Pogacar, Renshaw, Coquard, Pedersen... le peloton du Tour de France très touché par l'abandon de Cavendish

"Désolé, je ne préfère pas parler pour l’instant… " Au pied du car Astana, quelques instants après avoir vu le Danois Mads Pedersen lever les bras à Limoges, Mark Renshaw a la tête des mauvais jours. Assailli de questions par des journalistes du monde entier, l'ex-coureur australien, embauché par Astana comme consultant pendant la durée du Tour de France, fait les cent pas. Le visage fermé, les traits tirés, il se repasse en boucle les images de l’abandon de Mark Cavendish. A 60 bornes de l’arrivée de cette huitième étape, le Britannique a dû jeter l’éponge, victime d’une lourde chute au milieu du peloton sur une portion plate et a priori sans danger, sur une banale départementale de Nouvelle-Aquitaine. Les larmes aux yeux, le sprinteur d’Astana a dû se résoudre à monter dans l’ambulance en se tenant l'épaule droite.
Il visait le record de Merckx
Un terrible crève-cœur. La pire conclusion possible pour celui qui a annoncé lors du dernier Giro qu'il arrêterait sa carrière à la fin de la saison. Avant de ranger le cuissard à 38 ans, il s’était fixé un ultime objectif : remporter une 35e victoire d'étape sur le Tour pour battre le record qu'il partage avec la légende Eddy Merckx. Un défi à la mesure du personnage: ambitieux et clinquant. Il était passé tout près de le relever vendredi à Bordeaux.
Vent dans le dos, flashé à 74,7 km/h à 300 mètres de la ligne, il avait échoué d’un rien face au "Master" Jasper Philipsen. La faute à un maudit dérailleur. "J'ai dû me rasseoir et remettre la chaîne, mais il n'y avait rien à faire. Je suis amèrement déçu", disait-il, forcément frustré mais déjà tourné vers le prochain sprint, gonflé de confiance et sûr de sa force. Mais son rêve s'est brisé au kilomètre 137 ce samedi.
"C'est super triste que cela arrive à Mark, ce n’est vraiment pas de chance, confiait son équipier espagnol David de la Cruz. Honnêtement, c'est une perte terrible... Mark est l'un des coureurs les plus charismatiques qu’il m’a été donné de rencontrer, et j'ai rencontré beaucoup de bons coureurs dans ma carrière. Il donnait beaucoup d'énergie à l'équipe, il nous apportait toujours de la bonne humeur, alors que les attentes autour de l’équipe étaient chaque jour très élevées. C'est terrible que nous l'ayons perdu."
Même déception sincère du côté de l’Italien Gianni Moscon, autre coureur d’Astana: "Il était clair qu'il n'était pas en mesure de poursuivre la course. Il souffrait. Si on avait pu on l’aurait aidé, mais il a dû abandonner. C'est un jour vraiment triste pour le reste de la course, c'est vraiment triste. C'était une étape vraiment chaotique, beaucoup de chutes, j'ai moi-même été victime d'une chute. La seule chose à laquelle je pense, c'est Mark, j'espère qu'il ne va pas trop mal."
La grande tristesse de son ami Renshaw
Très peiné par le sort de son ancien leader et ami, dont il a été le poisson-pilote historique, notamment à la grande époque de HTC-Columbia, Renshaw a finalement accepté de prendre la parole: "Aujourd'hui encore plus qu'hier, je pense que c'était vraiment possible (de gagner). Finir deuxième hier et aujourd'hui... voir ce qui est arrivé à Mark, c'est dur. On sait tous dans quelle forme il est, il était là pour la gagne, il avait les jambes. Je ne veux pas trop parler à sa place mais j'imagine qu'il est très déçu, comme tous ses coéquipiers, tout le monde est venu avec un objectif clair. Tout ce qu'on peut dire pour l'instant, c'est qu'il est en route pour l'hôpital, plusieurs personnes de l'équipe vont parler avec lui."
Avant de s’engouffrer dans son car, l’Australien a pris le temps d’ajouter, ému: "Je ne vais pas mentir, j'ai pleuré. Tout le monde a de la peine dans l'équipe, il y a eu beaucoup de travail. J'ai eu la chance d'arriver au dernier moment. Qui aurait cru qu'un jour il finirait deuxième pour chuter le lendemain... Je lui souhaite le meilleur, merci à tout le monde pour le soutien, je pense que Mark appréciera. Les autres (coureurs) ont toujours du travail, ils vont rester concentrés mais c'est très dur."
Puisque l’homme de l’île de Man est bien plus qu’un simple coureur, l’annonce de son abandon n’a pas seulement touché son clan.
Les hommages sincères du peloton
"Quand j'ai entendu pendant la course que Mark était tombé, j'étais vraiment très triste. Tout le monde avait envie qu'il gagne une étape. Il était en forme. Hier il était très proche. C'est vraiment moche. C'était un de mes idoles de jeunesse. Je me rappelle encore lorsque je le regardais à la télévision sprinter avec son maillot HTC sur les Champs Elysées. Je voulais avoir le même style, les mêmes jambes", a aussitôt réagi Tadej Pogacar, touché comme beaucoup par le triste crépuscule d’une légende au palmarès monstrueux (161 victoires dont Milan-San Remo, le titre de champion du monde…) et d’un champion bien loin de l’image de starlette arrogante que certains ont longtemps voulu lui coller.
"Vous m’apprenez son abandon, c’est triste qu’il termine son histoire avec le Tour comme ça…", a commenté le Français Bryan Coquard. Pedersen, le vainqueur du jour, s’est également dit "très triste".
"Il aurait pu battre le record. C’est malheureux de terminer de cette façon. Pour moi, ça a été un plaisir de courir avec Mark. On a toujours eu une super relation. C'est tellement triste qu'une légende comme lui termine le Tour de cette façon", a ajouté le Belge Philipsen, résumant bien le sentiment général au sein de la confrérie des sprinteurs. Et d'un peloton qui doit aujourd'hui se demander s'il reverra un jour sur un vélo l'une de ses plus grandes légendes.