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Tennis: pourquoi les joueurs du top 100 sont si nombreux aux championnats de France interclubs

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Compétition par équipe populaire auprès des passionnés de tennis, les championnats de France interclubs de la FFT opposent les meilleurs clubs français chaque année en fin de saison. Pourquoi, alors que la saison est terminée, de nombreux joueurs et joueuses des circuits ATP et WTA y prennent part ? Éléments de réponse.

L’énorme joie d’Hugo Gaston, qui saute dans les bras de son coéquipier Fabien Reboul, rejoint par Benjamin Bonzi et tous les Toulousains après la balle de match… C’est fait : le Stade Toulousain décroche son premier titre national face au Tennis Club de Loon-Plage de Lucas Pouille.

Non, la saison de tennis n’était pas totalement terminée après la coupe Davis. En tous cas pas pour tous les joueurs ni toutes joueuses du circuit. Ce mercredi ont eu lieu à Créteil les finales des championnats de France interclubs de la FFT.

Si la compétition jouit d’une forte popularité chez les passionnés de balle jaune, elle ne bénéficie pas du même rayonnement auprès du grand public, car elle n’est pas diffusée, hormis les finales sur la chaîne Youtube de la FFT. Pourtant, bon nombre de joueurs et joueuses du top 100 y participent. Ce qui offre souvent de sacrés matchs, du spectacle et du suspense dans des ambiances qui rappellent l’ancienne formule de la coupe Davis.

Un attachement à son club

Nombre de joueurs français participent volontiers à ces championnats de France interclubs car ils sont particulièrement attachés à leur club. Il ne faut pas oublier que, s’ils sont classés à l’ATP, ils sont avant tout licenciés en France où ils trustent les premières places des classements nationaux.

C’est le cas de Lucas Pouille, très lié à son club de Loon-Plage et particulièrement engagé dans son club et dans la Ligue des Hauts-de-France. Cette saison, l’ancien 10e joueur mondial a par exemple offert la licence et une grosse partie de la cotisation annuelle à des enfants du club, en ne souhaitant pas le communiquer publiquement.

On peut également prendre l’exemple d’Hugo Gaston. Après sa fin de saison épuisante, au cours de laquelle il a enchaîné un quart de finale au Masters 1000 de Paris-Bercy, une participation au Masters ‘Next Gen’ et une première convocation en équipe de France de coupe Davis, le chouchou du public français a quand même tenu à aider le Stade Toulousain aux côtés de Benjamin Bonzi dès son retour d’Autriche pour la fin des interclubs.

D’autres grands noms manifestent aussi leur attachement à leur club en participant chaque année aux championnats de France interclubs, comme Corentin Moutet (TC Paris), les expérimentés Michaël Llodra et Édouard Roger-Vasselin pour la Villa Primrose, le club phare de Bordeaux, ou encore Nicolas Mahut, Julien Benneteau et Gilles Simon pour le TC Paris.

Un format par équipes apprécié

Attachement au club et à sa région, certes, mais aussi à un certain format et un état d’esprit. Compétition par équipe par excellence, les interclubs sont encore l’une des rares compétitions disputées dans un format domicile/extérieur, devant quelques dizaines ou centaines de personnes passionnées, dans des ambiances chaleureuses et populaires qu’on retrouvait dans l’ancienne formule de la coupe Davis.

Ce qui n’est pas pour déplaire à certains vétérans du circuit longtemps capés en Bleu : Nicolas Mahut, Gilles Simon, Julien Benneteau (TC Paris), Michaël Llodra (Villa Primrose), Paul-Henri Mathieu (TC Boulogne-Billancourt) pour ne citer qu’eux ; ou bien certains qui portent actuellement la veste de l’équipe de France comme Hugo Gaston (Stade Toulousain), Arthur Rinderknech (TC Boulogne-Billancourt) ou Adrian Mannarino (Blanc-Mesnil Sport Tennis).

On peut oser la comparaison avec la Coupe de France en football, compétition nationale à laquelle participent amateurs et professionnels. C’est à peu près le même principe dans le tennis de clubs. Les championnats par équipe se déclinent en divisions nationales, régionales et départementales, dont la Pro A est la division élite. Tout licencié d’un club de tennis en France qui a participé aux championnats par équipe avec son club le dimanche matin a expérimenté l’esprit d’équipe qui manque à ce sport parfois trop individualiste et se reconnaît dans les championnats de France interclubs. C’est ce qui explique en partie l’attachement de ces joueurs à cette compétition.

