RMC Sport

Tour de France 2024: pourquoi les coureurs raffolent autant des bonbons après les étapes

placeholder video
Comme Tadej Pogacar et Remco Evenepoel, de nombreux coureurs du Tour de France ne peuvent s'empêcher d'engloutir des poignées de bonbons juste après les étapes. Une consommation anodine ou néfaste pour la santé de ces champions?

Attaquer à tout-va et sur n’importe quel terrain de jeu, quitte à se trouver lui-même "stupide" après s’être envolé juste pour le plaisir mercredi dans le Col du Noyer, n’est pas le seul plaisir coupable de Tadej Pogacar. Une fois franchi la ligne d’arrivée, et avant de se plier à une foule d’obligations, entre l’habituel contrôle antidopage et l’interminable ballet médiatique, le maillot jaune du Tour de France cède à un rituel singulier. Toujours le même. Comme s’il redevenait l’espace d’un instant l'adolescent de Komenda. L'œil rieur sous sa mèche blonde et rebelle, le glouton slovène de 25 ans ne peut s’empêcher de plonger sa main dans un petit sachet de bonbons. Et d’en engloutir une bonne poignée avec l’appétit d’un affamé.

>>> La 19e étape du Tour de France en direct

Un "vrai intérêt nutritionnel"

Jamais bien loin, son complice belge Remco Evenepoel a souvent droit à une part du butin. Et aux mêmes interrogations de la part d’un public incrédule devant de telles scènes : s'empiffrer de confiseries est-il bien raisonnable pour ces sportifs que l’on dit obsédés du moindre détail ? Spoiler : ce péché mignon n’a rien du crime nutritif, et le retrouver au cœur du peloton comme sur les podiums n’est pas seulement liée à la présence dans la caravane du Tour d’une célèbre marque de bonbons. "Je vous rassure, il y a un vrai intérêt nutritionnel. Ce sont des concentrés de glucides, et comme les glucides sont le carburant de l’effort pour les coureurs, ils sont précieux", tranche Pierre Pasquier, diététicien et nutritionniste pour la formation TotalEnergies.

Parce qu’ils ne se contentent pas d'ingurgiter des feuilles de salade comme leurs silhouettes rachitiques peuvent le laisser croire, les coureurs du Tour suivent des menus bien précis et extrêmement riches en glucides pour répondre aux exigences de trois semaines d’efforts intenses. Du petit-déjeuner au repas du soir en passant par les encas, tout est optimisé voire individualisé en fonction de leur profil, des conditions météos et du parcours du jour. Lors des étapes les plus exigeantes, courues en montagne et sous une chaleur extrême, il n’est pas rare qu’ils brûlent sur une journée jusqu’à 8.000 calories, soit une dépense énergétique quatre fois supérieure à une personne sédentaire qui regarderait tranquillement le Tour devant sa télé.

Un besoin énorme en glucides

"La nutrition joue un rôle majeur sur la performance, en particulier les glucides. Il faut en stocker suffisamment pour avoir une réserve en glycogène, qui permet de retarder la fatigue pendant l’effort. Les protéines et les lipides ont moins d’impact. On essaie de répartir et de fractionner l’apport en glucides du matin en coucher. Ça peut parfois monter sur une journée jusqu’à 15 ou 16 grammes de glucides par kilo de poids de corps. Pendant une étape, on peut être sur du 100 à 120 grammes de glucides par heure, voire atteindre les 140 grammes. Ça peut paraître énorme quand on sait que 100 grammes de pâtes cuites correspondent à 25 grammes de glucides. C’est comme si un coureur mangeait 500 grammes de pâtes par heure", développe Pierre Pasquier.

Plutôt qu’un bon plat de bolognaises, le champion s’oriente plutôt en pleine étape vers des boissons, des barres et toutes sortes de gels riches en glucides mais aux goûts parfois douteux. Et nos bonbons dans tout cela ? "Ils sont davantage consommés à l’arrivée parce qu’ils sont faciles à prendre et sources de plaisir. C’est plus simple d’en prendre un sachet que d’attendre de rentrer au bus pour consommer des gâteaux de riz ou des œufs. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus recommandé pour vous ou moi, mais on ne peut pas se comparer à ces coureurs dont les dépenses énergétiques sont énormes", souligne le nutritionniste de TotalEnergies. Moins convaincus, les contempteurs du bonbon déplorent ses colorants, sa digestion pas toujours optimale et regrettent un effet de mode lancé dans les années 2010 par le fantasque Peter Sagan.

Zingle préfère ses bretzels

Et puis il y a tout simplement ceux qui ne sont "pas trop fans", comme Jordan Jegat, le Morbihannais de TotalEnergies qui n'en a pas eu besoin pour multiplier les offensives à l'avant depuis le départ de Florence. "Je n'en ai mangé qu'une fois sur ce Tour, c'était après l'étape du Galibier. Je n'avais rien à manger au contrôle antidopage et ça m'a un peu sauvé. Je préfère les shakers de récupération et les petites douceurs préparées par nos cuisiniers comme des quiches au saumon et des gâteaux à la banane", glisse-t-il. Axel Zingle, le sprinteur-puncheur de Cofidis, n’est pas non plus convaincu : "Moi je suis Alsacien donc je prends des bretzels !"

"C’est en même temps un petit plaisir et un apport glucidique très important. C’est top, ça permet de recharger les batteries rapidement. Après la course, on en prend une bonne poignée et on peut se le permettre vu comment on se dépense. Ce ne sont pas quelques bonbons qui vont changer nos performances", se défend de son côté Thomas Gachignard, qui a été grillé en train d'en échanger quelques-uns avec Pogacar himself après avoir été désigné combatif du jour, mardi, à l’issue de la 16e étape. "Je lui ai dit que je n’en prenais que trois-quatre, mais il m’a dit de tous les manger", plaisante-t-il. Avec le programme pour le moins copieux qui attend le Tour dans les trois prochains jours, pas sûr que le Slovène soit autant dans le partage jusqu'à l'arrivée à Nice.

Rodolphe Ryo, à Embrun (Hautes-Alpes)