
Cyclisme: "La route de Thibaut Pinot n'était pas de gagner le Tour", la réaction de Madiot à la retraite de son coureur en fin de saison
Marc Madiot, que vous inspire cette annonce ?
Que le temps passe, le temps passe vite, très vite.
>> Thibaut Pinot annonce la fin de sa carrière à la fin de la saison
On sent un peu de tristesse dans cette phrase ?
Tristesse ce n’est pas le mot car c’est lui qui a choisi son moment pour partir donc on n'a pas à être triste de ça, c’est lui qui a senti que c’était l’heure, et il faut l’accompagner dans ce moment, c’est tout. J'aurai la larme à l’œil sans doute au mois d’octobre mais pour l’heure non je suis plus tourné sur l’année qui arrive. J'espère qu'il va finir sur un feu d’artifice
Ça veut dire que vous comptez encore fort sur lui cette année ...
Oui bien sûr, dès les premières courses. Et puis il ne va pas vouloir sortir en traînant la patte en queue de peloton ou dans le grupetto ça c’est clair.
Cette retraite vous l'aviez vu venir, malgré son âge encore assez jeune ?
Oui… (long silence) oui oui oui oui oui. On savait qu’on était plus proche de la fin que sur le début depuis un certain temps. Donc je ne suis pas surpris.
Mais à 32 ans, 33 en fin de saison, c’est jeune non ?
Non c’est lui qui a décidé, donc c’est le bon moment.
Il était usé ?
Non mais il a décidé de le faire. Dans le sport de haut niveau quand tu décides d’arrêter, c’est que c’est l’heure. Y’a pas d’histoire de point d’usure. C’est quelque chose que tu as en toi. J’ai été cycliste, et un jour je savais que le mot fin était là. Ce n'est pas une histoire d’âge, de palmarès ou d’environnement, c’est ton horloge interne qui te dit c’est l’heure.
C'est quoi le point de rupture à votre avis ? 2019, lorsqu'il abandonne à deux jours de l'arrivée d'un Tour de France qui lui semblait promis ?
Non, à mon avis ce n’est pas à ce moment-là. C’est plus la chute sur le Tour 2020 à Nice. A ce moment-là on ne s’en rend pas compte mais je pense qu'il y'a une bascule dans sa tête. Ce jour-là, il s’est fait mal, la guérison a été longue, et il y a quelque chose qui s’est cassé.
Ce Tour 2019, ça restera malgré tout un immense regret pour lui, pour vous ?
Non. Sur le moment on a fait ce qu’on devait ou pouvait faire. A partir de là chacun a sa route, et la route de Thibaut n’était pas de gagner le Tour. Un jour je lui ai posé la question, est ce que le matin en te rasant tu penses à gagner le Tour ? Il m’a dit non. Moi j’y pensais peut-être pour lui mais lui n’y pensait pas, donc voilà ça résume tout.
On a beaucoup dit que Thibaut Pinot suscitait des émotions, sans doute plus que les autres, vous êtes d'accord ?
Oui, Pinot c’est les frissons, c’est des trucs qui impriment dans les esprits, quand il gagne tout gamin à Porrentruy ça imprime. A l’Alpe d’Huez ça imprime aussi. Au Tourmalet ça imprime, au Giro pareil, le Tour de Lombardie aussi. Quand il gagne ce n’est jamais anodin. Pour ça il restera dans l’histoire de l’équipe, il est forcément un pion qui aura compté.
Pourquoi ça n'est jamais anodin ?
Parce qu’il est expressif. Expressif dans la douleur, il montre qu’il se fait mal, il montre parfois aussi ses faiblesses donc forcément ça imprime dans le public.
Parmi toutes les grandes victoires que vous avez citées, laquelle vous a le plus marqué ?
L’Alpe d’Huez sur le Tour en 2015. Parce qu’il était dans un Tour difficile, et il va gagner à l’Alpe qui est un mythe. Gagner à l'Alpe, c'est un truc particulier sur la carte de visite d'un coureur.
Vous lui voyez un potentiel avenir au sein de Groupama FDJ ?
Je ne pense pas (rires). On n'en a pas parlé, mais Thibaut c’est un garçon casanier, qui a besoin de retrouver ses chèvres et sa nature du côté de Melisey et je le vois mal reprendre une bagnole pour aller d’une course à l’autre ou au contact du public. Je ne suis pas sûr qu’il reste dans le vélo.