TOUT COMPRENDRE. Comment la NBA veut s'attaquer à l'Europe pour y faire sa révolution

Le fantasme est sur le point de devenir réalité. Véritable serpent de mer, la création d’un championnat européen affilié à la NBA a connu un coup d’accélérateur ce jeudi avec l’officialisation par Adam Silver, le patron de la ligue nord-américaine, d’un projet de nouvelle compétition en partenariat avec la Fédération internationale de basket (Fiba).
• À quand remonte le projet?
Cette idée revient sur la table depuis de nombreuses années. Et le sujet avait une nouvelle fois été abordé à l’occasion des derniers NBA Paris Games, en janvier. Il y a un peu plus de deux mois, lors de sa venue dans la capitale française, Adam Silver s’était montré très transparent sur les ambitions de la NBA sur le Vieux-Continent. "Nos discussions portent sur la création d'une compétition, une ligue, qui serait indépendante de la NBA. Sous quel format, cela reste à déterminer. On veut écouter toutes les parties concernées, pour mieux comprendre à quoi cela pourrait ressembler", avait tranché Adam Silver lors des NBA Paris Games.
La NBA cherche depuis longtemps à étendre son influence à l'international, avec l'Europe parmi les cibles principales. Ce projet s'inscrit donc dans une stratégie ambitieuse de globalisation de la NBA, qui souhaite séduire de nouveaux fans européens et développer une économie locale autour de sa marque. Si les atermoiements du patron de la NBA ont eu tendance à lasser les fans, le voile sur cette nouvelle compétition européenne commence donc à être levé.
• Quel serait le format?
Si la volonté de créer une ligue européenne n’est pas nouvelle, le format que pourrait prendre cette NBA Europe est longtemps resté une grosse interrogation. Mais depuis jeudi, les contours de ce championnat sont un peu plus concrets. À ce stade des réflexions, la NBA envisage une ligue "semi-fermée" avec douze franchises permanentes et quatre membres susceptibles de changer chaque année. "L'avantage en créant une ligue de toutes pièces, c'est qu'on peut prendre le meilleur des deux mondes", a détaillé Adam Silver lors de sa conférence de presse, prenant l’exemple des championnats de football européen et leur système de relégation.
Chaque saison, de nouveaux clubs pourraient donc intégrer cette NBA Europe grâce à leur mérite sportif. L’invitation d'équipes qui ont bien figuré en Basketball Champions League - la plus prestigieuse de compétitions de clubs de la Fiba - est une piste qui pourrait être explorée. Les résultats dans les championnats domestiques pourraient également être pris en compte pour recevoir cette wild card. "Tous les détails n'ont pas encore été décidés à cette étape. Mais on respectera la tradition du basket européen", a résumé Adam Silver lors de sa prise de parole face aux médias.
Autre certitude, il s'agira bien d'un championnat distinct de la NBA. Seuls des affrontements ponctuels entre les équipes européennes et nord-américaines pourraient avoir lieu. L'instauration d'une sorte de "Super Coupe", dans laquelle s'affronteraient les meilleures équipes de chaque continent, est une piste envisagée par plusieurs médias. L'idée de faire participer des équipes européennes au in-season tournament de la NBA a également émergé.
• Avec quels participants?
Reste désormais à savoir quelles équipes prendront part à ce tout nouveau championnat. Lors de sa conférence de presse, le patron de la NBA n’a donné aucune indication sur l’identité des futurs participants. Mais selon le média américain The Athletic, quatre pensionnaires de l’Euroligue seraient déjà décidés à prendre part à l’aventure: le Real Madrid, le FC Barcelone, Fenerbahçe et… l’Asvel. Voir le club français se lancer dans le projet n’aurait rien d’étonnant au regard des récentes prises de parole de son président, Tony Parker. "Quand tu vois ce que fait la NBA… Ils sont très, très forts. Quand tu vois le marketing, le nouveau contrat TV qui va commencer l’année prochaine…", a clamé l’ancien meneur des Spurs dans l’émission Stephen Brunch, en janvier sur RMC. "Je pense que c’est important pour nous de s’associer à ça. Je ne peux pas dire grand-chose (sur les discussions, NDLR) mais le seul truc que je peux dire, c’est que je veux qu’il y ait la NBA Europe et qu’on a envie de faire partie de la NBA Europe."
Précision qui a son importance, les 13 clubs actionnaires de l’Euroligue (dont l’Asvel, le Real Madrid, le FC Barcelone et Fenerbahçe) sont engagés jusqu’en 2040. Pour casser leur contrat, ils seront vraisemblablement contraints de verser une importante somme d’argent.
