
F1: après le crash de Norris, faut-il modifier le piégeux circuit de Spa-Francorchamps?
Trois pilotes à l'hôpital en deux jours. Deux autres au début du mois. Un mort, Anthoine Hubert, il y a presque deux ans jour pour jour. Ce lourd bilan est celui du circuit de Spa-Francorchamps, et plus précisément de cet enchaînement de virages rapides en montée qui le rend si mythique: le Raidillon de l'Eau Rouge. Lors de la séance de qualification du Grand Prix de Belgique de Formule 1 ce samedi, Lando Norris a subi un violent crash à cet endroit où les voitures foncent à plus de 300 km/h, bien souvent sans lever le pied. La veille, six monoplaces du championnat féminin W Series y avaient aussi été détruites.
Vieux de plus de 80 ans, ce monument du sport automobile est très apprécié dans les paddocks. Les déclarations enthousiastes des pilotes et les vidéos en caméra embarquée témoignent bien du caractère extraordinaire de cette portion du tracé: "La sensation du balayage en montée dans les virages est juste impressionnante, à chaque fois", disait le champion du monde britannique Jenson Button. Son compatriote Lewis Hamilton ne dit pas autre chose: "Quand vous l'attaquez à plat et que vous êtes en bas, vos entrailles tombent. Et quand vous arrivez en haut, elles remontent et vous avez l'impression que tout va sortir de votre bouche. Ce qui est assez excitant quand vous allez à 320 km/h."
Mais les énièmes accidents survenus ces derniers jours rappellent que les pilotes risquent littéralement leur vie. Des voix se font d'ailleurs de plus en plus entendre pour que des aménagements soient apportés à la piste.
Le risque qu'une voiture soit coupée en deux
À une telle vitesse, la moindre sortie de piste est d'une dangerosité extrême. Une collision avec les murs de pneus qui encadrent la trajectoire peut être d'une rare violence. Anthoine Hubert, au volant d'une Formule 2, avait subi un choc d'une force de 33 G en percutant la barrière située sur le côté droit (son corps était 33 fois plus lourd au moment de l'impact).
Mais la violence de la décélération dans une collision n'est pas le plus gros danger. Le problème majeur réside dans le risque qu'une voiture accidentée se retrouve en plein milieu de la piste, au sommet après l'enchaînement des virages. Cela peut se produire après un tête à queue simple, mais aussi après un rebond sur les murs de pneus qui sont finalement plutôt proches de la trajectoire.
Or, en bas du Raidillon, ce qu'il y a derrière le sommet n'est pas visible. Les pilotes abordent en effet la sortie de l'enchaînement à l'aveugle. Impossible d'anticiper la présence d'une voiture en travers sur sa route, si les commissaires de course n'ont pas eu le temps d'agiter les drapeaux jaunes pour signaler le danger.
En cas de suraccident, avec donc une collision entre une voiture lancée et une autre arrêtée sur la piste, l'issue peut être fatale. C'est exactement ce qui est arrivé à Anthoine Hubert, fauché par Juan Manuel Correa après avoir tapé sur sa droite. Dans une situation relativement comparable, la Néerlandaise Beitske Visser a échappé au pire le 27 août. Car même si la sécurité des monoplaces s'est grandement améliorée, les cellules de survie en titane et en carbone ne sont plus si efficaces après un premier choc absorbé.
"Il y a un problème fondamental"
En lice début août aux 24 Heures de Spa durant lesquels Jack Aitken et Davide Rigon ont fini à l'hôpital, le jeune pilote britannique Callum Ilott est l'un des porte-voix des acteurs et observateurs qui réclament du changement dans ces virages. "Ça suffit", avait-il d'abord lancé sur les réseaux sociaux. "Il y a plein d'accidents inutiles parce que les voitures rebondissent sur la piste en haut d'un virage aveugle. Il n'y a pas besoin de changer ce virage précieux. Il faut juste changer la position des barrières", avait-il ensuite déclaré, sans pour autant demander, comme certains, qu'une chicane soit introduite pour que la montée soit beaucoup plus lente. Ce qui serait une révolution.
Jack Aitken, qui s'en était sorti avec une fracture de la clavicule et d'une vertèbre, considère aussi que les barrières doivent être modifiées: "On n'a pas le temps de ralentir. Le dégagement n'est pas assez profond. C'est une chose: il faut qu'il soit plus profond. Et parce qu'il n'est pas assez profond, quand on le percute, il absorbe l'énergie et fait rebondir la voiture, qui se retrouve pile sur la trajectoire", a-t-il estimé dans une interview à Motorsport.
Au sein de la F1, les avis sont partagés. "Il est vraiment évident qu'il y a un problème fondamental", a réagi Carlos Sainz (Ferrari) après le crash de Lando Norris. Mais Fernando Alonso s'est montré plus sceptique: "Avec des barrières différentes, on peut probablement éviter certains accidents, mais c'est toujours un virage à grande vitesse. C'est la nature du circuit, et c'est pourquoi il est spécial".
Début août, le directeur de course de la F1, Michael Masi, a en tout cas estimé que le circuit pouvait être considéré comme suffisamment sûr. Des travaux de rénovation sont toutefois prévus en 2022. Ce qui donnera peut-être lieu à de meilleurs aménagements pour la sécurité.