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Volley: "Je pensais que ces JO 2024 seraient un formidable tremplin", regrette le sélectionneur des Bleues

Le 25 mai, l’équipe de France féminine de volleyball débute la CEV Golden League qui regroupe 14 équipes européennes. Après son quart de finale à l’Euro 2021, les françaises se retrouvent dans la poule de l’Espagne et de la Bosnie-Herzégovine avec le but de décrocher une place au Final Four les 18 et 19 juin. Cette Golden League est l’occasion de faire le point avec le sélectionneur des Bleues, Emile Rousseaux à 2 ans des JO de Paris 2024. Où il est question de Michael Jordan, Churchill et Edgar Morin …

Après le quart de finale à l’Euro 2021, l’été dernier, est-ce qu’il y a aujourd’hui une obligation de résultats pour l’équipe de France féminine aujourd’hui 12e nation européenne au ranking de la CEV ?

Je dirais non car ce n’est pas dans la logique de notre fonctionnement psychologique. Quand je suis arrivé avant l’Euro Volley 2019 féminin, on s’est trompé. On s’est mis dans ce moule qu’il fallait battre certaines équipes, soit-disant les plus faibles sélections de notre poule, et embêter celles contre lesquelles on ne pouvait pas gagner. Avec cet état d’esprit, on a été tout le temps à côté de la plaque avec une seule victoire en 5 matchs. On a changé d’état d’esprit. Le jeu a tellement de contraintes pour ne pas s’ajouter de la pression et des complications mentales. On rentre sur tous les terrains avec le même état d’esprit : gagner quel que soit l’adversaire et les conditions. Si c’est difficile, on s’adapte mais au lieu de voir la difficulté comme un problème, on la voit comme une opportunité, pour paraphraser Winston Churchill. On doit arrêter avec ça et le fait de se mettre une pression inutile.

Avec 3 victoires contre le Portugal, une défaite et une victoire contre les Pays-Bas, quel bilan dressez-vous de la préparation de la CEV Golden League ?

Ce qui est positif, c'est qu’on a joué avec 3 équipes différentes lors des 3 matchs contre les Lusitaniennes. On récupérait les filles, petit à petit, à la fin de leurs playoffs en club. Par la force des choses, nous avions des compositions changeantes et l’objectif était de permettre à toute l’équipe de jouer, de montrer quelque chose avec le maillot bleu. Quelle que soit l’équipe de France face au Portugal, le succès à été au bout. C’est superbe. On savait qu’il y aurait des manques, des difficultés mais les filles ont surmonté les carences et résolu les problèmes. Aux Pays-Bas (classé 4e au ranking européen), on a montré deux visages avec une équipe française qui mène mais ne conclut pas, lors du premier match, et des Bleues menées mais qui l’emportent lors de la seconde confrontation. Les filles ont été teigneuses, ont résisté et ont su s’extraire des problèmes pour remporter le match dimanche. Et ces deux rencontres ont été dans la continuité de ce que nous avons produit, l’an dernier, lors de l’Euro à Belgrade. C’est intéressant.

Diriez-vous que vous avez plus appris de vos échecs que de vos succès avec ces Bleues ?

Le basketteur Michael Jordan a fait remarquer que, dans sa carrière, il avait manqué plus de 9900 tirs. Certes, il a essayé de répéter son niveau exceptionnel de performance mais il a dit qu’il avait beaucoup appris de ses 9900 tirs ratés. Ces milliers d'échecs lui ont permis de donner du sens à son engagement, tous les matins dans son sport, et dans son envie de gagner. Aujourd’hui, nous avons une relation malsaine à l’erreur qui est considérée comme une tare, qui remet en cause votre valeur, votre travail. Aujourd’hui, on est très dépendant du regard des autres qui vilipendent et se moquent de ces échecs. C’est malsain. On essaie d’éviter les erreurs plutôt que de ses poser des questions sur les vertus de l’échec comme l’apprend le philosophe Charles Pépin. Et elles sont nombreuses, ces vertus. Perdre n’est pas plus important que gagner, mais chaque match perdu doit être l’occasion de se réinventer, de se reconstruire, de se remobiliser et de se redynamiser plutôt que de tomber dans la remise en cause de ses qualités. L’échec est une opportunité.

