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Retraite spirituelle, préparation mentale, hypnose… comment Marie-Eve Paget, la capitaine de l’équipe de France de basket 3x3, s’est remobilisée après la désillusion des JO 2024 de Paris

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Sept mois après avoir été éliminée dès la phase de poule des Jeux olympiques 2024 de Paris, Marie-Eve Paget, la capitaine de l’équipe de France 3x3, est encore marquée par cet échec. Alors qu’elle vise un sacre en EuroCoupe avec son club de Villeneuve-d’Ascq, en basket 5x5, la joueuse de 30 ans explique à RMC Sport comment elle a relevé la tête après son énorme déception l’été dernier.

Marie-Eve Paget, l’équipe de France de basket 3x3, dont vous étiez la capitaine, a vécu une grosse désillusion en sortant dès la phase de poule aux Jeux olympiques 2024 de Paris. Sept mois plus tard, avez-vous digéré cet échec?

Non, il reste encore quelques traces. J’avance bien mais je ne suis pas encore capable de dire que j’ai totalement tourné la page et que tout est digéré. Dans mon état émotionnel, je ne me sens pas aussi stable qu’avant. Il faut se laisser le temps d’encaisser ce qui a été vécu pour se reconstruire et aller de l’avant. Dans mon basket aussi, je ne me suis pas totalement retrouvée. J’ai toujours un peu cette panne d’adresse, même si ça va beaucoup mieux, je suis toujours loin des standards qui peuvent être les miens. Ce sont des petites choses qui montrent que tout n’est pas totalement réglé. Mais je suis sur la bonne voie.

Comment avez-vous géré les jours qui ont suivi votre élimination?

Moi, j’ai voulu profiter de la deuxième semaine des Jeux olympiques en tant que spectatrice. Je me suis dit que j’aurais le temps de pleurer et d’exprimer ma peine plus tard. Après les JO, j’ai pris un peu de repos en famille et je suis tout de suite repartie disputer la Coupe d’Europe et la World Women’s Series avec l’équipe 3x3 jusqu’à début septembre. Ensuite, comme je n’avais pas encore de contrat en 5x5, j’ai pu prendre un mois de vacances pour me ressourcer et me retrouver. Ça m’a vraiment fait du bien, avant de signer à Villeneuve-d’Ascq mi-octobre. J’ai forcément broyé du noir parce que ce qu’on a vécu, ce n’est pas simple, même si je ne suis pas quelqu’un qui se laisser sombrer. Ça a été une période compliquée. Le fait d’enchaîner et de prendre du temps pour moi, ça m’a vraiment aidée parce qu’à ce moment-là, je n’étais pas capable de repartir dans un collectif avec des objectifs.

Vous avez cherché du réconfort auprès de vos proches pour surmonter la déception…

Oui, c’était important. Malheureusement, ils ne peuvent pas faire grand-chose. Ils ne peuvent pas prendre notre peine. Ce sont des choses qu’on doit traverser seule. Peu de gens peuvent comprendre ce qu’on a vécu. Mais le fait de les avoir près de nous, qu’ils puissent nous épauler quand les émotions sont un peu plus négatives, c’est d’un grand soutien. Leur présence m’a aidée à traverser cette période un peu plus sereinement, même si c’était vraiment compliqué…

Vous avez quand même réussi à suivre la fin des Jeux malgré votre échec personnel…

Ça n’a pas été simple par moments, mais je suis transformée en supportrice de l’équipe de France. J’ai vu beaucoup de basket 5x5. J’ai aussi soutenu les garçons du 3x3, ils ont fait le parcours rêvé (médaille d’argent, NDLR). Ce sont des copains, j’étais tellement heureuse pour eux. Je suis allée aussi encourager au taekwondo. J’ai pu vivre mes Jeux en tant que spectatrice. Je voulais absolument le faire parce que je sais que dans quelques années, quand il y aura moins de peine, je me dirai que c’était incroyable. Je ne voulais pas rentrer chez moi sans avoir pu vivre ça. C’était aussi manière de me reconnecter aux autres. Ça m’a aidé dans l’encaissement et l’acceptation de notre échec.

Comment êtes-vous parvenue à vous remobiliser?

J’ai continué de travailler avec mes deux préparateurs mentaux: un ancien lanceur de poids Valéry Bailleul, qui me suit depuis douze ans, et un basketteur Florian Hessique, qui m’accompagne depuis cinq ans. J’ai aussi fait une retraite spirituelle de cinq jours, en m’isolant un peu pour me retrouver, avec des activités organisées par une thérapeute. Je me suis coupée de mon téléphone. C’était du chamanisme, des choses que je ne connaissais pas. L’idée, c’était de me retrouver, lâcher certaines choses qui m’alourdissaient et repartir avec des axes de progression pour être une meilleure version de moi-même. Je suis arrivée sans énergie et je suis repartie reboostée et prête à me battre à nouveau. J’ai également fait appel à une hypnotiseuse. Je me suis fait accompagnée par des professionnels, ça a été primordial pour moi.

Au-delà de vos proches, avez-vous reçu d’autres marques de soutien?

Oui, j’ai reçu beaucoup de messages. Je voyais dans le regard des personnes que je croisais qu’elles étaient désolées pour moi. Avec Laëtitia Guapo (une autre joueuse de l’équipe de France de basket 3x3, NDLR), on est allées au Club France et on est montées sur l’estrade. Moi, je n’avais pas du tout envie parce que je considérais que ce n’était pas notre place, vu qu’on n’était pas médaillées. Mais on a reçu tellement d’amour… Ça m’a fait chaud au cœur. Ça a aide à prendre du recul et à se rendre compte que malgré notre contre-performance, on a quand même réussi à faire vibrer les Français. Ça fait du bien.

