Transat Jacques Vabre: la flotte à terre se prépare à la tempête Ciaran

À Lorient, où la flotte des class40 (monocoques) et les Ocean fifty (multicoques) est amarrée depuis mardi matin, l’heure est aux derniers préparatifs avant le fort coup de vent de la nuit. Le Guadeloupéen Keni Piperol a terminé les travaux de réparations après une première étape cabossée: "C’était l’orchestre philarmonique des meuleuses et visseuses." Désormais il chouchoute son class40 Captain alternance, conçu à 98% avec des matériaux recyclables: "La question se pose de démonter les "aériens" (girouette, anémomètre…) parce qu'il y a des rafales annoncées à plus de 100 nœuds (180 km/h). Il faut enlever tout ce qui est en tête de mât et les housses de protection des voiles qui ont tendance à battre quand il y a du vent. Il faut également bien amarrer toutes les voiles pour ne leur laisser aucune chance de se dérouler. Il faut remplir les ballasts pour enfoncer le bateau au maximum dans l'eau pour qu'il se fasse moins ballotter dans les vagues du port. Enfin il convient de doubler les amarres et rajouter d'autres pare-battages."
Au Havre, pontons retirés et camions pour faire écran
En ce début d’après-midi, mêmes travaux d’anticipation pour Kieran Le Borgne et Basile Buisson à quelques mètres de là. "On était en train de de bâcher le bateau histoire qu’il tienne le choc cette nuit car ça s’annonce violent même au port. On enlève tout ce qui peut battre et on le protège au maximum. On essaie de ne rien laisser traîner parce qu'on sait que tout va voler cette nuit. On va surveiller comme on peut, éventuellement en venant faire un tour cette nuit ou avec la webcam. On est mieux là qu’en mer."
Au Havre la flotte des Imoca est bien à l’abri dans le bassin Paul Vatine comme le confirme Francis Le Goff, directeur de course. "Des consignes particulières ont été données dans les deux ports concernés. Au Havre, une grosse partie de la Direction de course et de l’équipe mer est sur place. Les pontons ont été retirés pour que les bateaux soient dans l’axe du vent et non pas travers lors de sa rotation à l’ouest. Le démontage du village a été accéléré pour que rien ne puisse voler et des camions ont été installés pour faire écran. Il y aura encore une ronde organisée cet après-midi."
Revenue en Bretagne en attendant la date du départ Samantha Davies s’inquiète plus pour ce qui pourrait venir de l’extérieur que pour son bateau lui-même: "Nous sommes juste à côté de la piscine où il y avait des travaux de rénovation avec des échafaudages donc j’espère que tout est bien attaché. L’avantage c’est que nous sommes abrités par ce bâtiment."
"Ça ressemble à la configuration de Xynthia"
Les skippers plus ou moins aguerris tentent de se remémorer des fichiers météo aussi forts depuis deux décennies. Basile Buisson, skipper pour la transat mais habituellement officier dans la marine marchande, ne voit pas beaucoup de comparatifs: "Ce sont des situations que je connais. L’année dernière en août j'étais lieutenant en mission en Corse en mer au moment de la tempête. Le lendemain nous avons comptabilisé les épaves et fait l'état des lieux. Ce qui s’annonce c'est vraiment quelque chose de très fort, un petit peu une configuration de Xynthia en 2010. Ça va être costaud et il y a encore beaucoup de feuilles sur les arbres donc potentiellement plus de force dans les arbres. On va croiser les doigts pour qu’il n’y ait pas trop de dégâts."
Chez elle, Samantha Davies vient de terminer d’amarrer son abri de jardin et surveille les fichiers météo avec un peu de stress: "Mes parents ont un bateau à port-la-forêt donc je fais jouer la solidarité des marins. J’ai appelé mon copain Nico Lunven (qui aurait dû être son coskipper sur la Jacques Vabre) qui est passé vérifier le bateau. C'est une tempête exceptionnelle donc avec tous les voisins du quartier on regarde chez les uns et chez les autres pour vérifier que rien ne va s’envoler. Et demain avec l’équipe on a prévu d’aller voir le spectacle, en toute sécurité bien sûr et en espérant qu’il n’y ait pas trop de dégâts." Il sera ensuite temps de repenser à la course.