Un intérêt en terme de condition physique

Une autre explication réside dans un aspect plus sportif. Pour beaucoup, alors que la saison se termine, c’est l’occasion de se frotter à de bons adversaires afin de jouer des matches de haut niveau pour se remettre en forme. On pense cette année à Lucas Pouille, redescendu à la 455e place mondiale et qui peine à retrouver son meilleur niveau. Mais le Nordiste a joué des matches serrés, dont un simple très disputé contre Benjamin Bonzi, l’un des joueurs français les plus en forme de la saison, en finale, perdu en trois sets au super tie-break (4-6, 6-4, 4-10). Une défaite, certes, mais qui peut lui permettre de grappiller un peu de confiance en se disant que finalement, il n’est pas si loin de son niveau d’antan.

Pour d’autres joueurs, comme Benoît Paire, c’est aussi l’occasion d’enchaîner les matches voire de commencer une préparation hivernale en vue de la saison prochaine. Habitué des championnats de France interclubs en fin d’année, l’Avignonnais a fait son retour à la Villa Primrose, ses premières couleurs entre 2009 et 2011, après avoir joué pour le compte de l’US Colomiers (https://rmcsport.bfmtv.com/tennis/atp/video-ca-chauffe-entre-benoit-paire-et-des-spectateurs_AN-201711160184.html). L’actuel 46e joueur mondial, qui a publiquement clamé sa souffrance d’évoluer sans public et dans des bulles ces derniers mois en raison du covid, a dû être sensible à l’idée d’évoluer dans des salles surchauffées, devant des spectateurs au moins aussi passionnés que lui.

C’est aussi l’occasion pour de prometteurs jeune joueurs de prendre de l’expérience au plus haut niveau. On pense notamment à des joueurs comme Arthur Fils (Clermont), 17 ans et finaliste de Roland-Garros chez les juniors cette année, ou son adversaire en demi-finale du Grand Chelem parisien, Giovanni Mpetshi Perricard (18 ans, TCBB).

Un attrait financier

On ne va pas se mentir, l’intérêt de participer à cette compétition est aussi financier. Les interclubs ont la particularité de réunir plusieurs joueurs étrangers du top 100.

Pour ces joueurs, l’intérêt est à la fois sportif et financier : c’est l’occasion d’être rémunéré dans une période d’intersaison où il n’y a ni tournois ATP, ni tournois WTA au calendrier. Certains clubs réussissent à attirer de belles pointures du circuit en échange d’un petit billet.

Quelques gros noms ont été aperçus dans les clubs français de l’élite cette saison : Alexander Bublik (Bressuire), 36e mondial et qui vient à peine d’affronter Novak Djokovic en quart de finale de la coupe Davis avec le Kazakhstan, le Hongrois Marton Fucsovics (Clermont), 40e mondial et quart de finaliste à Wimbledon cette saison, le Néerlandais Botic van de Zandschulp (Loon-Plage), 57e mondial, quart de finaliste à l’US Open 2021 ou encore le très prometteur danois Holger Rune (Clermont), 18 ans, 103e mondial et qui a notamment participé au Masters ‘Next Gen’, le tournoi qui rassemblait les huit meilleurs joueurs de moins de 21 ans de la saison, au même titre qu’Hugo Gaston.

Même chose pour les clubs, l’intérêt est à la fois économique et sportif : rayonner dans le bassin local, attirer de nouveaux adeptes, augmenter son nombre de licenciés, ses recettes, maintenir un haut niveau dans l’aspect compétition, conserver ses meilleurs joueurs voire en attirer de nouveaux, etc... Bref, créer un cercle vertueux, on ne vous fait pas un dessin.

Voici donc pourquoi tant de joueurs et joueuses du top 100 participent à ces championnats de France interclubs. Un peu de chauvinisme local, un attachement à l’esprit d’équipe de la compétition, à l’ambiance qu’on y retrouve, un intérêt sportif pour les uns et/ou financier pour les autres. Chaque aspect étant plus ou moins important dans le choix des participant(e)s. Un savant mélange qui permet au public de voir du beau tennis près de chez soi sans débourser un seul centime. Et à la FFT, deuxième fédération en France derrière le football, de prouver que le tennis reste un sport populaire.

Thibault Karmaly