Cyclisme: "J'assume ma responsabilité", Jérôme Pineau sort de son silence après le fiasco de son équipe B&B Hôtels

Ses explications étaient attendues. Alors que la saison de cyclisme commence à battre son plein en cette fin février, à une semaine des premiers grands rendez-vous comme les Strade Bianche et Paris-Nice, Jérôme Pineau est sorti de son silence ce dimanche sur RMC pour revenir sur la disparition de son équipe B&B Hôtels - KTM, présente dans les pelotons entre 2018 et 2022.
Pourtant, en juillet dernier, plus de quatre mois après de premières réunions, la ville de Paris confirmait un partenariat pour la saison 2023 avec la structure de Jérôme Pineau. Une équipe féminine devait aussi voir le jour en parallèle. Du côté de la formation masculine, Mark Cavendish avait donné son accord pour s'engager avec les Glaz afin d'en être le leader.
"J'assume complètement ma part de responsabilité dans l'échec"
Mais faute d'avoir trouvé un sponsor titre, alors que les plans prévoyaient un financement de 14 millions d'euros, le projet n'a pas vu le jour. Pire, l'équipe B&B Hôtels s'est arrêtée en décembre, laissant les coureurs et membres du staff sur le carreau à une période où pratiquement tous les effectifs étaient déjà au complet.
Invité de Bartoli Time sur RMC, Jérôme Pineau a justifié pourquoi il ne s'était pas encore expliqué depuis cet arrêt: "C'est assez simple: je n'ai pas réagi jusqu'à aujourd'hui puisqu'il y a une procédure en cours. J'ai laissé les gens parler d'abord puisque je savais qu'après cet événement là, certains et beaucoup allaient se délecter de cet échec, a répondu l'ancien cycliste professionnel. Je ne voulais pas parler parce que j'étais la personne la plus mise en avant. J'assume complètement ma part de responsabilité dans l'échec. Je ne voulais pas répondre à chaud. Je suis un ancien athlète de haut niveau, on a du mal à digérer l'échec. Je ne l'ai toujours pas fait et ça sera long à digérer."
"Mon nom a été sali, ça suffit", a poursuivi Jérôme Pineau, qui se dit "meurtri" d'être éloigné du monde du cyclisme. "Il est temps de prendre la parole, j'ai toujours assumé mes erreurs. De se faire attaquer personnellement, ça a été trop loin. Je ne veux pas fuir mes responsabilités."
"Depuis trois ans, j'étais en recherche d'un partenaire pour accompagner B&B Hôtels"
Dans la deuxième division du cyclisme mondial en 2022 avec son équipe, Jérôme Pineau cherchait de nouveaux financements pour la saison suivante afin de faire perdurer sa structure. Le 3 janvier 2022, en marge d'une rencontre de Coupe de France entre Vannes et le PSG, le patron d'équipe rencontrait Didier Quillot, l'ancien directeur général de la Ligue de football professionnel.
"Didier arrive avec une idée pleine d'espoirs: celle de me présenter à la mairie de Paris et de faire une grande équipe cycliste parisienne en mettant en avant la mobilité douce, le vélo. Depuis trois ans, j'étais en recherche d'un partenaire pour accompagner B&B Hôtels afin d'être dans le bas du tableau du haut niveau mondial. Je ne cherchais pas plus que ça, a rappelé Pineau. L'idée me séduisait pour une simple et bonne raison: j'avais 52 employés. Sans ça, je savais que ça allait s'arrêter comme ça s'est passé."
"On s'est vite aperçus qu'il n'y avait pas un investissement incroyable de la ville de Paris"
Pour Jérôme Pineau, la répartition des tâches semblait claire: à lui la gestion du sportif et à la mairie de Paris la recherche des partenaires. "Le sponsor, on nous dit dans un premier temps que ce n'est pas compliqué de trouver 14 millions d'euros. Moi à l'époque, tout petit manager d'une équipe que je suis, il me semble plus facile de comprendre que ça sera plus facile pour des élus et mes associés que pour moi de trouver 14 millions d'euros et d'ouvrir les portes, a confié celui qui s'était d'abord reconverti comme consultant après sa carrière. Je sors de cet entretien avec la conviction que nous allons créer cette grande équipe, ou continuer à la créer, celle qui est présente depuis 2018, en accompagnant B&B Hôtels qui est un partenaire fidèle."
