Roland-Garros: l'histoire familiale hors du commun de Diego Schwartzman

Il dit ne pas connaître l'histoire dans ses moindres détails. Il y a des secrets de famille qui ne se répètent pas en public, encore moins en conférence de presse quand Diego Schwartzman a été questionné sur l'arrivée de ses arrières grands-parents en Amérique du Sud.
"Ils ont fui la guerre"
"Je sais que le grand-père de ma mère et les grands-parents de mon père étaient en Europe à l'époque de la guerre, a raconté l'Argentin. Ils ont réussi à émigrer à Buenos-Aires, ils ne parlaient pas espagnol mais yiddish à l'époque. Ils ont fui la guerre. Je sais que le grand-père de ma mère a réussi à descendre des trains de déportation et il a trouvé un navire."
La famille Schwartzman fait partie des 45.000 juifs européens qui débarquent en Argentine, et elle prospère très vite dans le commerce des bijoux et du textile. "Ils avaient même une maison en Uruguay, où ils passaient l'été en décembre et en janvier, racontait l'actuel 14e mondial en début d'année dans un récit autobiographique écrit sur le site de l'ATP. Ils avaient beaucoup de voitures, la vie était belle."

Mais la crise financière au début des années 90 met fin au rêve sud-américain, juste avant la naissance du futur tennisman en 92. "Ma famille a tout perdu, confie-t-il. Cela a été terrible. Plus de travail, plus de résidence secondaire, plus de voiture. Seulement moi, mes deux frères aînés, une sœur plus âgée et mes parents qui essayaient de nous élever."
Vente de bracelets en plastique, hôtels à 2 pesos
Diego Schwartzman n'exagère en rien. Après avoir débuté le tennis à l'âge de 7 ans, il dispute ses premiers tournois aux quatre coins du pays et entre deux matches, pour payer son matériel, les voyages, des hôtels bon marché ("la nuit coûtait 2 pesos", se souvient le demi-finaliste de Roland-Garros), il vend des bracelets en plastique aux couleurs des clubs de foot argentins. Les autres enfants l'aident d'ailleurs, et tous prennent ça comme un jeu, à qui en vendait le plus.
"Quand on y pense, avec le recul, c'était une situation difficile, se remémore Diego. Mais sur le moment, c'était rigolo." Moins drôle, la Ford Taurus d'occasion dans laquelle le garçon se déplace avec ses parents, et qui lui fait honte. Il attend que personne ne regarde pour monter ou en descendre discrètement.
Il a refusé la nationalité israélienne
Quand il a 13 ans, un médecin lui annonce qu'il ne fera jamais plus d'un mètre 70, il pense à arrêter le tennis. "Ça m'a dévasté, reconnaît-il. Mais mes parents ne m'ont pas laissé tomber. Ils m'ont dit que ma taille ne devait pas interférer mes rêves."
Peu après, la famille Schwartzman a l'occasion de sortir de l'ornière financière: Dudi Sela, ancien joueur israélien, leur propose un changement de nationalité, pour que le jeune espoir défende les couleurs d'Israël. Refus. La suite leur donne raison: la famille de l'Argentin Guillermo Coria lui tend la main, un avocat mécène va lui ouvrir les portes du professionnalisme en finançant toute une structure. C'en est fini des difficultés financières, Diego Schwartzman écume les tournois (trois victoires) et cumule depuis peu les performances en Grand Chelem. Il a aujourd'hui gagné, selon le décompte officiel de l'ATP, plus de 7 millions d'euros en tournois. De quoi ne plus revivre les galères du passé.