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Wimbledon: "Onstoppable" Jabeur, une finale au nom de la Tunisie

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Ons Jabeur disputera ce samedi sa première finale de Grand Chelem, à Wimbledon, face à la Kazakhe Elena Rybakina (15h). Première joueuse nord-africaine et arabe à atteindre un tel niveau, la Tunisienne assume jouer pour son peuple.

Ses compatriotes la surnomment la "ministre du Bonheur". La Tunisienne Ons Jabeur tentera de justifier son surnom ce samedi, lors de la finale de Wimbledon, à partir de 15 heures (14h à Londres), où elle sera opposée à la Kazakhe Elena Rybakina. En cas de victoire sur le Centre Court, elle deviendrait la première joueuse nord-africaine et arabe à décrocher un tournoi du Grand Chelem.

Elle a déjà été la première arabe à se hisser dans le dernier carré, brisant le plafond de verre des Marocains Hicham Arazi et Younès El Aynaoui, qui ont échoué respectivement à quatre et trois reprises en quarts de finale en carrière. Numéro deux mondiale, Ons Jabeur est parvenue à cette performance pour sa troisième tentative. "Ils ont réussi à m'inspirer en tant que jeune fille. Je les connais tous les trois, je les appelle les trois Mousquetaires, a lancé la nouvelle star, rendant hommage aussi au Marocain Karim Alami. Je suis très contente qu'ils aient pu donner l'exemple pour moi et tous les autres jeunes. Je vais jouer pour tout le Maghreb."

Une ambition assumée

Ons Jabeur, renommée aussi "Onstoppable" par ses supporters depuis Wimbledon 2021, est fière de ses origines et de ce qu'elle représente. "Je suis une fière femme tunisienne debout ici aujourd'hui", savourait Jabeur après son succès en demi-finale sur le gazon londonien face à l'Allemande Tatjana Maria (6-2, 3-6, 6-1). La joueuse de 27 ans se veut "une source d'inspiration" pour son pays, le monde arabe et le continent africain.

En ce jour du début de l’Aïd Al-Kebir, une fête musulmane, Ons Jabeur a donc l'occasion de rendre fier tout un peuple. Mais aussi de mesurer, en cas de victoire, tout le chemin parcouru. "J'ai commencé à jouer très jeune, à l'âge de 3 ans. J'étais une fille un peu agitée, d'après mes parents. Je suis en train de mettre mon énergie dans le sport. J'ai toujours rêvé d'être là, de gagner un Grand Chelem et d'être numéro une mondiale, a confié Jabeur avant la finale. J'espère que le rêve commence à se réaliser. Je suis passé par beaucoup d'étapes. En juniors, c'était difficile de passer professionnel. J'ai eu beaucoup d'autres blessures, de déceptions comme de ne pas trouver le bon coach qui peut m'aider à jouer mon jeu et en arriver là. Il reste encore une étape. J'espère qu'il y aura d'autres finales."

"C'est un devoir d'aider mon pays"

Et même si elle est désormais une célébrité, Jabeur n'oublie pas non plus qu'elle provient d'un pays pauvre, actuellement plongé dans une grave crise politico-économique. Avant Wimbledon, elle a annoncé que son sponsor, Talan Tunisie, un cabinet conseil en innovation et transformation par la technologie, allait verser 100 euros à chaque fois qu'elle réussirait un ace ou une amortie pendant le tournoi, pour rénover un lycée d'une région marginalisée du nord-ouest du pays.

L'été dernier, la droitière avait vendu deux de ses raquettes au profit d'hôpitaux locaux, quand la Tunisie était submergée par une vague particulièrement meurtrière de la pandémie de Covid-19. "C'était un devoir pour moi d'aider mon pays", avait-elle expliqué après avoir réuni 27.000 dollars (environ 23.300 euros).

"Je joue un peu pour mon pays. Ce n'est pas juste Ons Jabeur sur le terrain, mais c'est aussi Ons Jabeur la Tunisienne et l'Arabe. Je suis très contente de pouvoir représenter ces jeunes filles, ou garçons, qui rêvent d'être là. Ce n'est pas impossible, a-t-elle déclaré, dans un message d'espoir pour la jeunesse de son pays. Je pense que beaucoup de monde va regarder la finale samedi et ça m'apporte beaucoup de joie et de bonheur de voir autant de Tunisiens qui me supportent. Ils vont vraiment m'aider à soulever ce titre-là, leur énergie et leurs encouragements m'apportent beaucoup."

Un style de jeu plein de vie, à l'image de sa personnalité

Ons Jabeur s'est révélée au grand jour lors de l'Open d'Australie, en janvier 2020. Alors 78e mondiale, elle était devenue déjà la première joueuse d'un pays du monde arabe à se qualifier pour les quarts de finale d'un tournoi du Grand Chelem, avant de s'incliner face à l'Américaine Sofia Kenin, future lauréate du tournoi. En juin 2021, elle remporte le tournoi WTA 250 de Birmingham, le premier titre sur le circuit principal pour une joueuse maghrébine.

Au niveau du tennis, Ons Jabeur évolue désormais avec plus de "confiance et d'expérience" cette saison. "Les autres joueuses ont commencé à avoir peur de jouer contre moi (...) Ma façon de jouer reflète ma personnalité", appuie-t-elle. La Tunisienne évolue avec un jeu audacieux plein de "changements de rythme". "Je n'aime pas beaucoup la routine. J'aime m'amuser et j'aime sourire. Je veux vraiment profiter de ces moments, sur et en dehors du court", a expliqué la joueuse dans une chronique pour la BBC.

Elle rêvait de Roland-Garros, pas de Wimbledon

Seulement âgée de 10 ans, Ons Jabeur promettait à sa mère, grande fan de tennis, qu'elle l'emmènerait un jour "boire un café à Roland-Garros". Elle a tenu sa promesse, remportant le tournoi juniors en 2011. La même année, à 16 ans, elle quittait la Tunisie pour lancer sa carrière mais elle y revient régulièrement, avec son entraîneur Issam Jalleli et son mari et préparateur physique, Karim Kamoun, tous les deux Tunisiens. Le reste du clan restera ce samedi au pays, en l'absence des visas nécessaires, à l'exception de son frère Hatem.

Une victoire d'Ons Jabeur à Wimbledon sonnerait comme un petit paradoxe pour elle, qui a toujours rêvé de décrocher le Graal à Roland-Garros. "Nous n'avons pas de courts en gazon en Tunisie, donc je ne pouvais pas imaginer être à Wimbledon quand j'étais jeune, a-t-elle raconté à la BBC. Mais c'est devenu un rêve quand j'ai atteint les quarts de finale l'année dernière parce que j'ai aimé être ici et j'ai tout aimé de Wimbledon. Donc à partir de là, c'était mon objectif: revenir et gagner ici." Ne reste plus donc qu'à battre Elena Rybakina pour entrer dans l'histoire de son sport et de son pays.

GL avec ES