Virtual Regatta: "Je me lève jouer la nuit", confie Loïck Peyron

Ils sont en tout 800.000 navigateurs "de canapé". 800.000 adeptes du jeu en ligne Virtual Regatta, qui permet de simuler, depuis chez soi, le Vendée Globe. Parmi eux, il y a bien sûr le skipper maison de RMC Sport, à la barre de Paprika3000. Mais on trouve aussi de vrais skippers de métier, dont Loïck Peyron. Interview.
Vous êtes un joueur assidu de Virtual Regatta. Quel regard portez-vous sur le jeu?
LOICK PEYRON. Je ne le découvre pas, j’y joue depuis quelques années mais c’est la première fois que je prends le départ d’un Vendée Globe virtuel. Comme je l’ai déjà raconté, j’ai eu la chance de prendre trois fois le départ réel du Vendée Globe –dont la toute première édition il y a 30 ans– mais je n’en ai fini qu’un. Et lors de mon dernier départ, en 2008, j’étais en tête pendant presque trois semaines de course et j’ai démâté… En rentrant en France quelques semaines après, j’ai fini le Vendée Globe virtuellement! Ça m’a permis de boucler la boucle, l’essentiel c’est le voyage.
Comment se déroule cette édition 2020 pour vous?
Ça ne se passe pas mal, c’est la guerre! Ce qui est sympa, c’est que nous sommes plus de 800.000 joueurs, et parmi ces joueurs il y a des gens qui n’ont jamais mis les pieds dans un bateau, mais aussi quelques skippers professionnels comme Armel Le Cléac’h, François Gabart, Vincent Riou… On est les uns à côté des autres, en train de s’approcher de l’équateur, virtuellement.
Faites-vous un petit concours entre skippers?
Il y a inévitablement un peu d’émulation car en plus nous sommes visibles: tous les skippers professionnels sont "certifiés" sur le jeu donc tout le monde peut nous voir. On peut se comparer aux skippers qui sont en mer en ce moment, mais aussi aux autres skippers qui jouent virtuellement. Il y a une petite concurrence interne évidemment! Il y a des milliers de joueurs qui sont très très bons et figurer dans les 10.000 premiers sera déjà un exploit.
Où en êtes-vous pour le moment?
Là ça se passe mieux, il y a de la stratégie en permanence… À l'approche de l’équateur je suis environ 13.000e. C’est passé de 800e à pas loin de 30.000e. Ça change très vite.
Vous jouez régulièrement?
Je suis un petit peu dessus quand même là, oui. C’est la bagarre. Déjà parce que la compétition m’intéresse, en virtuel ou en réel. Parce que le jeu est passionnant. Et parce que ça rappelle aussi les vraies conditions de quand on est en mer, à l’humidité près et au fait que ce soit mille fois moins stressant… C’est des millions de fois plus facile que la vie réelle, bien entendu. Mais la stratégie météo est assez passionnante, l’aspect graphique est sympa parce c’est en 3D. En gros, il faut être là-dessus au minimum toutes les six heures car les prévisions météo sont rafraîchies toutes les six heures. Et donc là je regarde, le vrai Jean Le Cam, qui navigue, n’est pas loin de moi. C’est assez marrant. En gros je suis souvent dessus. Presque trop régulièrement même, puis j’ai un peu de pression car je suis sponsorisé. Je dois être le premier skipper à être sponsorisé dans le monde du e-sport à la voile (rires). J’ai sur les voiles les belles couleurs d’une association qui permet de lutter contre la neurofibromatose.
Vous vous levez même jouer la nuit?
Oui. Ça dépend des conditions mais il y a quelques jours, elles étaient très difficiles, il fallait virer ou manœuvrer au bon moment. Donc bien sûr que je me lève la nuit. Là, cette nuit, il va falloir que je réajuste mon cap, car on va avoir des conditions plus légères en arrivant vers l’équateur. Il va falloir être attentif aux variations de vent et ajuster le tir.
Trouvez-vous le jeu réaliste?
Oui, c’est très bien fait. Le jeu existe depuis 2006 et ils l’ont bien fait évoluer. Ce qui est bien c’est qu’il n’est pas trop compliqué, c’est accessible à tout le monde. C’est vrai que ce n’est pas la perfection même, ce n’est pas un simulateur de voile, c’est juste un jeu en temps réel de stratégie général en fonction de la concurrence, de la météo… Ce n’est pas le tout d’aller vite, il faut aller vite au bon endroit et c’est ce qui se passe dans le monde du réel.
Ça compense un peu votre envie d’être sur l’eau?
Je ne sais pas si c’est de la compensation… Ça dépend. Il y a des moments où j’ai envie de refaire un Vendée Globe même si je sais qu’il ne faut pas que de l’envie, il faut de la motivation… Mais ça permet de rester au contact. Quand je sais ce qu’il se passe en pleine mer, pour l’avoir vécu pendant de nombreuses années, ça confirme l’admiration qu’on doit avoir pour tous les marins qui sont en mer en ce moment. Ça permet de rafraîchir un peu la mémoire tout en restant les pieds dans ses chaussons.
Quel est l’objectif final?
L’objectif c’est de finir dans les premiers 1%. 1%, ça ferait 8000e, ce qui ne serait pas mal!