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Son rêve, ses émotions, ses coéquipiers : comment Tsonga aborde la finale

Jo-Wilfried Tsonga

Jo-Wilfried Tsonga - AFP

Absent il y a quatre ans lors de la finale de Coupe Davis perdue en Serbie, Jo-Wilfried Tsonga s’apprête à vivre le week-end prochain l’un des plus grands moments de sa carrière face à la Suisse, à Lille. En exclusivité pour RMC Sport, le Manceau revient sur son histoire d’amour avec cette compétition pas comme les autres.

Jo-Wilfried Tsonga, peut-on comparer une finale de Coupe Davis à une finale d’un tournoi du Grand Chelem ?

Sur certains points, oui. Une finale de Grand Chelem est un peu différente car on n’a pas le temps de cogiter. Ça arrive très vite. On est prêt parce qu’on a déjà joué pas mal de matches. On a pas mal de temps pour préparer une finale de Coupe Davis. La pression est d’autant plus grande qu’on a le temps de cogiter.

Nicolas Escudé, Guy Forget, Arnaud Boetsch… Ils ont tous laissé une trace indélébile dans l’histoire du tennis français. Vous avez été bercé par des images de Coupe Davis…

Oui, depuis tout petit. Le match d’Arnaud Boetsch contre Nicklas Kulti est peut-être celui qui m’a fait basculer vers le tennis à l’âge de 11 ans (vainqueur du Suédois en cinq sets, le Français avait offert la victoire finale à la France en 1996, ndlr). Aujourd’hui, quand on parle de tennis, la Coupe Davis est incontournable. C’est l’une des plus belles récompenses qu’on peut avoir dans le tennis français.

Avez-vous échangé avec vos aînés à propos des frissons que cela peut procurer ?

Non. C’est difficilement palpable. On peut voir la façon dont on se sent quand on gagne individuellement dans les tournois. J’imagine que c’est décuplé an raison du partage avec les copains et toute l’équipe qu’il y a autour. Ce qui ressort de la victoire de nos aînés, c’est qu’ils sont copains malgré toutes les années qui sont passées. Je sais qu’ils se font toujours des petits restos ensemble, qu’ils ont beaucoup d’anecdotes sur leurs rencontres de Coupe Davis et sur leurs victoires. Ça fait vraiment envie. J’espère qu’on pourra faire les mêmes choses dans quelques années.

Après le Masters 1000 de Bercy, vous avez évoqué la peur que peut provoquer une telle finale…

Bien sûr. Etre au pied du mur n’est jamais évident. Mais ceux qui gèrent ça au mieux sont ceux qui s’en sortent le mieux. Il faut transformer cela en quelque chose de positif. Quand on est joueur de tennis, on joue et on s’entraîne dur pour vivre et être performant dans ces moments-là. Il faut prendre cela comme une difficulté qu’il ne faut pas sous-estimer parce que ça peut rattraper n’importe qui. Mais il faut prendre ça comme quelque chose de positif et d’excitant.

Vous arrive-t-il de rêver de vous, en plein match, porté par 27 000 personnes ?

Honnêtement, je n’avais pas imaginé une finale de Coupe Davis comme ça. Je l’avais imaginée dans un stade commun, comme ceux dans lesquels on a l’habitude de jouer en tournois. C’est-à-dire devant 15 000 personnes maximum. 27 000 spectateurs, ça commence à faire beaucoup de monde. C’est d’autant plus réjouissant pour le public, pour les joueurs et pour le monde du tennis.

Même Roger Federer est curieux de savoir ce que cette ambiance va donner. Est-ce qu’il peut passer à côté d’un tel évènement ?

Je ne sais pas. Il fait partie des joueurs qui passent le moins souvent à côté de leurs matches. Il a toujours été régulier dans les grands moments et a toujours répondu présent. Pour lui, ça ne sera qu’une épreuve de plus. Pour nous, ce sera l’épreuve, parce qu’on a vécu de tels moments moins souvent que lui. Il y a plus de chance qu’on passe à côté que lui.

