Tour de France: Bernal, le sacre d'un prodige

En début d’année, Egan Bernal n’était même pas sûr de s’aligner au départ de la 106e édition du Tour de France. Ou alors simplement comme équipier de luxe. Il était focalisé sur sa participation au Giro, qu’il devait aborder en tant que favori. Mais une clavicule cassée à l’entraînement début mai a complètement modifié ses plans. Dans l’incapacité de participer au Tour d’Italie, le Colombien a finalement fait de la Grande Boucle son nouvel objectif.
Sa formation Ineos (ex-Sky) l’a même propulsé co-leader, aux côtés du vainqueur sortant Geraint Thomas, après le forfait de Christopher Froome. Et dimanche, sur les Champs-Elysées, c’est lui qui monte sur la plus haute marche du podium de la course la plus prestigieuse au monde. Vainqueur devant Geraint Thomas.
Passé du VTT à la route
A 22 ans et 6 mois, le grimpeur colombien n'est pas le plus jeune lauréat du Tour puisque Henri Cognet l’a remporté en 1904 à l’âge de 19 ans. Une autre époque. La performance de Bernal n’en reste pas moins exceptionnelle. Il est tout simplement le plus jeune à s'imposer sur le Tour depuis 1909 (François Faber). Un sacré exploit, alors qu'il n’y a pas si longtemps, le natif de Zipaquira, ville de quelque 100.000 habitants située à une trentaine de kilomètres de Bogota, se faisait encore les mollets en VTT. Avec notamment, à son palmarès, deux podiums aux championnats du monde juniors de la discipline, en 2014 (argent) et 2015 (bronze).
Ce n’est qu’il y a quatre ans qu’il a décidé de se concentrer sur le cyclisme sur route et de laisser de côté son rêve de devenir journaliste. Son ascension a alors été fulgurante. Recruté par l'emblématique Gianni Savio, manager de l’équipe italienne Androni, réputé pour sa faculté à repérer de futures pépites, Bernal a rapidement enchaîné les coups d'éclat et les places d’honneur en terminant, entre autres, neuvième du Tour des Alpes en 2017 et en raflant la même année le Tour de l’Avenir, l’équivalent d’un mini-Tour de France pour les moins de 23 ans.
Une ascension fulgurante
De tels résultats ont forcément mis en alerte les équipes World Tour. Et c’est Sky, l’équipe la plus dominatrice du peloton, qui est parvenue à le faire signer en 2017. Sans regrets puisque Bernal a continué à s’affirmer en s'adjugeant l’année suivante le Tour de Colombie et celui de Californie, le maillot blanc de meilleur jeune sur le Tour de Romandie et en sa classant 15e du Tour de France pour sa première participation.
"Ma responsabilité de manager, c'est de regarder deux ou trois saisons en avant. J'ai cherché, cherché, cherché qui allait peut-être devenir le prochain Chris Froome. Mon choix s'est porté sur Bernal. C'est l'avenir", confiait en 2018 Dave Brailsford, patron d’Ineos, auprès du Guardian.
Il ne s’est pas trompé. Vainqueur de Paris-Nice et du Tour de Suisse, Bernal s’avançait comme l’un des principaux favoris au départ de ce Tour de France. Mais il lui fallait encore prouver qu'il pouvait tenir la cadence, en tant que leader, sur une course aussi exigeante durant trois semaines. S’il a un temps été pointé à près de trois minutes du maillot jaune alors porté par Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step), à l’issue du contre-la-montre individuel de la 13e étape, il ne s'est jamais affolé et a su attendre son heure, toujours bien placé.
Tout s'est joué vendredi
C’est finalement vendredi, dans une étape de dingue arrêtée par les organisateurs en raison de conditions météo extrêmes, qu’il a mis un terme au règne de Julian Alaphilippe, en lançant un assaut fatal à tous ses rivaux. Imperturbable et sûr de sa force, le coureur de 22 ans n’a pas été mis en danger samedi lors de la 20e et avant-dernière étape remportée par Vincenzo Nibali.
Quatrième à l’arrivée à Val Thorens, il a validé sans trembler son maillot jaune, et donc par ricochet le maillot blanc. Au général, il devance donc Geraint Thomas et le Néerlandais Steven Kruijswijk. Le top 5 est complété par l’Allemand Emanuel Buchmann et Julian Alaphilippe. La fête est déjà grandiose en Colombie, qui décroche avec Egan Bernal le premier Tour de France de son histoire.