Enfin, le projet d’installer une franchise à Manchester, où pourrait être délocalisé un match de saison régulière NBA la saison prochaine après plusieurs éditions à Paris, revient également avec insistance. En ciblant la ville anglaise, la NBA entend s’appuyer sur des marques sportives déjà très fortes, notamment dans le football. Et ce même procédé pourrait s’appliquer avec Paris.
• QSI et le PSG peuvent-ils se lancer dans l’aventure?
Pour son rayonnement et son développement, impossible d’imaginer la NBA s’implanter en Europe sans installer une franchise à Paris. Dans cette optique, les dirigeants de la Grande Ligue ont contacté leurs homologues de Qatar Sports Investments (QSI), propriétaires du PSG. Deux options ont été mises sur la table: soit le rachat d’un club parisien ou francilien déjà existant (comme le Paris Basketball, actuellement en Euroligue), soit la création d’une nouvelle équipe. Une idée qui séduit les dirigeants qataris du PSG. "QSI a été approché concernant une franchise de basketball à Paris, pour laquelle nous avons exprimé un intérêt", a déclaré un porte-parole à RMC Sport.
Adam Silver a déjà assisté au match PSG-Manchester City (7e journée de Ligue des champions) en janvier et a échangé avec Nasser Al-Khelaïfi au sujet d'une franchise à Paris. Superstar des Phoenix Suns, Kevin Durant est un investisseur indirect du PSG via le fonds Artcos Partners. Si ce projet de la NBA venait à se concrétiser, le club de la capitale envisage la construction d'un nouveau stade majeur, multifonctionnel et multisport.
• Quels seraient les perdants et les gagnants?
Si le projet se concrétise, l’Euroligue perdrait très gros. Après un règne sans partage sur les compétitions européennes de clubs, avec deux championnats (Euroligue et Eurocoupe) qui regroupent les meilleures équipes du Vieux-Continent, elle perdrait considérablement de son influence avec l’arrivée d’une ligue européenne affiliée à la puissante NBA. Le départ de quatre clubs actionnaires (Asvel, Real Madrid, FC Barcelone, Fenerbahçe) pourrait enchaîner une série de défections.
À l’inverse, en s'associant avec la NBA, la Fiba, prendrait une sacrée revanche sur l’Euroligue. Les deux instances ont longtemps été en conflit. En 2016, vexée par la décision de l’Euroligue de programmer des matchs pendant les fenêtres internationales, la Fiba a décidé de créer la Basketball Champions League pour concurrencer sa rivale. La BCL n’a finalement jamais réussi à sortir de l’ombre de la puissante Euroligue et les grands perdants de ce conflit ont été les sélections nationales, longtemps dans l'incapacité d’aligner leurs meilleurs joueurs lors des qualifications au Mondial ou à l’Eurobasket. La donne a évolué lors de la saison 2023-2024, avec un accord pour éviter tout chevauchement de calendrier.
Et le championnat de France, dans tout ça? Concrètement, le projet de NBA Europe ne devrait pas bousculer le quotidien des clubs de Betclic Elite. L’Euroligue est devenue une ligue semi-fermée en 2016-2017 et les pensionnaires de l’élite française, à l’exception de l’Asvel (depuis 2019), Monaco (depuis 2021) et Paris (depuis 2024), ont pris l’habitude de vivre leur vie sans se soucier de ce qu’il se passait en C1. Un fossé considérable s’est déjà créé entre les équipes "normales" de Betclic Elite et celles engagées en Euroligue, dotées d’effectifs XXL pour engloutir les 34 matchs de saison régulière en parallèle du championnat de France. Le projet de NBA Europe ne ferait que poursuivre cette tendance.
• Quelle date pour le lancement?
Pour les grands débuts de ce championnat européen affilié à la NBA, l’automne 2026 a un temps été évoqué par certains médias étrangers. Mais Adam Silver a calmé les ardeurs des plus impatients. "L'idée de la tenue de cette conférence de presse était surtout d'annoncer notre intention pour le marché européen. Il est encore tôt pour évoquer une date. Ce ne sera pas en 2026", a tranché le patron de la NBA auprès de L'Équipe.
Adam Silver a bien insisté sur le fait que le projet était encore dans une phase "d’exploration", avec la volonté de "lancer des discussions ouvertes avec les parties prenantes". Pour être définitivement mis sur les rails, ce tout nouveau championnat européen devra être présenté et validé par la majorité (16 sur 30) des patrons de franchises NBA.