Tournoi de Rotterdam: pourquoi cette ultime quête excite tant Federer

Roger Federer - -
Le monde du tennis s’y prépare. Ce soir, vers 21 heures, un peu avant, ou un peu après, Roger Federer, qui a déjà passé 302 semaines sur le trône, aura virtuellement 9785 points ATP et va redevenir numéro 1 mondial. Mais pas n’importe quel number one. A 36 ans et 6 mois, il sera le plus âgé au sommet, effaçant des tablettes Andre Agassi, qui reprit le spot envié le 16 juin 2003, à 33 ans et quatre mois. Personne n’imagine Robin Haase court-circuiter l’histoire. Ce matin, l’Australien Darren Cahill, l’ancien coach d’Agassi, a tweeté ceci: "Je profite de mon dernier jour de coach du numéro 1 le plus âgé. Il n’y a pas de meilleur gars pour casser ce record."
Immédiatement après sa victoire à l’Open d’Australie - son vingtième Grand Chelem - Federer avait noyé le poisson quant à cette chasse. "Les options sont ouvertes", disait-il, cachottier. Il savait que la récompense pouvait tomber toute seule si jamais Rafael Nadal - contraint à l’abandon à Melbourne - n’atteignait pas les demi-finales à Acapulco, fin février. Mais le Suisse a du panache et cherche toujours la petite boule à l’estomac avant d’entrer sur un Central.
"Pas là pour les tulipes"
Au lendemain du sacre australien, Tony Godsick, son agent, a envoyé un mail à Richard Krajicek, le directeur du tournoi de Rotterdam, pour lui glisser que son poulain aurait peut-être des démangeaisons et qu’il serait inspiré de lui conserver wild-card. Une fois que le Bâlois a officialisé sa venue, le Ahoy Stadium a affiché guichets fermés. Federer est venu seul aux Pays-Bas. Pas de femme, pas d’enfants. La quête ultime se fait en équipe réduite, avec, notamment, le fidèle Ivan Ljubicic, l’homme qui a révolutionné son revers. Comme il l’a dit avec beaucoup d’humour local: "Je ne suis pas là pour les tulipes". L’homme est un impitoyable chasseur.
Le Suisse savoure d’autant la situation qu’après son opération au genou - la première anesthésie générale de sa vie - en février 2016 puis après son arrêt au stand pour soigner son vieux dos, jamais il n’aurait cru revenir au plus niveau. Et lorsqu’il est réapparu à la compétition début 2017, les peaux de banane étaient réelles. Avant son troisième tour à Melbourne face à Tomas Berdych, il risquait, en cas de défaite, de glisser au-delà du top 30. On connaît la suite… Cette journée va paraître longue à Federer. Il va se souvenir qu’en août dernier, la chasse à la place de numéro 1 lui avait coûté cher. Ajoutant le tournoi de Montréal à son programme, il avait récolté une blessure au dos qui avait gâché son été américain.
Des rencontres rares à jouer
Cette fois-ci, tout semble sous contrôle. Mercredi, il a martyrisé le Belge Ruben Bemelmans. Jeudi soir, il s’est montré plus laborieux face à Philipp Kohlschreiber (7-6, 7-5). On n’aimerait pas être à la place de Robin Haase qui, en pénétrant sur le court, va probablement sentir que les spectateurs vont souhaiter que lui, le sympathique néerlandais, modeste 42e mondial, ne gâche pas la fête. Mais attention, même Federer peut trembler. Car, aussi étonnant que celui puisse paraître, il n’a pas souvent joué des matches avec la place de numéro 1 en jeu. Et, surtout, il sait que l’occasion ne se reproduira peut-être pas. En tout cas, pas dans l’immédiat.
Trois fois seulement, il a disputé ces rencontres si particulières. En demi-finale de l’Open d’Australie 2004, il domine Juan Carlos Ferrero, s’assurant le trône pour la première fois de sa carrière. Il restera au top 237 semaines. En finale de Wimbledon 2009, il fait coup double en battant Andy Murray. Dernière situation identique: le 8 juillet 2012, toujours sur le gazon londonien, il bat au finish Andy Roddick pour déposséder Novak Djokovic. Ce qui est rare provoque l’irrationnel: oui, ce soir, à 36 ans, Roger Federer va avoir des papillons dans le bide. C’est un si grand soir…