Earvin Ngapeth de retour à Tours, là où tout a commencé pour le prodige du volley français

Le prodige est de retour sur ses terres. Earvin Ngapeth (30ans), aujourd’hui à Modène, a rendez-vous avec le TVB lors du huitième de finale aller de la CEV Cup, qui oppose le Tours Volley-Ball au club italien, mercredi soir. "C’est une grande joie de le revoir", s’enthousiasme Pascal Foussard.
Le directeur général du TVB était déjà aux manettes du club lorsque le fer de lance de l’équipe de France, sacré champion olympique avec les Bleus l’été dernier, a effectué ses premiers pas de volleyeur professionnel en 2008, sous l’égide de son père, l’ex-international Eric Ngapeth, plus ancien entraîneur français en activité (Nancy).
Un père qui "l’a complètement façonné", selon Pascal Foussard. L’ascension du fiston - il quittera le TVB en 2011 - a été le fruit d’un "programme réfléchi" imaginé par Eric Ngapeth alors qu’Earvin sortait d’une situation compliquée au CNVB (ndlr, il a été écarté du centre après une altercation avec un autre joueur).

Progressivement, la star des Bleus gagne sa place sur le terrain à l’entraînement, même s’il ne devient un titulaire à part entière qu’en toute fin de saison. Aux côtés d’un père extrêmement exigeant, soucieux de ne montrer "aucun favoritisme à son égard", Earvin Ngapeth a eu tout le loisir de progresser.
En fin de formation avec les filières nationales, d'où il sort avec l’étiquette de pointu, même s’il a reçu une formation globale de joueur, et que le père s’en est assuré, Eric Ngapeth estime qu’il est "impératif qu’il sache réceptionner." Question de gabarit.
Dans la durée, Earvin Ngapeth, du haut de son mètre 94, n’aurait pu soutenir la comparaison au poste de pointu. C’était peine perdue. Le prodige s’adonne alors à des heures d’entraînement sur le contact qu’il doit avoir avec le ballon, la position de ses appuis, la posture du corps. "J’étais très exigeant avec lui à ce niveau-là", reconnaît Eric Ngapeth.
"C’est un tueur-né pour le volley"
"Son père a eu un gros impact sur lui avec son exigence et sa science du jeu. Il le poussait à être meilleur, il était direct, franc et lucide avec lui. En réception, son père lui disait si c'était bien ou pas rien qu'au bruit du ballon sur les pognes", confirme Rafael Redwitz, passeur du TVB en 2009-2010, l’année du doublé coupe-championnat.
Mais tout ne fut pas rose dans l’intégration du jeune joueur à cet effectif, composé à son poste d’éléments à la fois plus expérimentés (Marc Schalk, Kristian Knudsen) mais également de Guillaume Quesque, pas beaucoup plus vieux qu’Earvin, et issu lui aussi du CNVB.
"Ils ne l’ont pas tout de suite accepté, quelques joueurs ont posé des soucis", assure Eric Ngapeth. Dans ce contexte particulier, "tout ce que j’allais lui demander, il fallait qu’il l’accepte", appuie ce dernier: "Il a fallu faire le dos rond et il a fallu aussi que je reste très exigeant pour montrer que sa place, il l’avait sur le terrain."

