"Je vois le mât dans l’eau, je me dis : pas de Vendée Globe": Romain Attanasio a sauvé sa place malgré un gros coup dur

Romain Attanasio, déjà, comment vous sentez-vous à quelques heures du grand départ?
Bien. Mais je sens que je commence à être moins patient. Le stress monte un peu. Cette nuit, je n’ai pas très bien dormi. On sent que l’on entre dans les dernières heures.
Justement, que faites-vous pendant ces dernières heures?
On fait plein de trucs. Je passe au bateau notamment, pour les derniers préparatifs. Je réponds aux interviews, on a des briefings aussi. Je vérifie si le bateau est prêt. Et puis on charge les affaires.
Pour le départ dimanche, on annonce une météo assez calme. Est-ce des conditions que vous aimez bien pour un départ? Ou vous auriez aimé être directement dans des conditions plus extrêmes?
Je pense que c’est bien de partir comme ça. Là ça peut être un peu mou, il faudrait un peu de vent quand même. Mais partir avec des conditions faciles c’est plus simple. Le bateau sera chargé comme jamais, cela fait trois semaines qu’on est aux Sables donc c’est souvent à ce moment que l’on fait des bêtises sur départ. Avec une situation calme, c’est mieux.
Il y aura cette sortie du chenal, avec tout ce public. C’est forcément un moment spécial… C’est quel genre d’émotions?
Le chenal, on y passe à trois nœuds et chaque skipper toutes les trois minutes pour faire une grande parade. C’est un moment fort. C’est presque le moment le plus prenant de ce départ. On quitte nos proches sur le ponton, c’est lourd. Le long de ce chenal on se sent tout petit. Il y a beaucoup de bruit.
Pourtant, tout cela, vous avez failli ne pas le vivre. Il y a deux mois vous avez démâté. Que s’est-il passé?
C’était la dernière course où l’on faisait les derniers petits ajustements. On essayait du matériel neuf. J’avais décidé d’y aller tranquille. Mais au large de Bordeaux, j’entends un bruit et je vois le mât dans l’eau. Sur le moment, je me dis qu’il n’y aura pas de Vendée Globe. Avec Adrien, mon boat captain, on a commencé à réfléchir pour comment faire? Comment payer tout ça? Ça a été deux mois de course contre la montre.
Puis finalement, Maxime Sorel vous est venu en aide…
Sur la route retour, je passe trente heures au moteur pour ramener le bateau. Et Maxime Sorel m’a appelé parce qu’il a un mat de rechange à me proposer. On en parle à mon arrivée. Puis toute mon équipe s’est mobilisée à fond. Mes partenaires n’allaient pas tout financer mais on participait pour me relancer. Puis, des gens sont venus me voir en me disant qu’ils aimeraient participer mais comment faire ? Alors on a eu l’idée de la cagnotte leetchi. On ne pensait pas avoir autant de monde, on est à 1600 personnes qui ont aidé à financer l’achat du mât de Maxime Sorel. Pour les remercier, on colle les noms de ces donateurs sur le mât.
Cela vous a étonné de voir toute cette générosité?
On sait qu’il y a une solidarité en mer. Ça nous arrive de mettre la course entre parenthèse pour aider l’autre. Mais à terre, je ne m’y attendais pas. Les partenaires, le public, Maxime et d’autres… c’a été source de motivation. Je n’étais pas tout seul face à cette montagne à gravir. Et finalement on a trouvé une solution.
Maintenant que le bateau est prêt, quel objectif vous fixez-vous?
Je ne vise pas la gagne, parce que ce n’est pas un bateau neuf. Sur le Vendée Globe, on sait quand on part, mais pas où on arrive, ni quand et si on va arriver. Celui-là je vais essayer de garder bateau en état. Et pour être honnête, le vrai objectif est d’arriver aux Sables D’Olonne.
Côté personnel, vous allez vivre loin de votre compagne qui est enceinte… Ce ne sera pas difficile à vivre?
Quand je vais rentrer elle sera bien ronde si je puis dire. Je vais rater ça. Mais l’accouchement est prévu le 15 avril donc normalement je serai rentré, ou alors c’est que ça se passe mal. Ce qui est difficile c’est de laisser ses proches. Le plus dur c’est la solitude. Lors des fêtes de Noël, c’est un moment difficile. Au dernier Vendée, j’avais reçu des photos de mon fils qui ouvrait ses cadeaux, ce n’est pas facile de ne pas être là. Mais il faut penser aux bons moments et pas aux mauvais. À l’arrivée ça sera génial.