Avez-vous pu partager votre expérience avec d’autres athlètes?

On s’envoie du soutien avec certains, même si je n’ai pas débriefé avec beaucoup de monde parce que c’est douloureux. J’ai quand même beaucoup discuté avec Julien Sastre, le coach du BMX, qui a vécu ce fameux triplé. Ça a été important d’échanger avec cet entraîneur-là. Il comprend ce que je vis parce qu’à Tokyo, il n’avait récupéré aucune médaille. Il a connu d’autres déceptions aussi dans le passé. Ça m’a vraiment fait du bien de parler à quelqu’un qui comprend ce que je vis. Il m’a donné de l’espoir en me disant qu’avec du temps, ça pouvait déboucher sur de belles performances.

La Fédération française de basket ou le staff de l’équipe de France vous ont-ils accompagnée dans cette épreuve?

Si on en avait besoin, on pouvait demander de l’aide et se faire accompagner. Des gens de la fédération ou de la ligue nous l’ont proposé. Avec l’équipe de France 3x3, on est d’ailleurs toujours dans un travail de bilan pour clore cette olympiade et commencer la nouvelle. Après les JO, on n’a pas été lâchées dans la nature.

Avec du recul, comment analysez-vous cette contre-performance de Paris 2024?

Le fait d’être dans un cocon et une zone de confort durant la préparation, sans la pression qu’on peut connaître en compétition, je pense que ça nous a un peu desservies. La pression a pu aussi dépasser l’enjeu à certains moments et on n’a pas su le gérer. On a sans doute manqué d’expérience, avec seulement deux membres du groupe à avoir connu les Jeux olympiques (à Tokyo en 2020). Ça s’est joué à des détails et malheureusement, ils n’étaient pas dans notre camp. Par rapport à notre étiquette de favorites, moi j’étais prête. Je pense que c’est mieux de se dire ce que c’est possible quand on veut aller chercher un objectif et de se mettre dans la peau d’un potentiel vainqueur.

Allez-vous poursuivre avec l’équipe de France 3x3?

Après les Jeux de Paris, je savais que je voulais continuer au moins jusqu’à L.A. 2028. J’ai réussi très vite à me mettre cet objectif-là. Maintenant, quatre ans, c’est long. Il y a de nouvelles joueuses, il faut réussi à rester au top. Il y a un nouvel entraîneur (François Brisson). On repart sur un cycle, donc on va devoir prouver à nouveau. Je me sens prête. On va se servir de nos deux dernières olympiades pour faire mieux à Los Angeles. L’équipe de France voudra performer, même s’il faudra déjà se qualifier avant d’y penser.

Eve Wembanyama (23 ans), la grande sœur de Victor Wembanyama, a participé à la préparation des JO 2024 de Paris, sans être retenue pour disputer la compétition. Fait-elle encore partie de votre groupe?

Oui, elle est toujours dans le projet de 3x3. Elle fait partie de notre groupe élargi. Elle vient d’ailleurs de disputer la première édition de la Champions Cup avec l’équipe de France en mars en Thaïlande (élimination en poules, NDLR). Eve, c’est une joueuse polyvalente, capable d’aller finir proche du cercle, parfois dans des positions assez incroyables. Elle peut tirer longue distance. Elle a un super état d’esprit, dans le partage et l’écoute. Elle va toujours se battre et faire l’effort pour ses coéquipières. Lors de l’année écoulée, elle a vraiment progressé. Il faut qu’elle continue comme ça. Ils sont très soudés dans la famille Wembanyama, avec ses deux frères Victor et Oscar (18 ans, sous contrat avec l’Asvel) et ses parents. Elle le prend comme une fierté, elle est très contente de ce que Victor accomplit. Elle est à l’aise d’en parler. On ne le fait pas tous les jours, mais on sent que c’est une grande sœur très fière de son petit frère. Elle a une personnalité plutôt calme, elle adore les jeux de société, on a souvent joué ensemble au Saboteur ou à Skyjo. J’ai l’impression qu’elle avait un nouveau jeu chaque semaine (sourire). On jouait aussi à la Switch, à Mario Kart. C’est top de passer du temps avec elle.

Pourquoi avoir choisi de rejoindre l’équipe de 5x5 de Villeneuve-d’Ascq en octobre dernier?

Ce qui était important pour moi, c’était de trouver un peu de stabilité. Pour me poser dans un endroit et ne pas avoir le nez dans les valises. J’en avais besoin après cette année riche en émotions. A Villeneuve-d’Ascq, je connaissais le coach (Maxime Bézin) et certaines joueuses. J’avais une autre opportunité en Turquie, mais c’était une prise de risque et j’ai bien fait de ne pas y aller puisque le club n’a jamais payé les joueuses après avoir débuté la saison. Pour l’instant, je suis loin de ce que je peux faire offensivement, en termes de scoring. Mais au niveau de ma défense et de mon rôle dans l’équipe, j’ai vite retrouvé des sensations.

Malgré une saison difficile en championnat (9e sur 12), vous avez l’occasion de remporter l’EuroCoupe avec Villeneuve-d’Ascq. Après avoir gagné chez les Espagnoles de Ferrol la semaine passée en finale aller (75-78), vous pouvez être sacrées ce mercredi dans votre salle du Palacium…

Ce titre en EuroCoupe viendrait contraster un peu notre saison. Alors qu’on peine à se qualifier pour les playoffs en championnat, je trouve ça assez remarquable d’avoir cette opportunité. Un titre reste un titre, ça n’arrive pas tous les jours dans une carrière. C’est assez exceptionnel. On veut toutes aller au bout. J’espère qu’on pourra offrir ça à notre public.

https://twitter.com/AlexJaquin Alexandre Jaquin Journaliste RMC Sport