Mais aux yeux de la majorité, il n’y avait pas photo. L’évidence sautait aux yeux. Rafael Redwitz, Loïc De Kergret, ou encore Loïc Le Marrec, trois passeurs du TVB, n’appartenant pas tous à la même génération, témoignent d’un talent brut exceptionnel. "C'est un tueur-né pour le volley", s’enflamme l’ex-international Rafael Redwitz, entraîneur de Nice en LAM. Il puait déjà le volley et l'a révolutionné en inventant des gestes."
Loïc Le Marrec, ex-international, aujourd’hui entraîneur adjoint d’Olivier Lecat à Montpellier garde lui aussi un souvenir très marquant de sa première rencontre avec le prodige: "Je m’en souviens, la première fois que je l’ai vu, on était à Quimper, on faisait un tournoi amical. Il était très talentueux, très explosif, très puissant. C’est un joueur d’impact, en tout cas, ses premières entrées faisaient souvent basculer les rencontres." Earvin Ngapeth ne tarde pas à faire la différence, d’ailleurs.
En 2009, à l’issue de sa première saison professionnelle, il joue un rôle prépondérant dans la quête d’un quatrième succès dans l’histoire particulière du TVB avec la Coupe de France (record avec 10 titres), en renversant Toulouse en sortie de banc lors de la demi-finale, remportée (3-2) par le club tourangeau, pourtant mené deux manches à rien. La carrière d’Earvin Ngapeth était lancée pour de bon.
"Cette place, il a tout donné, tout fait, pour l’avoir"
"Il avait renversé une Coupe de France à lui tout seul", se remémore Pascal Foussard, des étoiles plein les yeux, et un regard toujours attendrissant pour celui dont il a partagé quelques-uns des faits de gloire avec l'équipe de France, aux côtés de Laurent Tillie. Lorsqu’il entame sa 22e et dernière saison chez les pros à 40 ans, en 2010, Loïc De Kergret connaît bien le club qu’il a hissé sur le toit de l’Europe en 2005, et retrouvé un an plus tôt, pour boucler l'ultime chapitre de sa vie de joueur.
La famille Ngapeth ? Le passeur aux dreadlocks a joué puis s’est entraîné avec le papa, Eric. Earvin ? Il le rencontre alors qu’il n'a que six mois, avant de faire la connaissance du petit frère (Swan) à la maternité. Une drôle de proximité.
"Les uns et les autres venaient beaucoup me voir, que ce soit le coach ou les deux joueurs, je les avais beaucoup à la maison, je pouvais être autant les confidents de l’un que de l’autre. Ils avaient besoin de s’échapper et ils s’échappaient souvent à la maison", sourit-il. Sensible et attachant, Earvin Ngapeth se décrit lui-même comme un écorché vif, un homme à fleur de peau que toute forme d’injustice horripile.
Un homme qui détonne dans le milieu car il n'est pas lisse, insaisissable. "Il a fait quelques erreurs dans sa vie, souvent il n’a pas eu de chance, il est tombé au mauvais endroit au mauvais moment", estime Pascal Foussard.
Certaines de ses incartades ont pu lui porter préjudice et parfois même lui coûter très cher, notamment au début de sa carrière, écornant son image, qui en a longtemps souffert, d’autres relèvent davantage de l’anecdote. Ces erreurs de jeunesse que l’intéressé a toujours assumées n’ont cependant jamais fait oublier le formidable joueur de volley qu’il est, surtout qu’humainement, le garçon qu’il était n’a jamais fait défaut à ses partenaires.

"Earvin s’est trouvé aussi dans un bon club, avec de grosses individualités, des caractères assez forts, sûrs d’eux, témoigne Loïc Le Marrec. Je pense à David Konecny, dès qu’il pouvait y avoir un esclandre, de par sa jeunesse, sa fougue, le feu était vite éteint, ça n’a jamais été mal pris ou mal interprété." A aucun moment il n’est arrivé en revendiquant une place au sein de cette effectif tourangeau, jurent les joueurs qui l’ont côtoyé à l’époque et que nous avons interrogés.
"Quand on l’a connu à l’âge de six mois et qu'on a gagné des titres avec lui en jouant ensemble, c’est assez particulier, assez sympa, d’autant plus qu’il était quand même bien à l’écoute, et même en demande", apprécie Loïc De Kergret. Loïc Le Marrec abonde : "Cette place, il a tout donné, tout fait pour l’avoir. C’était un garçon plutôt exubérant, plein de vie, plein d’enthousiasme, qu’il fallait parfois plutôt canaliser, toujours respectueux, de bon ton, un garçon agréable."
Un grand garçon qui est depuis devenu un homme, forgé par ses expériences passées, bonnes ou mauvaises, à Tours comme ailleurs. Et un joueur, parmi les meilleurs du monde, si ce n’est le meilleur, ce qu’il doit aussi au TVB, là où tout a commencé. "Il a toujours été en accord avec lui-même. Les propos qu’il a tenus, il les a assumés, insiste Eric Ngapeth. C’est sa force de caractère qui lui permet toujours de fermer la gueule à tout le monde, de gommer le mal que tous les gens peuvent penser de lui. Il faut voir ce qui a suivi derrière en termes de performance, et c’est là qu’on comprendra qui il est."