"Inconfortable" ou "mal à l'aise", les Françaises vont passer les tests de féminité pour les Mondiaux d'athlétisme

Les athlètes féminines de l’équipe de France vont passer le test du gêne SRY, un marqueur fiable du sexe biologique masculin. Si une athlète est porteuse de ce gêne, elle sera privée de compétition. Interdit en France, ces tests dits de féminité seront donc pratiqués au Japon par des médecins de World Athletics ce jeudi à 14h, heure de Tokyo. Un calendrier tardif négocié par la FFA avec la Fédération mondiale pour respecter la loi française. "Cela a été très bien géré par la Fédération Française d’Athlétisme", se réjouit Frank Bignet, Directeur Technique National. "On a travaillé main dans la main avec World Athletics depuis plusieurs mois. On a appris définitivement le caractère obligatoire de ces tests fin juillet, la FFA s’est donc mise en ordre de marche à ce moment. On a réussi à tout faire pour que la règle s’applique à toutes mais également pour que la loi française soit respectée".
La Fédération a pris attache rapidement avec le ministère de la Santé et des Sports, qui a confirmé l’interdiction des tests de féminité sur le sol national, en vertu de la loi bioéthique de 2021. "À partir de là, World Athletics a été un facilitateur pour que la deadline du 1er septembre ne soit pas un frein. Les tests ont donc lieu ce jeudi à Tokyo". Une dérogation capitale accordée à la France, pour ne pas revivre la situation des boxeuses tricolores privées de championnats du monde à cause de ce test de féminité.
Être une femme et porteuse du gêne SRY, c’est rare mais pas impossible
"Ça m’a fait un peu peur l’histoire des boxeuses", avoue Marie-Julie Bonnin, championne du monde en salle de la perche. "A Talence lors des championnats de France début août, on a su qu’on devrait les passer. J’ai pensé: imagine, les résultats arrivent trop tard et on est privé des mondiaux… mais la FFA a tout fait pour nous rassurer et a organisé des réunions, pour nous accompagner au maximum".
Les athlètes françaises le savent désormais: un simple test salivaire sera effectué ce jeudi et vaut pour la vie entière. Les résultats resteront confidentiels, et peuvent être demandés en temps voulu par World Athletics. Il existe une petite incertitude malgré tout: le gêne SRY est un marqueur fiable du sexe biologique masculin mais il est possible, dans de rares cas, d’être porteuse et ne développer aucun caractère masculin. "J’espère ne pas en faire partie", stresse Marie-Julie Bonnin. "On en a parlé entre nous au stage, en se disant ‘imagine, tu découvres que t’as un gêne comme ça alors que tu vis tranquillement depuis la naissance’, ça peut chambouler".
"Devoir prouver ma féminité, je ne comprends pas trop"
Au-delà de ce risque et de la crainte du résultat, ce test de féminité n’est pas toujours bien vécu. Rénelle Lamote, finaliste olympique sur 800m, se dit "inconfortable" face à cette situation. "En tant que femme, se faire tester… c’est difficile de trouver la justice dans le sport. Et tout cela provoque en moi une pensée pour les athlètes qui ont traversé ce genre d’épreuves par le passé". Lamote le sait parfaitement puisque sa discipline a été touché par le cas Caster Semenya, cette sudafricaine, ultra dominante sur le double tour de piste dans les années 2010 et privée de compétition car hyperandrogéne (une femme avec un taux de testostérone largement supérieure à la moyenne).
Hilary Kpatcha, espoir de médaille française à la longueur, est aussi "mal à l’aise". "Je ne m’attendais pas à cette situation-là. Devoir prouver ma féminité, je ne comprends pas trop mais j’essaie de rester factuelle et concentrée sur ma compétition". C’est l’unique volonté de la Fédération Française d’Athlétisme et le message est passé comme pour Louise Maraval, engagée sur 400m haies. "Je n’ai pas envie de perdre d’énergie avec tout ça, je me laisse faire et voilà".