sa chance. Cela aurait dû être moi et pas Justin. Mais c’est fait. Qu’est-ce qu’on fait? Personne ne veut entendre quelqu’un se plaindre. Ce qu’il faut, c’est aller affronter un autre gars et gagner." "Ce serait logique que ce soit lui après, estime Taylor Lapilus. Les mecs devant ont déjà affronté Oliveira ou vont l’affronter, Dariush est blessé… Il n’a pas à être pénalisé pour les blessures des autres. Le MMA est aussi une question d’opportunités. Il fait le boulot et s’il bat Bobby Green, pour moi, c’est un combat pour le titre obligé. Il le mérite sportivement comme sur la logique."

L’intéressé a même déjà le pitch marketing d’un Oliveira-Makhachev qui serait une sorte de version modifiée du longtemps attendu Khabib-Tony Ferguson qui n’a jamais eu lieu. "Je pense que Charles Oliveira va battre Justin Gaethje en l’étranglant et un combat pour le titre entre un gars avec onze victoires de suite, Charles, et un gars avec dix victoires de suite, moi, sera énorme pour tous les fans de MMA. Ça va être un bon combat car nous avons presque le même style. Il a d’énormes qualités en grappling, un bon striking. Mais ne pense pas que ça va être difficile pour moi. Je peux l’amener facilement au sol car il n’a pas de super qualités en lutte même si son grappling est de haut niveau."

Longtemps discret au micro, Makhachev commence à mieux maîtriser l’anglais et se lâche un peu plus pour chambrer, sans doute conscient qu’il faut aussi donner sur ce plan pour se vendre. Il espère finir son adversaire – soumis seulement deux fois en 42 combats pros, et jamais depuis 2009, mais qui n’a jamais affronté un tel talent au sol – au premier round, pour mettre un tampon sur sa légitimité à combattre pour le titre. Comme Khabib, Makhachev gardera toujours des critiques pour un style goûté par les connaisseurs mais parfois difficile à apprécier pour le grand public. Bobby Green, beau parleur, le résume avec ses mots: "Même s’il finit ses adversaires et qu’il a peut-être l’étoffe d’un champion, c’est juste ennuyeux. Personne ne veut le voir. Tout le monde s’en fout. Je m’endors en regardant ses combats."

Dans la force de l’âge, Makhachev a mérité son moment dans la lumière abandonnée par Khabib. "Il a 30 ans, c’est le moment parfait pour montrer qu'il est le meilleur, appuie l’ancien roi des légers. J’avais 29 ans lorsque je suis devenu champion. A cet âge, ton mental et ton physique sont à leur meilleur. 31, 32, 33 ans, c’est l’âge parfait. Physiquement, mentalement, en boxe, en grappling, Islam est un cran au-dessus de tous les autres. Il peut écraser Oliveira. Il doit se battre pour le titre pas parce que c’est mon frère ou mon ami mais parce qu’il est très bon." Makhachev ne sera jamais aussi star que Khabib, propulsé étoile par sa rivalité avec Conor McGregor. Mais il pourrait bientôt porter la même ceinture.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport