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UFC Paris 2024: "Là pour le coup, je suis à 100%", Benoît Saint Denis en mission pour effacer sa défaite contre Dustin Poirier

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Mis KO par Dustin Poirier en mars dernier, BSD reprend ce samedi le fil de sa carrière à l'UFC face au Brésilien Renato Moicano. Avec la ferme intention de faire oublier cette défaite encaissée alors qu'il était diminué par un staphylocoque.

Benoît, il y a 2 ans à l'UFC Paris, vous étiez le premier Tricolore à combattre sur le sol français pour un événement de l'UFC lors de la carte préliminaire. Aujourd'hui vous êtes en main event contre le Brésilien Renato Moicano. Est-ce que vous êtes fier du chemin parcouru?

Bien sûr, je suis fier de ce chemin qui s'est fait en équipe avec le staff sportif, le manager, la famille qui s'est mise un peu de côté pour me permettre d'être régulier sur les combats et d'être performant. Donc dans l'ensemble, c'est beaucoup de fierté. Je pense que cette carte est intéressante. Beaucoup de Français vont être testés. Moi je suis content. Ça va être un combat âpre je pense, contre un mec d'expérience. Donc j'ai hâte.

Au-delà de Paris, c'est votre premier main event tout court à l'UFC. En signant les posters avec votre visage dessus, ça vous a fait un truc?

Non, je ne vis pas pour signer un poster avec ma tête dessus. Pour moi, on est tous qu’éphémères, je serai oublié dans 20 ans et les meilleurs combattants du monde seront oubliés dans 100 ans. Moi je vis pour me faire plaisir, pour vous faire plaisir, pour faire plaisir au public français et prendre du plaisir dans ce que je fais. C'est à dire livrer des combats engagés, faire évoluer ce sport pour que les jeunes qui vont un jour faire des carrières professionnelles puissent se régaler aussi. Et je pense qu'aujourd'hui, les Français se régalent à regarder du MMA. C'est ça qui me remplit de fierté: de donner des combats engagés et d'essayer de me dépasser, d'aller le plus loin possible. Et bien sûr, de vous donner le spectacle que vous attendez tous samedi soir.

Ce main event, ce sera donc contre le Brésilien Renato Moicano. Très bon au sol, avec un style assez agressif, il vous ressemble un peu. On peut avoir autre chose qu'une guerre samedi soir entre vous deux?

Je ne pense pas parce que c'est un combattant complet, qui ne va rien lâcher. Que le meilleur gagne et ça va être engagé, ça c'est sûr. Mais c'est un mec qui ne perd que contre des tops: des José Aldo, des Brian Ortega, des Rafael Fiziev… Ses dernières défaites ne sont que contre des champions, que contre le top du top. Une victoire contre lui c'est une très belle ligne dans le palmarès et l’avoir ici à domicile, c'est incroyable. Je suis fier et je compte bien en découdre.

Au niveau du match up, c'est très important de combattre à domicile devant tes fans. Parfois on peut avoir des matchs up qui peuvent être moins plaisants vis-à-vis de ce qu'on veut donner au public. Est-ce que vous êtes satisfait stylistiquement parlant, ou est-ce que ça n’a pas réellement d'importance et vous voulez simplement briller, peu importe qui est en face?

Le match up, je m'en fous dans le sens où je pense que je suis un combattant assez complet et j'aime imposer mon style, peu importe qui est en face de moi. J'ai remarqué que la plupart des grands combattants gagnent souvent avec leur style et leurs armes. Alors oui, il y a un peu de variations mais c'est surtout la complexité de leur jeu sur le moment, la manière dont ils amènent les choses, qui fait qu'ils sont durs à lire. Il y a des combattants qui gagnent avec un seul coup signature ou un panel de techniques, mais qu'ils sont les seuls à amener avec autant de finesse, autant de violence, autant d'engagement. De toute manière, si tu veux devenir champion à l'UFC, spécialement dans cette catégorie qui est solide, il faut être complet et il faut être capable de battre les meilleurs. Et j'ai hâte de me tester parce que dans tous les cas, ce sera une très belle opportunité de se tester et d’affronter ce qui se fait mieux.

On vous avait laissé en mars dernier avec cette défaite contre Dustin Poirier, mais vous avez fait un combat de grappling au mois de mai. Ça vous manquait? Vous aviez envie de remonter très vite dans la cage? On dit souvent que quand on tombe de cheval, il faut remonter tout de suite. Est-ce que vous avez eu envie, après la défaite, d'essayer d'effacer ça au plus vite, d'être actif le plus vite possible?

