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"Pourquoi pas revenir aux freins traditionnels et oublier les freins à disque?" Contre les vélos toujours plus rapides et dangereux, la remise en question du monde du cyclisme

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Comme les bateaux du Vendée Globe, les vélos sont devenus des Formule 1 grâce à des innovations toujours plus poussées. Derrière, des chutes, parfois fatales. Dans le peloton, on commence à se remettre en question. Et à demander des solutions.

Jusqu’où ira le cyclisme, lancé comme Pidcock dans une descente dans une guerre technologique et de vitesse? La Groupama-FDJ a présenté mercredi, le vélo qui accompagnera ses coureurs pour la saison 2025. Un Wilier toujours plus aérodynamique pour tenter de concurrencer le Colnago Y1RS de Tadej Pogacar présenté début décembre et son fameux "guidon de mouette". Une machine qui ferait gagner près de 20 watts au Slovène par rapport au modèle précédent. Une course technologique au watt qui n'est pas sans conséquence. Wout Van Aert, Remco Evenepoel ou encore Jonas Vingegaard en ont fait les frais en chutant, parfois lourdement, la saison passée. Les chutes ont parfois des conséquences tragiques comme le décès de Muriel Furrer lors des championnats du monde junior l’année dernière. La faute notamment à des vélos toujours plus rapides, mais parfois plus durs à diriger et, vitesse oblige, avec un temps de réaction beaucoup plus faible pour les coureurs. Dans le peloton, on commence à s'interroger. "Ce n’est pas à nous de décider, mais on doit être entendus", assure Guillaume Martin, fraîchement arrivé à la Groupama-FDJ. "On veut toujours faire plus rapide mais c’est à l’UCI (l’union cycliste internationale), de trancher. Il faut continuer à explorer les solutions. Limiter la vitesse du vélo ferait qu’on tomberait un peu moins vite", ajoute le nouveau coéquipier de David Gaudu. Car, parmi les nombreuses pistes explorées (safety car, allonger la durée de la zone neutralisée de 3 à 5 km à l'arrivée...) c'est celle du bridage technologique des vélos qui commencent à prendre dans le peloton. 

Prendre exemple sur la Formule 1

Des cadres et des roues en carbone toujours plus rigides, des cintres toujours plus étroits, un nombre de dents de plus en plus important, les vélos ne cessent d’être optimisés, à l’image de celui du dernier vainqueur du Tour de France. Des innovations qui se sont accélérées à vitesse grand V ces dernières années que les fabricants de cycle peuvent ensuite utiliser pour vendre toujours plus de vélos aux pratiquants. "On ne peut pas dire qu’on va trop loin avec le vélo de Tadej parce que le règlement le permet", déclare le manager de la Groupama-FDJ Marc Madiot. "Il faut réglementer les choses. Garder un cadre qui permet d’être en sécurité, là on n’est plus en sécurité!" Parmi les solutions proposées, imposer une marque unique pour les pneus (et les boyaux, quand les coureurs ne sont pas tubeless). Car les pneus sont le composant dont l'amélioration permet de gagner le plus de vitesse. "Si on accepte que la même marque équipe toutes les formations, on pourrait avoir des pneus plus adhérents qui limitent la vitesse", explique Guillaume Martin. Remise en cause également, la question des guidons. "Au lieu d’avoir des guidons de 36 cm ou 38cm de large, revenir à des guidons de 42 ou 44, et pourquoi pas revenir aux freins traditionnels et oublier les freins à disque, il ne faut pas avoir peur de le faire!", propose Marc Madiot. Christian Prudhomme, le patron du Tour de France, avait également alerté les équipes sur le sujet en encourageant à la discussion avec les constructeurs de cycles. Mais le matériel ne changera pas tant que l’UCI ne l’aura pas décidé. "Il faut prendre exemple sur la Formule 1. Quand la voiture va trop vite, le règlement fait en sorte de la ralentir pour la sécurité des pilotes. Ils reculent pour mieux avancer. Ça n'empêche pas de faire de la recherche pour innover la voiture, mais ça se fait dans un cadre", ajoute Marc Madiot, inquiet que les graves accidents se multiplient. Reste à trouver le bon équilibre entre spectacle et sécurité. 

Maria Azé et Pierre Koetschet