Tour de France 2025: plus de 3.000km de transferts entre les étapes, "ça permet une élimination naturelle"

C'est ce que l'on appelle en coulisses "l'autre Tour de France". Celui que le grand public ne voit pas et soupçonne à peine. Celui qui ne se fait pas à vélo mais se compte en dizaines d'heures de bus. Celui qui use un peu plus des organismes déjà essorés par la machine à laver de juillet. Chaque matin et chaque soir, il faut aux coureurs composer avec d'interminables transferts. Ces longs périples kilométriques à avaler pour atteindre les villes de départ et d'arrivée des étapes.
Plus de 3.000km de transferts
À ce petit jeu, la cuvée 2025 explose tous les records. Un exemple: le trajet entre Châteauroux, où arrivera le peloton ce dimanche soir, et Ennezat, d'où il repartira le lendemain, flirtera avec les 200km. Mieux, 350 bornes seront au programme entre Le Mont-Dore, terre d'arrivée de la 10e étape en Auvergne lundi, et Toulouse, là où reprendra le Tour mercredi après une journée de repos. Au total, ce sont plus de 3.000km de transferts qui sont à prévoir. Soit presque autant que la taille du tracé proposé aux coureurs de Lille aux Champs-Élysées: 3.338,8km.
"C'est aussi ce qui fait toute la difficulté du Tour", observe Cédric Vasseur, manager de l'équipe Cofidis, au micro de RMC Sport. "Au-delà des étapes qui sont intenses, ce sont tous ces transferts qui pèsent entre les départs et les arrivées, entre les hôtels. Mais ça permet de faire une élimination naturelle. Quand on s'élance sur le Tour, on sait le nombre de kilomètres de transferts qu'il y a à faire. Ça oblige les coureurs à ne pas se faire piéger par toutes les sollicitations et à rester concentrés. Il faut se protéger au maximum. On sait qu'on n'a pas le droit à l'erreur."
Un transfert plus long le soir, c'est une routine possiblement chamboulée. Entre les bains froids de récupération, les massages, les soins et le dîner, tout doit entrer dans un temps restreint. Une chorégraphie pas toujours simple à maîtriser alors qu'aucune ville arrivée n'est ville départ le lendemain sur ce Tour. Et si les mieux lotis peuvent parfois avoir droit à un rapide tour en avion pour éviter un casse-tête organisationnel, le pullman reste l'incontournable de l'été. Un véritable vestiaire ambulant.
"Celui qui gagne le Tour, c'est aussi celui qui gère parfaitement sa récupération"
"On doit vraiment optimiser la récupération dans le bus cette année. Si on gagne quelques minutes tous les jours, ça peut représenter une journée à la fin du Tour. C'est hyper important. Sur trois semaines, celui qui gagne, c'est celui qui, en plus d'être fort, gère parfaitement sa récupération. On sait que c'est compliqué pour les organisateurs de grands Tours de réduire les transferts, toutes les villes ne sont pas aménagées pour accueillir ce genre de course, alors il faut faire avec et s'adapter", témoigne Stéphane Goubert, directeur sportif de Groupama-FDJ.
Chez Decathlon-AG2R La Mondiale, aussi, l'heure est à l'adaptation. "Ça change beaucoup de choses, on a l'impression que c'est toujours plus chaque année", relève Nicolas Guillé, directeur sportif de la formation savoyarde. "Quand on arrive à l'hôtel à 20h30, les soirées sont courtes et il faut être ultra efficace. L'idée, c'est déjà que les coureurs puissent récupérer le plus possible dans le bus. Les timings sont serrés. C'est la même chose pour tout le monde, mais ça devient compliqué. Heureusement, on a des staffs fournis." Une nuée d'assistants, kinés et ostéos aux petits soins pour des coureurs qui, au moins publiquement, n'entendent surtout pas se plaindre.
"C'est sûr que ça joue sur la récupération. Ce n'est pas l'idéal mais c'est pareil pour tout le monde", relativise le Normand et actuel 3e du classement général, Kévin Vauquelin (Arkéa-B&B Hotels). "Avoir des gros transferts tous les jours, ça signifie arriver plus tard à l'hôtel, terminer le massage plus tard, et ainsi de suite. Mais il faut faire avec. On a la chance d'avoir beaucoup de confort dans les bus et ce qu'il faut pour récupérer. On a des bons fauteuils, ça ressemble presque à un appartement!", sourit Bruno Armirail (Decathlon AG2R La Mondiale), quatrième du contre-la-montre mercredi à Caen.
"Ça fait partie de notre métier"
Passé professionnel en 2012, Arnaud Démare (Arkéa-B&B Hotels) commence lui aussi "à avoir l'habitude" de ces voyages qui n'en finissent pas et de ces nuits raccourcies. "J'ai même connu des Giro où on partait le matin à 7h, parce qu'on avait trois heures de transfert avant le départ! Ça fait partie de notre métier", dit-il, quand Anthony Turgis, engagé sur son huitième Tour, reconnaît que ces transferts "demandent une bonne organisation" et une bonne dose de patience.
"Les coureurs qui arrivent les premiers à la fin des étapes essaient de partir en voiture pour gagner du temps et filer à l'hôtel", indique le puncheur de TotalEnergies, vainqueur d'étape l'an dernier sur les chemins blancs. "Mais on est aussi bien dans le bus, on peut faire de la cryothérapie et de la pression sur les jambes pour évacuer tous les 'déchets' accumulés. Ces transferts, ça amène encore plus de fatigue, mais on est tous sur le même pied d'égalité." Un principe d'équité cher à l'organisateur du Tour, ASO, qui s'en tient à un cahier des charges précis en ce qui concerne notamment la répartition des hôtels. Pas question de favoriser une équipe plus qu'une autre, tout le monde est logé à la même enseigne sur le Tour.