Ce n’était pas forcément ça. C'était surtout une envie de retrouver du plaisir à l'entraînement parce que ça faisait longtemps que je l'avais perdu. De retrouver l'énergie positive, une santé mentale positive. Le succès est arrivé tellement vite, l'image a changé tellement vite que pour le combattant c'est quelque chose à absorber. Ce dont les gens ne se rendent pas compte, c'est que c'est aussi quelque chose qu'il faut absorber pour le staff, la famille, les amis. Et certaines personnes n'absorbent pas. Et si toi tu n'apprends pas à devenir patron, à être capable de gérer ce succès dans sa généralité, tu en arrives à tomber presque en dépression parce que tu ne reconnais plus les gens avec qui tu travailles. C'est difficile de travailler, de re-goûter au plaisir simple de l'entraînement, de la progression. Et ça, ça s'apprend. C'était dur parce que le temps entre mon combat contre Bonfim et Poirier a été très court, ça s'est fait en 8 mois. C’était dur. Heureusement, je ne suis pas arrivé ici par hasard. J'ai un staff qui est solide, j'ai des gens autour de moi qui sont solides et j'ai réussi à retrouver rapidement le plaisir à l'entraînement. Et l’ADXC (l'organisation de grappling où il a combattu, NDLR) était un moyen pour moi de me reconnecter avec le sol par lequel j'ai commencé les sports de combat en 2017. J'avais envie d’un petit retour aux sources.

Comment s'est matérialisé ce changement de statut? Dans la rue, on vous arrête beaucoup? Qu'est-ce qui a changé dans votre vie qui fait qu'elle est plus compliquée?

C'est compliqué surtout pour ta famille. Par exemple, quand tu es avec ta femme au restaurant et qu'on va t'embêter deuxou trois fois. Il y a des gens qui sont très respectueux, qui attendent que tu finisses de manger et qui viennent te voir. Et puis il y a des gens qui vont parler très fort, à moitié te sauter dessus alors que tu es en train de discuter en intimité avec ta femme. Mais ça à la limite ce n’est pas le pire. Le pire, c'est aussi la capacité à comprendre ou à accepter ce changement de statut et rester soi-même. En fait pour moi rien n'a changé, ça vient mais je m'y attendais. Mon père m'a toujours appris quelque chose: l'excellence paye. Donc si tu combats et que tu gagnes, à un moment donné tu seras la tête d’affiche. Il n’y a pas de secrets. Mais il faut rester soi-même parce que ce qui t'a amené là, c'est ton travail, ta discipline, ton envie d'acquérir de nouvelles compétences, de nouvelles connaissances, de renforcer celles que tu as déjà. C’est ce travail-là qui te permet d'être le combattant que tu es. Mais ça, ça vaut pour tout le monde, pour les gens qui t'entourent dans chaque spécialité, dans chaque domaine. Il faut que tout le monde reste sur le même chemin parce que sinon, c'est compliqué à gérer parce que c'est moi qui vais rentrer dans l'octogone et après qui ai des comptes à rendre à tout le monde. La prestation, c'est une prestation d'équipe, ce n’est pas une prestation individuelle. C'est un mix des deux. C’est beaucoup de détermination, mais c'est aussi de la détermination des gens qui t'entourent.

Pour revenir sur le travail dans la cage. Vous sortez d'une défaite contre Poirier il y a quelques mois maintenant. Que voudriez-vous montrer dans ce combat contre Moicano pour prouver une certaine évolution par rapport à vos entraînements, votre préparation et donc au combat?

C'est dur de juger par rapport au dernier combat parce que je sais dans quel état j'étais. Le peu de choses qu’on a vu au premier round, c'était les automatismes mais le corps et l'esprit n'y étaient pas. Ça n’empêche pas qu’il y ait eu des erreurs, desquelles je vais apprendre parce que rien ne dit que même en pleine forme au 3e ou au 4e, je n’aurais pas été épuisé. Je dirais "garder le style et l'âme Saint Denis". Mais avec une meilleure responsabilité défensive. Nous, on est là pour travailler dur et continuer à vous donner les combats que vous avez et ça, c’est l’ADN de de mon style de combat. Mais les coachs, ils sont là pour m'aider à performer au plus haut niveau. Et si on veut aller chercher toujours plus haut, il faut corriger les erreurs qu'on a faites. Bien sûr, il y a cette notion de responsabilité défensive, il y a beaucoup de notions qui ont été abordées et sur lesquelles on a travaillé pour continuer à progresser, à donner de l'engagement, en étant plus précis sur certaines choses.

Dans une interview que vous avez donné au média La Sueur, vous avez dit "je deviendrai champion comme je suis où je mourrai en essayant". Mais vous nous dites aussi que vous savez qu'il faut être Benoît Saint Denis, mais en adaptant certaines choses...

