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UFC: "Je n’ai jamais rêvé d’être champion", Ciryl Gane se confie avant son retour à Paris

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Porte-étendard du MMA français, Ciryl Gane sera la tête d’affiche du premier événement UFC en France, le 3 septembre à Paris, dans un choc contre Tai Tuivasa. A l’heure de l’ouverture de la billetterie pour cet événement, "Bon Gamin" a accordé un entretien au RMC Fighter Club où il revient sur sa défaite contre Francis Ngannou pour le titre et évoque son prochain défi dans la cage.

Ciryl, quel a été votre programme depuis le 22 janvier dernier et votre défaite contre Francis Ngannou pour le titre des lourds de l’UFC?

J’ai passé un bon moment loin de la salle, proche de la famille, pour évacuer un peu tout ça émotionnellement. Il y a eu des sollicitations médiatiques. On m’a vu faire des matches de foot de charité à droite à gauche, des activités par-ci par-là, et petit à petit je revenais de temps en temps à la salle mais on n’avait pas vraiment bien raccroché. On a vraiment raccroché il y a un mois et demi, quelque chose comme ça, donc c’est quand même assez récent. Et là, on est à deux mois et demi du combat et on va rentrer dans le vif du sujet.

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Après quelques années à enchaîner les challenges si on enlève la parenthèse 2020, avec ce côté météorite de votre carrière dans le MMA, ressentiez-vous le besoin de décrocher un peu?

Je pense que c’est pas mal, oui. On s’en rend pas compte, c’est vrai, mais à la longue, quand tu prends un mois de repos, finalement, ce n’est pas grand-chose. Et tout ça cumulé, au final, on se dit que ça m’a effectivement fait du bien. Ce n’est pas négligeable.

Après chacun de vos derniers combats, le défi suivant était déjà dans le viseur : Lewis après Volkov, Ngannou après Lewis. Là, après Ngannou, il n’y avait rien à l’horizon. Après l’officialisation du combat contre Tuivasa, on vous a vu poster ceci: 'J’ai une date, j’ai un nom, on peut y aller à fond'. Avez-vous besoin d’un objectif précis pour vous motiver mentalement?

Malheureusement, oui. Je dis malheureusement car ça aurait été bien juste après Francis d’avoir cette dalle de me dire : ‘Il faut que je devienne un Super Sayan, ce n’est pas normal !’ Mais j’ai souvent besoin de ma carotte, c’est vrai.

Vous avez déclaré sur votre chaîne Twitch que vous auriez dû gagner ce combat contre Ngannou. Fiction: si on vous ramène le 22 janvier au matin, avec ces mois de recul, battez-vous Francis?

Avec ce recul? Oui, je pense que je peux le battre. Bien sûr. Ça s’est vu sur le combat, qui s’est joué à des détails. On a beaucoup parlé de sa lutte mais sans rentrer dans les détails, ce n’était pas une lutte monstrueuse. On a parlé de son sol mais ce n’est pas un sol monstrueux, sinon il aurait tenté de me soumettre mais ce n’était pas possible. Je pense que j’avais les clés pour gagner ce combat-là donc si on revient en arrière, en sachant certaines choses et en ayant un certain ressenti, je pense que je pourrais gagner ce combat-là.

Dans son livre Training Camp, votre coach Fernand Lopez rappelle qu’il vous a répété encore et encore que la solution pour Ngannou se trouverait dans la lutte si vous dominiez debout. C’est exactement ce qui s’est passé. Avoir perdu malgré le bon gameplan renforce-t-il votre frustration?

Ben oui! C’est exactement ça. Ça renforce la frustration de se dire qu’il a gagné sur des détails qu’on connaissait en amont. Certes, ce n’était pas quelque chose qu’on avait beaucoup vu de sa part sur les précédents combats, et c’est peut-être pour ça que c’était mal imprégné dans ma tête. J’avais mal visualisé les choses en amont. Mais aujourd’hui, c’est clair, ça renforce la frustration. Comme le dit Fernand Lopez, et c’est aussi ce que j’ai dit dans la foulée après le combat, je suis un peu dégoûté car je savais qu’il allait lutter. C’était sur les quatre pages du gameplan que Fernand m’envoie à chaque début de camp d’entraînement. C’était la chose qui était soulignée en gras. Il va lutter …

Dans un autre live Twitch, vous avez débriefé pour la première fois le combat avec Lopez, plusieurs mois après…

On a fait un retour parce qu’on n’en avait jamais vraiment fait, en fait.

Lopez explique alors qu’il aurait dû encore plus insister auprès de vous sur cette possibilité de la lutte pour Ngannou. Qu’est-ce qui fait que vous n’avez pas pu aller au bout de ce plan écrit d’avance?

