Potentiel dingue, "grande gueule" et rêves de maillot jaune... Qui est le déroutant Kévin Vauquelin?

Préparez vos tympans: l'applaudimètre risque d'exploser ce mardi 8 juillet à l'occasion de la 4e étape du Tour de France 2025. D'Amiens à Rouen, sur un délicieux parcours en montagnes russes, avec un final truffé de côtes, la France du vélo n'aura d'yeux que pour un homme ou presque: Kévin Vauquelin. Le natif de Bayeux sera comme chez lui sur les terres normandes qui l'ont vu grandir, là où il a donné ses premiers coups de pédale et commencé à remplir l'armoire à trophées.
Au-delà de la fierté locale, la nouvelle dimension prise par le garçon de 24 ans se mesure à des choses simples. Comme cette douce effervescence ressentie au pied du bus Arkéa-B&B Hotels, matin et soir, avec ces demandes d'autographes qui affluent, au point de gentiment concurrencer le chouchou des chouchous, Julian Alaphilippe.
Des rêves de victoire d'étape et de maillot jaune
Il faut aussi composer avec une nuée de médias, tous curieux d'entendre ce besogneux à la boucle d'oreille et au franc-parler assumé, devenu porte-étendard d'une équipe bretonne à l'avenir incertain. "Kévin, c'est à la fois un champion et un mec qui ne se prend pas la tête, il parle devant les caméras comme il le ferait avec ses amis", résume à RMC Sport Jean-Philippe Yon, son ancien directeur sportif au VC Rouen 76, pas tombé des nues en le voyant titiller les gros poissons du peloton ce dimanche, puis endosser le maillot blanc de meilleur jeune. Une première pour un tricolore depuis Pierre Latour il y a sept ans.
"C'est quelqu'un de simple, qui a besoin d'être bien entouré et dans un contrat de confiance. Il marche énormément au moral et à ce niveau-là il a débloqué plein de choses." Révélé au grand public l'été dernier par son chef-d'œuvre dans les rues de Bologne, sur la 2e étape du Tour, Vauquelin a encore passé un cap cette saison en jouant jusqu'au bout les premiers rôles sur le Tour de Suisse en juin. Sans jamais lever les bras, mais en faisant trembler le mastodonte UAE Team Emirates. Sa personnalité a au moins autant marqué les esprits quand il a détaillé sans fard les difficultés financières de sa formation, débarquée sur la course "sans cuistot" ni "beaucoup de moyens".
Pas vraiment du genre à manier la langue de bois, il a déjà eu le temps sur ce Tour de France de se payer la tactique des Visma-Lease a Bike, coupables à ses yeux de ne pas avoir collaboré avec lui dans le final vers Boulogne-sur-Mer. Son ambition est connue: rafler (au moins) une étape, si possible celle de Rouen.
"Bien sûr qu'il y a le maillot jaune dans ma tête", disait-il ce lundi soir sans se cacher.
"Porter le maillot jaune pour le chrono à Caen (mercredi), ce serait quelque chose d'exceptionnel. On va courir comme pour une course d'un jour et ne pas se mettre de pression. Je vais juste essayer de donner le maximum. Le maillot jaune, ce serait le Graal."
De "Monsieur Bobologie" à 4e du Tour
Vauquelin le sait, les regards sur lui ont changé. "Bien sûr que c'est gratifiant. Je sais que je suis surveillé. Dans le peloton je n'entends plus 'Attention au gars d'Arkéa', maintenant on dit 'Kévin' ou 'Vauquelin'. Ils se disent que je ne suis pas là pour rien. C'est normal d'être marqué, ça me motive encore plus."
Et c'est sans doute ce qu'il fallait pour chasser les derniers doutes de ce coureur longtemps rongé par un manque d'assurance. "Moi je l'appelais 'Monsieur Bobologie' parce qu'il y avait toujours un truc qui n'allait pas! Il avait sans cesse besoin d'être rassuré", sourit Jean-Philippe Yon, qui pourrait dérouler pendant des heures des anecdotes au sujet de son poulain, qu'il a lui-même dirigé vers Arkéa alors que le pistard de formation se trouvait dans une impasse au pôle Espoirs de Chambéry FC, aujourd'hui l'équipe de développement de Decathlon AG2R La Mondiale.
"Il n'a absolument pas changé. Quand on part en stage, il est capable de faire de la route pour venir rouler avec nous et se retrouver dans la cuisine à éplucher des légumes pour tout le monde. Lors des derniers championnats de France, il est venu nous voir avec ses parents alors qu'on avait pris un gîte en plein milieu de la campagne. Il a besoin d'avoir du monde autour de lui, de se sentir aimé", explique Jean-Philippe Yon.
Chez Arkéa, le déroutant Vauquelin s'est nourri de perpétuelles remises en question. Il s'est en parallèle bâti un profil complet, suffisamment punchy pour aligner ses adversaires au sprint, excellent rouleur et grimpeur en constante progression taillé pour décrocher des courses d'une semaine. "C'est surtout un attaquant, il a les jambes et l'envie de bien faire. C'est un coureur qui sait se faire plaisir et qui s'éclate sur le vélo. C'est un vrai leader parce que quand il attaque (dimanche), ce sont Tadej Pogacar et Mathieu van der Poel qui vont le chercher. Il se sent enfin bien sur son vélo et dans sa tête", dit de lui son patron Emmanuel Hubert.
Deuxième de la Flèche Wallonne ces deux dernières années, deuxième du chrono des championnats de France puis troisième de la course en ligne, Vauquelin arrivera en fin de contrat en décembre. Son nom est déjà murmuré un peu partout chez les plus grosses écuries du plateau, toutes tombées sous le charme de ce pur talent actuel 4e du Tour de France à 10 secondes de Van der Poel, bien que l'intéressé répète - pour s'en convaincre? - ne pas viser un bon classement sur les Champs-Élysées.
"Les gens se retrouvent en lui"
"Il est dans une forme incroyable. Plus je passe de courses avec lui, plus il m'impressionne et puis il est fort. Moi j'essaie de l'aider au maximum (sourire). On sait que ce sera un plus compliqué en montagne, mais il faut qu'on arrive à saisir toutes les opportunités", appuie son coéquipier et ange-gardien breton Ewen Costiou. Décrit par ses proches comme "un énorme bosseur" et "un mec aux vraies valeurs", né d'un papa retraité de la police et d'une maman femme de ménage, Vauquelin semble réunir tous les ingrédients pour faire chavirer de bonheur les Français: un potentiel dingue, un culot plein de promesses et une tête de future star.
"C'est un gagneur, quelqu'un qui fédère naturellement autour de lui. Un leader naturel, qui a bien évolué à ce niveau, que ce soit au niveau de sa confiance personnelle ou de sa maturité. Et puis, oui, il parle avec son cœur, parfois à chaud, mais il dit toujours ce qu'il pense, sans détour. C'est un personnage franc, brut et sincère. Je pense que pas mal de gens se retrouvent en lui", embraye Laurent Pichon, ancien coureur devenu directeur sportif d'Arkéa-B&B Hotels.
"Il a ce côté grande gueule, mais dans le bon sens du terme", étaye Jérôme Coppel, consultant pour RMC.
"On doit se réjouir d'avoir ce coureur français qui bataille avec les meilleurs, qui est toujours offensif et sans filtre, c'est génial. On pourrait vite avoir une Vauquelin-mania s'il parvenait par exemple à prendre le maillot à pois et à faire un bon bout de chemin avec." Et pourquoi pas, après le blanc et avant les pois, s'emparer du maillot jaune? Réponse ce mardi sur les coups de 17h30.