"Je ne m’entraîne plus, je roule": Romain Bardet se livre sur sa liberté retrouvée avant les championnats du monde de Gravel

On l’avait quitté le 15 juin, au soir de la dernière étape du Critérium du Dauphiné, libéré, presque soulagé de mettre fin à une carrière marquée par l’exigence et la passion. Aujourd’hui, Romain Bardet respire. À 34 ans, le natif de Brioude a troqué le dossard du coureur World Tour contre celui d’un cycliste libre, adepte du gravel, cette discipline à mi-chemin entre route et cyclo-cross, sur les chemins de gravier qui prend de plus en plus d'ampleur.
"J’aime faire du vélo. Mais je ne m’entraîne plus, je roule", confie-t-il à l’AFP. "J’y vais aux sensations, pour me faire plaisir. Quand je fais 15 heures par semaine, c’est déjà pas mal, alors qu’avant c’était au moins 25."
Entre voyages, moments en famille et sorties entre amis, Romain Bardet a redécouvert une forme de plaisir simple : pédaler sans contrainte. "Sur le bitume, j’ai sillonné tous les coins, alors que là j’adore me perdre. Je ne fais même pas de parcours, je vais à un point, je regarde la carte sur mon GPS, et quand je vois qu’il y a une trace de chemin, je la prends. Ce sont vraiment des moments d’évasion."
Le gravel comme passerelle
Lorsqu’il a annoncé sa retraite, Bardet avait promis une transition en douceur, le temps de "couper progressivement le cordon" avec la haute compétition. Le gravel s’est imposé comme la parfaite passerelle.
"La genèse du projet était d’avoir une transition un peu souple, explique-t-il. Et puis dans un coin de ma tête, j’avais l’idée des Championnats du monde à Nice", initialement prévus sur la Côte d’Azur avant d’être déplacés aux Pays-Bas.
Pas question, cependant, de parler d’objectifs ou de performances. "Je ne chasse plus les championnats. C’est plus une quête personnelle. J’aime dans le gravel ce côté encore un peu authentique, dans le sens où je pars sur les épreuves avec mes amis de longue date. Ce sont autant des périples gastro-oenologiques que des courses de vélo. On reste raisonnable hein, mais voilà, c’est l’aventure."
Le plaisir du vélo retrouvé
Libéré des obligations d’entraînement millimétré, Bardet s’autorise désormais des expériences inédites. "Avant, on n’avait jamais vraiment le temps de faire du sport en famille, parce que pour moi le sport était un métier", raconte-t-il.
"Là, on a fait cinq jours de bikepacking avec ma femme en Italie où j’avais 15/20 kilos de bagages, des sacoches partout sur le vélo. C’était super."
Une aventure simple, loin des cols mythiques et des bus d’équipe, mais riche d’un bonheur retrouvé, celui de pédaler pour soi, sans chronomètre ni directeur sportif à l’oreillette.
L’esprit de compétition ne s’efface pas
Si Romain Bardet se défend de toute ambition sportive, l’instinct du compétiteur n’est jamais bien loin. "On a toujours un peu d’adrénaline supplémentaire quand on met un dossard. Je me mets dans des états sur les courses que je serais incapable d’avoir à l’entraînement", sourit-il.
Et les résultats parlent pour lui. Vice-champion de France fin septembre, deux victoires d’étape sur les UCI Gravel World Series… L’Auvergnat n’a rien perdu de son talent. "J’avoue que j’ai un peu élevé mon niveau d’exigence. Car au début j’ai été très étonné par le niveau. Ça roule très vite. La densité est moindre forcément, mais les 15-20 meilleurs sont largement au niveau du World Tour."
Un nouveau chapitre encore en écriture
Cette "parenthèse gravel", comme il la nomme, devrait se refermer en fin d’année. Bardet prendra alors le temps de tracer les contours d’une nouvelle vie qu’il n’a pas encore totalement dessinée.
"Je suis encore en réflexion. Cet interstice du gravel me permet aussi d’avoir le temps de faire les bons choix", confie-t-il.
Car l’après-carrière, il le sait, n’a rien d’un long fleuve tranquille : "Je n’ai jamais pensé que ça allait être facile. Il y a toute une énergie à recanaliser. Je sens que j’ai besoin de mettre mon focus sur un domaine dans lequel je peux être bon et avoir un projet à moyen et long terme pour retrouver la même quête que j’avais dans le cyclisme."