Personne n'est parfait. Il n’y a que Dieu qui est parfait. Il faut rester humble. Même Mike Tyson, dans 50 ou 60 ans, il sera oublié. Il n'y aura que les aficionados de la boxe qui regarderont en noir et blanc. Il faut se faire plaisir et il ne faut pas être bête, il faut se remettre en question. Une défaite ne doit pas remettre en question toute la personne que tu es, ton style et tout le combattant. Mais ça doit remettre en question et mettre en lumière certaines choses qui n’ont pas été. Bien sûr il faut travailler dessus parce que ça serait bête de se priver de ça. J’ai hâte de vous montrer tout ça samedi. Parce que là pour le coup je suis à 100% et ça va être une sacrée guerre, un sacré test et moi j'ai hâte de vous donner le spectacle dont vous avez envie. Il y a un rendez-vous samedi. Donc à très vite.

Avec le recul, est-ce que vous prendriez ce combat contre Poirier? Vous étiez sous antibiotiques à cause d'un staphylocoque, mais c’était une opportunité en or que vous ne pouviez pas rater. Vous étiez très diminué physiquement donc forcément, c'est très frustrant pour le combattant. Comment vous situez-vous aujourd’hui par rapport à ça? Qu’est-ce que vous feriez?

C’est très dur parce que j'ai la frustration de connaître l'état de santé dans lequel j'étais. Donc j'ai beau montrer les choses, montrer que sur le papier on voit que ma CRP elle n’est pas loin de 100 juste après le combat donc ça montre que l'infection était encore vachement importante, le perdant a toujours tort. C’est ça qui est dur et c'est pour ça que je comprends certaines mentalités très compétitives comme les gars du Daghestan, comme Khabib par exemple. Lorsque le cutting se passe mal et qu'il sent peut-être son corps pas très bien, 3 ou 4 fois en carrière il a dit "au revoir" la veille. Et peut-être que c'est l'expérience aussi. C'est l'expérience de ce très haut niveau de compétition qui est impitoyable. Parce que mine de rien, tout le monde te tombera dessus si tu perds. Là ça a été la même chose. En plus, le public français a la particularité d'être très généreux dans la victoire, mais aussi dans la défaite. On l'a vu par exemple avec Ciryl que j'aime beaucoup, qui est un combattant qui a été vachement attaqué après son combat contre Jones. Les Américains ne comprennent pas ça par exemple. Le public est très différent. Ils sont moins pour ou contre leurs combattants, ils sont plus pour le spectacle en général, mais il y a moins de générosité dans le positif comme dans le négatif. Et le Français, il a envie de tout avoir. Et il y a une expression avec la crémière que vous devez bien connaître. Et c’est dur parce qu’en vrai, ça n’existe pas, on n'a jamais tout. Si on avait tout ça serait trop beau, ça serait trop facile. Avec le recul, c'est dur à dire. Maintenant en tout cas, j'ai plus d'expérience. Mais ce sont les choses que j'ai laissé courir sur le temps qui m'ont amené dans cette situation-là. J'ai construit ma défaite quelque part, c'est une accumulation de choses. Ce n’est pas par hasard que tu arrives et que tu tombes malade quelques jours avant le combat. Je pense que ça n’arrive pas par hasard. C’est comme un accident de voiture, c'est un cumul de de petites erreurs qui peuvent poser lourd dans la balance.

Du côté de l'UFC, cette défaite n'a pas du tout freiné votre ascension, ça ne les a pas mis dans une situation où ils se sont dit "on va faire reculer Benoît de 5 cases". Là, vous êtes en main event à Paris, une occasion assez spectaculaire de faire oublier cette défaite. Dans l'éventualité d'une victoire assez éclatante contre Renato Moicano, est-ce que vous attendriez à un combattant du calibre de Dustin ou est-ce que vous vous dites "je vais repartir étape par étape et voir ce qui va arriver"?

C’est un sport où on a la mémoire très courte et ça a son avantage et son désavantage. C'est-à-dire que tu peux tomber de très haut très vite et tu peux monter très haut très vite aussi. C’est une des particularités de ce sport qu'il faut comprendre et appréhender. Il faut toujours jouer ses cartes à fond. Ils attendent de moi de faire une bonne prestation, c'est ce que j'ai envie de donner à mon équipe, à ma famille, à mes proches, à tous mes supporteurs. Déjà, passer par cette étape très importante. Ne pas changer la chose primordiale, qui est de combattre et de gagner. Et après, bien sûr, on verra les opportunités. Mais déjà là, ce qui va être important, c'est d'être concentré sur Renato et d'aller chercher cette victoire samedi soir.

C'est la 3e fois que vous êtes à l'UFC Paris. Vous êtes le seul avec William Gomis qui a fait 3 sur 3. On vous a vu enflammer la foule les deux premières fois. Qu'est-ce que vous nous réservez pour samedi soir? Comment il se termine ce combat?

Ça va être un combat engagé et comme je le dis toujours: que le meilleur gagne. Ça reste du sport. En tout cas avec moi, attendez-vous à ce que ce soit engagé. Ça va être la guerre. Je suis prêt, je me sens bien. J’ai hâte d’y être.

Alexandre Herbinet