Les Bleues affronteront l’Espagne (19e sélection européenne) et la Bosnie-Herzégovine (18e au ranking continental) en Golden League. Il faudra finir première ou meilleure deuxième des 3 groupes pour participer au Final Four et, pourquoi pas, gravir un échelon supérieur avec la Challenger Cup. Quelle sera d’abord l’adversité face à ces nations ?
On part dans l’inconnu avec les Espagnoles. Quatre joueuses ont quitté la sélection depuis le dernier Euro. De nouvelles volleyeuses sont apparues. Mais nous évaluons très difficilement leur niveau car elles n’ont jamais participé à des compétitions internationales jusqu’à ce jour. On connaît la passeuse, la pointue et une des centrales mais 4 joueuses sont inconnues avant le premier match, mercredi, contre les Ibères. Pour la Bosnie, la capitaine et joueuse majeure ne jouera pas la Golden League à cause d’une blessure des ligaments croisés antérieurs du genou. Mais quelle que soit l’équipe, il faudra se défoncer pour gagner. C’est difficile d’évaluer le niveau réel de ces formations.

Le Final Four de la Golden League est un objectif réaliste et au-delà la Challenger Cup puis la Ligue des Nations (VNL) ?
Est-ce que je souhaite que les Bleues participnt au Final Four ? Oui. Mais si vous me demandez si je suis dans ce trip-là, la réponse est non. C’est l’esprit que je souhaite communiquer. Ce serait une belle évolution et bénéfique à l’équipe mais nous avons nos incertitudes, aussi, à la passe et en attaque. Je dois jouer avec une passeuse Nina Stojiljkovic qui joue trop peu au Cannet et une réceptionneuse-attaquante, Amélie Rotar, qui évolue au poste de pointue à Aix. Il y a donc trop d’incertitudes. Oui je voudrais que les Bleues évoluent en VNL, ce serait un formidable accélérateur mais il faut être prudent. C’est fou de penser ça quand on a deux joueuses des Bleues qui n’ont pas joué à leur poste une saison durant. L’espoir est là, oui, mais je dois prendre en compte le principe de réalité.

Trois tricolores évoluent à l’étranger. Pour leur progression et celle du groupe France, est-il nécessaire que plus de Françaises évoluent à l’étranger ?
Je mettrai plutôt les choses dans le bon sens. Il est avant tout idéal que les clubs français mettent d’abord en place de bonnes conditions professionnelles (staff, salle, entraînement) et salariales pour que les volleyeuses françaises jouent dans le championnat de France. Dans une Ligue A Féminine (LAF) idéale, ce serait mieux qu’elles jouent en France. Malheureusement ces conditions sont trop peu réunies. Les joueurs majeurs de l’équipe de France de volley, champions olympiques à Tokyo, évoluent dans leur majorité à l’étranger. Mais, déjà, si les clubs pouvaient se structurer en France, ce serait mieux que les Françaises jouent en LAF. Ce n’est pas le cas. Je profite des pensées d’Edgar Morin qui dit que "la choses la plus difficile pour les Hommes est d’apprendre à vivre avec leurs contradictions". Alors je m’adapte.

Une dernière contradiction, Émile Rousseaux. En 2024 se profilent les Jeux olympiques de Paris. Est-ce une difficulté pour vous et les volleyeuses françaises ou bien une opportunité ?

C’est une question importante sur laquelle j’ai évolué. Avant, je pensais que ce projet 2024 allait entraîner les enthousiasmes, pousser chacun à dépasser ses différences et trouver des solutions dans nos relations avec les clubs. Quand je vois l’état des relations entre les clubs et la fédération, pour construire ce groupe de volleyeuses tricolores, pour faire jouer les françaises dans les clubs de LAF, je dois dire que je me suis trompé. Je pensais que ces JO seraient un formidable tremplin pour que les clubs fassent beaucoup plus confiance aux joueuses françaises. J’ai été très naïf. Sans critiquer qui que ce soit, j’en prends acte. Le secteur féminin est peu intéressé pour faire jouer des volleyeuses françaises, en faire profiter l’équipe de France féminine et enclencher un cercle vertueux. Certains clubs essaient et je m’excuse pour ceux qui font tout pour promouvoir le volley féminin mais en haut de la pyramide il y a de trop nombreux obstacles pour se mettre autour de la table. Depuis quatre ans, j’appelle de mes voeux à un plan de développement du volleyball féminin qui inclut les clubs. Comment ne pas sauter sur cette occasion d’organiser les JO à Paris et d’avoir une équipe de France féminine de volley qui y participe. Il y a 2 ans, il y avait 23 volleyeuses françaises dans les 14 équipes de LAF. Aujourd’hui c’est le même problème. Les Jeux sont une incroyable opportunité pour mettre des choses en place. Donc oui pour moi et pour les joueuses ces JO à Paris sont très importants et la fédération met en place de belles conditions de travail.

Morgan Besa