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Le "nouveau Pogacar": qui est le crack Isaac Del Toro, 21 ans, qui pourrait bien gagner le Giro

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A quatre étapes de l'arrivée finale à Rome, le jeune Isaac Del Toro, 21 ans seulement, est toujours maillot rose. Annoncé comme le nouveau crack du peloton, comparé à son coéquipier Tadej Pogacar, il a déjà pris une nouvelle dimension, et pourrait d'ici dimanche frapper un très grand coup.

Certains ont sans doute eu l'impression d'apercevoir Tadej Pogacar, mercredi à Bormio, lors de la 17e étape du Giro. Vainqueur après un final ébouriffant, Isaac Del Toro a célébré sa première victoire d'étape sur un Grand Tour à la façon de son illustre aîné, la tête baissée, les bras sur le côté, comme un comédien qui salue le public depuis la scène. Le bonhomme a le sens du spectacle.

Pas grand monde, pourtant, ne l'imaginait dans une telle situation à quatre jours de l'arrivée finale à Rome. Maillot rose depuis le soir de la 9e étape, il a 41 secondes d'avance sur son dauphin, Richard Carapaz, avec deux étapes de haute montagne encore au programme. "Il est clair qu'Isaac a démontré qu'il est bien plus fort que l'on avait imaginé", reconnaissait lundi son directeur sportif, Joxean Matxin Fernandez.

Le jeune lieutenant devenu leader

Au départ de ce Giro, le Mexicain de 21 ans devait travailler pour son leader, Juan Ayuso, l'un des favoris pour le maillot rose. Même Adam Yates était annoncé co-leader et donc devant dans la hiérarchie. Mais Del Toro a renversé la table, sur l'étape des chemins blancs où il a pris la tunique de leader, et les jours suivants, par son niveau en montagne. UAE joue désormais pour lui, encore plus depuis la défaillance d'Ayuso.

Il n'y a pas de règles avec les prodiges et le mode opératoire rappelle un certain Tadej Pogacar. Le Slovène, à peu près au même âge, avait explosé sur la Vuelta 2019, vainqueur de trois étapes et troisième du classement général, derrière Primoz Roglic et Alejandro Valverde. Sans demander la permission, en forçant la main de tout le monde, il avait pris le pouvoir au sein de son équipe, jusqu'à remporter son premier Tour de France un an plus tard.

Mais les similarités entre Del Toro et Pogacar ne s'arrêtent pas là. Sur le vélo, le Mexicain emprunte parfois le style de pédalage de son aîné, son aisance dans les bosses et son allure sur le plat. "Je crois qu'il croit en moi, mais je ne suis pas Tadej Pogacar, il a un plus gros moteur que moi", corrigeait le Mexicain il y a quelques jours. Il n'empêche, la ressemblance visuelle est féroce.

"Pogacar-esque"

Autre point commun, les deux larrons ont remporté le Tour de l'Avenir. Pour Isaac Del Toro, c'était en 2023. Il s'était imposé au col de la Loze, puis avait renversé le classement général sur la dernière étape en attaquant à 50 kilomètres de l'arrivée. "On ne le connaissait pas trop et il a marché très, très fort", se souvient Pierre-Yves Chatelon, sélectionneur de l'équipe de France, auprès de L'Equipe.

A l'époque, il avait impressionné Bernard Hinault, remporté tous les maillots distinctifs et suscité beaucoup d'intérêts. "Après ça, mon téléphone a explosé, des appels toutes les heures, c'était chaotique", confiait-il à GCN. Marc Madiot s'imagine alors pouvoir le recruter chez Groupama-FDJ. "J'étais intéressé", dit-il. Mais Matxin Fernandez, découvreur de talents depuis des années, avait déjà tout prévu et Del Toro a signé chez UAE, avec un contrat jusqu'en 2029.

En interne, on le sait déjà prêt à intégrer la cour des grands. La confirmation arrive rapidement. Dès le mois de janvier, pour son troisième jour de course chez les professionnels, le gamin s'impose en World Tour, sur le Tour Down Under, en faisant le coup du kilomètre dans une étape pour puncheurs-sprinteurs. Robbie McEwen, légende du cyclisme australien, parle alors de victoire "Pogacar-esque".

Potentiellement plus précoce que Pogacar, Evenepoel et Bernal

Dans la foulée, Del Toro marque des points sur Tirreno-Adriatico. Venu pour aider Juan Ayuso, il termine au pied du podium. Sur l'étape reine, qui arrive au sommet du Monte Petrano, un col de 10 kilomètres à presque 8%, il n'est devancé que par Jonas Vingegaard, Juan Ayuso et Jai Hindley, des références en haute montagne. Il devient alors très clair que son éclosion est imminente, son rôle d'équipier voué à évoluer.

Mais lui ne dit rien, accepte, découvre la Vuelta comme coéquipier en fin de saison, sans objectif. Il attend son heure, visiblement arrivée sur le Giro 2025. "C'est un coureur incroyable, c'est un autre phénomène qu'on a là..", soufflait son directeur sportif Fabio Baldato, il y a quelques jours. Grimpeur, puncheur, bon rouleur, très agile sur son vélo grâce à son passé de vététiste et de crossman, en témoigne sa victoire à Bormio, Del Toro ne semble pas avoir de faiblesse.

S'il venait à remporter le Giro à Rome, dimanche, le Mexicain serait le deuxième plus jeune coureur vainqueur d'un Grand Tour d'après-guerre. Derrière Angelino Soler, vainqueur de la Vuelta 1961, mais devant Tadej Pogacar, Remco Evenepoel ou Egan Bernal, rien que ça.

Une façon de commencer à écrire sa propre histoire. Pas celle du nouveau Tadej Pogacar mais celle d'Isaac Del Toro. Celle d'un gamin venu d'une famille de cyclistes, qui a traversé l'Atlantique à l'adolescence pour courir en Europe et vivre en colocation, en Italie, avec ses coéquipiers mexicains, avant de devenir, quelques années plus tard, l'un des visages du peloton.

Robin Wattraint Journaliste RMC Sport