Toutefois, au moment où Anne Hidalgo annonce le partenariat fin juillet en marge de l'arrivée du Tour de France, aucun sponsor d'envergure n'a encore signé. Par ailleurs, la maire indique aussi qu'il n'y aura pas d'argent public donné par la ville. "Cela ne m'inquiète pas car elle l'affirme depuis le début. Ceci dit, on s'est vite aperçus qu'il n'y avait pas un investissement incroyable, a regretté Pineau. Une grande société française s'est montrée volontaire pour nous accompagner, je suis allé le proposer à la ville mais ça ne s'est pas fait pour des raisons obscures. C'était Amazon. Les dirigeants de Norauto voulaient aller plus loin mais ne souhaitaient pas s'engager en raison de Paris."
"J'ai été trop vite, c'est une erreur mais j'ai dû m'adapter à la vitesse de croisière voulue par les partenaires"
Depuis la création de l'équipe, lancée initialement avec Bryan Coquard comme tête d'affiche, la région Bretagne a accompagné Jérôme Pineau. Alors, quand la ville de Paris est annoncée comme nouveau partenaire, les critiques fusent et une certaine incompréhension règne.
"Je ne suis pas parti à Paris, j'ai trouvé un potentiel sponsor avec la ville de Paris. J'ai écumé 80 à 100 entreprises bretonnes. Simplement, en Bretagne, il y a une grande banque qui s'appelle Arkéa qui finance un certain nombre d'entreprises puissantes et qui est partenaire d'une autre équipe, a expliqué Pineau. Quand on arrive dans les derniers rendez-vous et qu'on pose une question au conseil d'administration, il y a parmi toutes ces personnes un membre de la banque Arkéa. Évidemment , on ne va pas associer sa banque pour financer un projet quand en face, il y a une autre équipe."
Jérôme Pineau a-t-il voulu faire grandir son projet trop vite, au risque de brûler les étapes et de tourner le dos à un partenaire historique comme la région bretonne? "C'est une erreur de ma part d'avoir été trop vite, peut-être même dès 2018. Mea culpa, je le reconnais, a assumé l'intéressé. Quand un mec met des millions d'euros sur un projet, il veut que ça aille vite. Toi, tu es le pilote mais ce n'est pas toi qui accélère. Le problème, c'est que j'ai dû m'adapter à la vitesse de croisière voulue par les partenaires."
"Avec Quillot, ona perdu de l'argent, de la fierté et de la reconnaissance"
Lié au fiasco Mediapro dans le football, Didier Quillot se retrouve lui encore associé à un nouvel échec dans le monde du sport. Amateur de football, supporter du FC Nantes, Jérôme Pineau connaissait forcément l'ancien directeur général de la LFP avant de le rencontrer. "Toute personne qui était à mes côtés à l'époque pour m'aider à financer le projet, je la suivais jusqu'à la connaître. Je ne me suis pas lancé dans ce bateau sans connaître Didier, a lâché Pineau. Il a énormément travaillé pour sauver ce projet, ce que n'ont pas fait les autres. Il a été à mes côtés jusqu'au bout et il l'est toujours. Il a toujours assumé. On a voulu nous faire passer tous les deux pour des voyous mais sachez que dans cette histoire, si on est des voyous et des brigands, on part avec le magot a minima. Nous on a perdu de l'argent, de la fierté et de la reconnaissance. S'il voulait faire de l'argent, il ne serait pas venu dans le vélo."
Pour le reste, l'arrêt de l'équipe B&B Hôtels - KTM a provoqué beaucoup de casse. Peu de coureurs ont pu retrouver place dans le peloton professionnel, obligeant plusieurs d'entre eux à repasser par l'échelon amateur. Ce fiasco a été synonyme d'un chômage massif dans le peloton français. "C'est la partie la plus douloureuse. Moi-même, si j'avais su dès le mois de septembre que tout était faux, j'aurais annoncé la fin de l'équipe bien plus tôt, a regretté Pineau. Je me suis battu jusqu'à très tard la veille de la fin officielle de l'équipe. On aurait pu faire cette équipe avec moins d'ambitions sauf que la société KTM voulait continuer avec nous à condition que Mark Cavendish nous suive. Mais sachant tout cela, avec une diminution de budget et un matériel qui ne correspondait pas à ses ambitions, Cavendish a dit non et KTM est parti."
Deux mois avant la disparition actée de l'équipe, Mark Cavendish rencontrait pourtant ses futurs coéquipiers à Paris. "On avait un sponsor qui voulait nous suivre mais qui attendait la fin de la Coupe du monde parce que le partenariat avec la FFF s'arrêtait, ajoute Pineau. Si on n'avance pas, on ne peut pas construire cette équipe. C'est tout l'un ou tout l'autre. Si on n'a pas la conviction d'avoir ce sponsor à la fin, tout s'arrête avant. C'est un jeu de poker menteur mais c'est la problématique principale de notre sport."