On a le sentiment que le groupe s’est cimenté depuis la défaite de Buenos Aires face à l’Argentine l’année dernière…

Je ne dirais pas que c’est mieux depuis l’année dernière. Chaque étape de Coupe Davis nous a rapprochés. Les bons comme les mauvais moments. Il y a eu beaucoup de moments de partage et puis d’autres plus décevants pour les uns ou pour les autres. C’est ce mélange de vie commune qui nous amène aujourd’hui en finale de Coupe Davis contre une grande équipe et qui nous donne envie de nous surpasser.

Pouvez-vous nous dire un petit mot sur chacun de vos équipiers ? Commençons par Gaël Monfils…

Déroutant. Même moi, il me déroute encore. C’est difficile de le lire, de le « prédire ». Dans le bon sens comme dans le mauvais. C’est génial, car ça met de la vie. Il est plein de fraîcheur et ça fait du bien.

Richard Gasquet…

« Richie », c’est l’artiste de l’équipe. Il est capable de faire des choses que personne ne soupçonne. Même ses plus grands détracteurs peuvent dire parfois : « Ah, il est quand même bon ! »

Gilles Simon…

« Gilou », c’est notre tête pensante. Pour moi, il a toujours une bonne réflexion. Il amène toujours des questions qui sont intéressantes, qui nous permettent d’avancer.

Julien Benneteau…

« Benette », c’est le bon élève de la classe. Il ne fait pas beaucoup de bruit mais il est toujours fidèle à ses valeurs. Tout le monde sait qu’il adore cette compétition, qu’elle lui tient à cœur.

Et Arnaud Clément ?

C’est le capitaine, celui qui dirige, qui prend les décisions.

Avez-vous déjà touché le saladier d’argent ?

Non. Je n’ai finalement aucun rapport avec ce trophée. Quand j’étais jeune, je me disais que c’était fabuleux. On rêve, on se dit que ceux qui l’emportent ont une chance incroyable de toucher ce saladier. Et puis au fur et à mesure, tout devient réalité. Pour l’instant, on ne l’a toujours pas touché. Aujourd’hui, j’en rêve comme quand j’étais gosse. J’imagine que si un jour on arrive à l’emporter, on aura forcément un sentiment de fierté énorme.

Vous étiez blessé il y a quatre ans lors de finale perdue à Belgrade face à la Serbie. Est-ce qu’il y a un sentiment de revanche de vote part ?

Oui. Ça n’a pas a été un des moments les plus durs de ma vie, car ce n’est que du tennis. C’est un jeu, ce n’est pas vital. Mais ça restera l’un des moments les plus durs de ma carrière parce que j’ai toujours répondu présent dans cette compétition. Je me suis beaucoup investi. Pour moi, c’était terrible d’être qualifié pour la finale et de ne pas la jouer alors que je faisais partie des deux meilleurs joueurs français à ce moment-là.

Revoyez-vous les larmes de Michaël Llodra ?

Oui, mais ce n’est pas ce qui m’a le plus marqué parce que c’est normal de craquer après de tels moments. C’est tellement intense, qu’on craque à la fin, qu’on ait gagné ou perdu. Moi je me connais, je suis un hyper sensible. A la fin, je risque de craquer quoi qu’il arrive. Ce qui m’a marqué, c’est plus ce qui a découlé de la finale, ce qu’on a pu se dire après.

Il y a une vraie guerre froide avec les Suisses, non ?

Non, c’est un peu monté en épingle par les uns et par les autres. Il n’y a aucune guerre. Ça reste très sain. C’est normal qu’il y ait un peu de tension. Ça reste un jeu.

C’est un match particulier aussi pour vous car votre petite amie est suisse…

Oui, ce n’est pas évident parce que ses parents, qui adorent Roger Federer, vont venir à Lille et ils me disent : « On ne sait pas de quel côté on va pencher. » Son père m’a dit qu’il aurait peut-être un drapeau suisse dans une main et un drapeau français dans l’autre.

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    Les médias, notamment britanniques, soulignent que vous vivez tous en Suisse…

    Il y a eu beaucoup de questionnement. Les autres donneront leurs réponses, mais moi, j’habite en Suisse et j’en assume complètement les raisons. On ne se cache derrière rien. On est dans la totale légalité. Aujourd’hui, j’assume et cela ne m’empêche pas d’être français à 100%.

    la rédaction avec Julien Richard