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Roland-Garros: "Le tennis féminin a une hiérarchie sans cesse bousculée", regrette Justine Henin

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Depuis quinze ans, Justine Henin a ouvert son académie en Belgique. Vainqueur de sept Grand Chelem durant sa carrière, elle partage son expérience aux futurs champions. A partir de cette année, son académie se lie à la Team Jeunes Talents de BNP Paribas pour aider les jeunes à atteindre le plus haut niveau. Tour d’horizon sur l’actualité du tennis féminin avec la Belge qui explique l’importance de transmettre aux jeunes joueurs.

Justine, qui va gagner ce Roland-Garros chez les hommes et chez les femmes ?

Il y a la magie de Rafa, son amour ici. Il y a les outsiders, la vérité du terrain. On a beau commenter tout ça, on essaye d’analyser mais il y a l’intimité du joueur, dans quelle forme du jour il est, comment il va gérer l’événement, son moment. C’est la vérité du terrain que l’on ne peut pas commenter. Chez les filles, Iga Swiatek est la grandissime favorite, numéro une mondiale assumée depuis quelques semaines. Sur terre battue, c’est une surface idéale pour elle, elle a du temps pour imposer son jeu. C’est ici qu’elle doit briller, qu’elle peut briller à plusieurs reprises.

Quelle est votre vision du tennis féminin actuel ?

Le tennis féminin a une hiérarchie sans cesse bousculée. Ça donne un côté intéressant mais qui empêche de s’identifier. C’est ce qui pose problème à la popularité du tennis féminin. On voit des bons matchs, du bon niveau mais faudrait plus de constance, des rivalités. J’espère que Iga Swiatek va mettre la main sur ce circuit féminin. Le tennis féminin en a besoin. Et que des vraies rivalités puissent se construire, là aussi il faudra peut-être un peu de temps, on est face à des questions générationnelles. On reste positif et optimiste pour la suite.

Justement, elle vous impressionne Iga Swiatek ?

Elle m’impressionne beaucoup. Il faut souligner que gagner autant de matchs c’est une remise en questions chaque jour. Elle sait que cette série peut s’arrêter. Moi je l’ai vécu en 2007, avec 32 victoires, d’autres ont vécu des séries bien plus importantes. Ceux qui gagnent de manière constante ce sont ceux qui sont capables de se remettre en question de semaine en semaine. Iga, c’est une bosseuse. Même si depuis Roland Garros 2020, elle n’a plus su aller chercher un Grand Chelem, elle a fait partie des joueuses les plus constantes, les plus stables. Elle a beaucoup d’armes pour durer et devenir la patronne du circuit.

Pourquoi, ici, à Roland, aucune joueuse n’arrive à défendre son titre ?

C’est une surface particulière pour les joueuses. La majeure partie de la saison se joue sur dur. Alors on voit moins ce phénomène chez les hommes, avec de vrais styles de terre battue, une capacité d’adaptation assez grande. On a très peu de filles qui jouent vraiment un jeu de terre battue ou qui adaptent leur jeu à la terre, ce qui crée pas mal d’ouverture et la hiérarchie est souvent bousculée. On a un tennis féminin plus dense, plus homogène dans le top 100. Mais on a un problème de constance. Pas mal de filles qui peuvent gagner et ça donne des idées et beaucoup de filles se disent oui c’est possible, on croit en notre chance, sans avoir à être performantes toutes les semaines. Il y a moins de différence de niveau, avec grande densité de joueuse. Avec les sollicitations, les réseaux sociaux, beaucoup de choses à gérer en dehors, faut trouver son équilibre. Iga Swiatek semble très bien gérer tout ça. Ashley Barty avait cette capacité. Et on espère que Naomi Osaka retrouvera du bien-être et du plaisir de jouer et avoir envie de faire plus.

Vous avez la tâche de trouver le prochain, ou la prochaine, vainqueur belge de Roland-Garros ?

On ne peut pas faire de miracle, on y travaille. La fédération et l’académie Justine Henin y travaillent. Il faut être ensemble. L’objectif est que le tennis français, le tennis belge et le tennis mondial se portent bien. Pouvoir partager nos valeurs avec les jeunes, où ils sont encore à un âge à l’écoute, c’est important. Ils sont le moteur de leur propre projet. L’envie doit venir d’eux et nous, on est en soutien et on leur apporte des moyens.

La transmission est quelque chose d’important ?

J’ai vraiment ça en moi, dans les projets que je choisis ou les activités que je fais. Il y a cette envie de transmettre et de rendre aussi la chance que j’ai eue. J’ai été soutenue par beaucoup d’acteurs. Sans eux je n’aurais pas pu faire ce que j’ai fait. Du soutien, j’en ai eu beaucoup. Moi j’estime qu’il faut rendre tout ça. Et j’aime bien être avec les jeunes. Il y a cette insouciance, l’envie de découvrir, d’apprendre. C’est vrai que c’est quelque chose qui me passionne beaucoup, pouvoir partager cette expérience, s’ils en ont envie. Un grand plaisir de partager.

La Belgique rejoint la Team Jeunes Talents BNP Paribas, ça manquait ?

Oui, je suis très touchée de la confiance de BNP Paribas, d’implanter ce programme au sein de l’académie, de collaborer avec nous. On sait que les formations des jeunes joueurs sont coûteuses. On sent qu’il y a cœur de faire bouger les lignes, aider les jeunes de vivre leur rêve, leur passion. Pour des structures comme la nôtre pouvoir soutenir davantage de jeunes, c’est une opportunité énorme pour nous. Et voir ces jeunes réunis ensemble, partager des choses, être avec des parrains, ça reste des inspirations et ça peut leur permettre de rêver un jour de Roland-Garros.

Propos recueillis par Léna Marjak à Roland-Garros