Comme je disais, je l’ai mal visualisé. On se l’est beaucoup répété verbalement, mais comme ce n’est pas quelque chose que je vois beaucoup faire Francis… Vous savez que je ne regarde pas les combats. Mais je peux te dire que tel combattant est dangereux sur ci ou ça et je peux tout de suite te donner la solution à cette complexité. Francis, quand tu le regardes, la complexité, ce n’est pas sa lutte. C’est quelque que j’ai mal visualisé malgré les consignes à répétition de mon coach.

Après le combat, Lopez avait déclaré: "Ciryl, je te laisse dix jours puis je vais ramener deux gars du Daghestan et tu vas manger de la lutte". Si l’on vous comprend bien, ça ne s’est donc pas fait. Content vu le programme qui vous attendait?

Heureusement! (Rires.) Il y a eu des problèmes géopolitiques avec la Russie et c’était complexe de sortir des gars de là-bas, de les garder.

Est-ce quelque chose sur lequel vous avez insisté depuis votre vrai retour à l’entraînement?

On s’en fiche, en fait. Là, le regret que j’ai sur les derniers mois, c’est que j’ai souvent besoin d’une carotte, comme je le disais, et j’ai pas remis les pieds assez souvent à la salle pour me dire: 'OK, on fait une progression suivie, etc'. Car aujourd’hui, ce n’est pas juste préparer Tai Tuivasa, c’est devenir une meilleure version de moi-même. Comme ça l’a toujours été.

Sur quel point allez-vous insister dans votre préparation pour Tai Tuivasa?

Ce dont j’ai envie, c’est d’avoir une condition physique de fou malade. Je sais que j’ai déjà de bonnes armes dans mes bagages, les armes techniques pour le combattre, mais j’ai envie d’avoir cette condition de malade pour pouvoir vraiment être en pleine possession de mes moyens et appliquer ce que je veux appliquer.

Ngannou a déclaré qu’il savait que vous alliez perdre après le troisième round, qu’il vous avait senti éteint en croisant votre regard à ce moment-là. Est-ce qu’il y a du vrai?

C’est peut-être ce qu’il a pensé… Mais non. Pas du tout. Encore une fois, quand il a fallu changer le gameplan en cours de route avec le coach, et dire que maintenant il fallait terminer le combat, qu’est-ce que j’ai fait? Ni une ni deux, je l’ai amené au sol et il ne m’a donné aucune difficulté pour le faire.

Lopez a récemment expliqué dans son émission sur le site La Sueur: "Des études très sérieuses montrent qu’un manque d’entraînement de deux semaines peut amener jusqu’à -50% de VO2 max". Avez-vous peur que la pause prise après le combat contre Ngannou soit difficile à rattraper?

Non, pas sur ça. Car aussi bien il te dit qu’il faut deux semaines pour les perdre, car c’est toujours plus rapide de perdre, mais il reste assez de temps pour le reprendre. Ce n’est pas un problème. Ce n’est pas comme si on était à deux semaines du combat. On a le temps. Et puis je n’ai pas rien fait non plus…

Avant Ngannou, vous étiez invaincu. Mais à force d’entendre certains répéter qu’il ne pouvait pas vous battre, que vous étiez trop au-dessus techniquement, avez-vous également pensé que vous étiez invincible?

Non, pas du tout. Depuis mon premier combat, j’ai cette mentalité, cette visualisation de me dire que je peux très bien perdre. Depuis mon premier combat, c’est ma réponse à chaque fois: 'Les gars, je ne sais pas, tout peut se passer'. Je l’ai répété car c’est la vérité. Je comprends l’idée que ça ait pu me toucher inconsciemment. Mais pas du tout. Encore une fois, fort mentalement, assez stable mentalement pour ne pas me faire prendre au piège par ce genre de choses. Et ce n’est pas forcément ce que j’ai ressenti de la part de tous les médias avant Francis. C’était un combat qui semblait assez équilibré. Les gens ne savaient pas trop comment ça allait se passer. On connaît Francis. Il a prouvé qu’il savait faire les cinq rounds, qu’il avait muri sur ce côté-là, et qu’il fait mal s’il te touche. Mais on ne savait pas si on allait vraiment gérer debout, et on avait encore moins l’aspect lutte et sol.

Votre détachement par rapport à votre sport a fait votre force. Mais peut-il devenir une faiblesse car vous n’avez pas en vous cette détermination absolue d’être champion, ce rêve de ceinture?

Bien sûr. C’est très clairement le cas. Quand je commence le MMA et que je toque à la porte de Fernand Lopez… Je ne connaissais pas sa salle, on me l’a présentée, ça faisait à peine trois ans que j’étais dans le muay-thaï et je connaissais à peine le monde du muay-thaï. (Rires.) On me dit de venir faire du MMA, je dis pourquoi pas, mais je ne sais pas ce que c’est. Je me rappelle avoir vu des images, des highlights, et la seule personne que j’arrivais à remémorer, c’était Junior Dos Santos, car il était beau physiquement, il mettait des KO, un Brésilien et tout ça. Mais je ne connaissais rien au MMA. Absolument rien. Du coup, je n’ai jamais rêvé de ça. J’ai commencé ce sport à 28 ans et je n’ai jamais rêvé d’en être un grand champion quand j’étais jeune. Ça peut t’apporter des avantages mais aussi des inconvénients. A l’inverse, par exemple, le gars qui rêve de ça depuis tout petit, voilà comme il doit se mettre la pression ! Ça marche dans les deux sens.

Sur Twitch, alors que vous racontiez une discussion avec Lopez sur ce détachement qui peut vous jouer des tours, une personne dans le chat vous a demandé si vous étiez Hatem Ben Arfa. Et vous avez répondu: "Ma parole, j'avoue, je suis Ben Arfa". Soit sans doute le plus gros talent gâché du football français ces vingt dernières années. Avez-vous vraiment peur suivre cette trajectoire car vous n’avez pas ce truc en vous?

Complétement. Mais ma réponse est: je ne pense pas. Car je suis bien entouré, car je suis compétiteur, et car ce n’est pas exactement le même schéma sportif.

Si on regarde bien, vous êtes déjà monté plus haut dans votre discipline que Ben Arfa dans la sienne…

Ce n’est pas pareil. De la même manière qu’on disait qu’on a des rêves plein les yeux quand on est jeune, Ben Arfa, à un moment donné, il a compris très, très jeune qu’il était au-dessus et il n’en a plus rien eu à faire derrière. C’est dommage mais je ne pense pas être dans ce format-là. Quand je réponds ça, je dis 'J’avoue' car c’est une bonne comparaison dans le sens où ce n’est pas bête car Ben Arfa a aussi un peu eu ce truc de déception. Mais je ne pense pas. Si vous regardez bien, je pense que je l’ai dit de travers, juste en regardant le commentaire mais sans vraiment y réfléchir. Même si j’ai un grand respect pour ce footballeur, pour Hatem, je ne compte pas faire la même chose.

On va tester ce détachement légendaire façon fiction : si on vous garantit que vos potes Taylor Lapilus et Alan Baudot deviennent champions UFC mais pas vous, acceptez-vous?

Si je n’accepte pas, je deviens champion?

Pour pousser le scénario, oui.

Je prends le titre. Forcément. Ben oui! Quelle question! Altruiste, OK, mais pas à ce point-là. (Rires.) Aujourd’hui, si je bosse, c’est pour moi, pour ma famille. Si je peux aller chercher la ceinture… Mon détachement n’est pas à ce point-là. Je souhaite le meilleur à mes gars, je ferai tout pour les pousser et pour leur donner de la visibilité, par exemple je ferai direct un truc pour eux auprès de Dana White si on me le demandait. Mais pas au détriment de mon avancée professionnelle personnelle. Jamais de la vie.

Que promettez-vous aux fans pour la première de l’UFC en France le 3 septembre et votre combat contre Tuivasa?

Déjà, je suis super fier et heureux d’être le porte-drapeau de cette première soirée UFC en France. De pouvoir être le main event du premier UFC en France, historiquement. C’est quelque chose qu’on ne pourra pas me retirer. Je n’aime pas promettre des choses donc je ne promets jamais. Par contre, je peux partager mes envies. Et c’est de terminer le combat avant la fin. J’aimerais ne pas aller à la décision, peu importe de quelle manière. C’est pour ça que je veux une condition physique à toute épreuve car j’ai envie d’envoyer, j’ai envie que ça débite, je ne veux pas que ça aille au cinquième round.

On sait que vous aimez la boxe. Et votre style, fait entre autres d’une grosse maîtrise de déplacements, marche aujourd’hui chez les meilleurs poids lourds du noble art entre Tyson Fury et Oleksandr Usyk. Etes-vous titillé par l’idée d’aller vous tester dans cette discipline?

Je suis déjà conscient que j’ai une belle boxe anglaise. Alors attention, ce que je fais en MMA n’est pas de la boxe anglaise. Mais j’en ai. J’aime bien ma boxe anglaise. Ce jeu est quelque chose qui m’attire beaucoup. J’ai des choses qui m’avaient fait hésiter à partir sur la boxe anglaise plutôt que sur le MMA. J’ai finalement choisi le MMA pour x raisons. Mais demain, j’aimerais bien un challenge comme ça. M’entraîner uniquement en boxe anglaise pour avoir cette endurance d’épaule car on sait très bien que c’est différent, de la même manière que si tu mets un boxeur en MMA, il ne va pas tenir longtemps sur le cardio, il va faire un tour au sol et ne jamais se relever. Et en boxe anglaise, il faut s’entraîner pour douze rounds. Mais j’aimerais bien un jour, oui. Après de là à dire que j’ai un regret, non. Aucun regret. Je suis très heureux où je suis aujourd’hui. Mais pourquoi pas aller tester un jour.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport