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Tour de France femmes: pourquoi les chutes se multiplient depuis le départ

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De retour après trente-trois ans d'absence, le Tour de France femmes est quelque peu gâché depuis le départ par une succession de chutes. La faute, entre autres, à un excès de nervosité.

Une fracture du sacrum pour la Belge Alana Castrique, un traumatisme crânien pour l’Italienne Marta Cavalli, une fracture au poignet pour la Néo-Zélandaise Ally Wollaston, les cervicales touchées pour la Danoise Emma Norsgaard… Contrairement à ce que pourraient laisser penser leurs blessures, ces sportives ne pratiquent ni le rugby ni le MMA. C’est le Tour de France qui les a envoyées à l’hôpital. Toutes ont été prises dans les nombreuses chutes survenues depuis le départ de l’épreuve donné dimanche à Paris. Chaque jour, le rêve vire au cauchemar pour certaines coureuses, contraintes à l’abandon après avoir goûté au bitume.

Ce jeudi, c’est à 45 kilomètres de l’arrivée qu’une chute massive a eu lieu lors de la cinquième étape disputée à travers la Meuse, la Meurthe-et-Moselle et les Vosges. La moitié du peloton s’est retrouvée à terre. Les vélos se sont empilés les uns sur les autres dans un bien triste spectacle. Une image impressionnante. Dans le chaos, Emma Norsgaard, de l’équipe Movistar, n'a pu retenir ses larmes, le corps meurtri et ses ambitions envolées. Trois jours plus tôt, un énorme carambolage s’était déjà produit, sans que l'on comprenne vraiment pourquoi. D’un coup, alors que les 106 premiers kilomètres de la deuxième étape s'étaient bien déroulés, tout le monde s’était agité et les erreurs s’étaient multipliées en quelques secondes.

Stress et pression

Résultat : une terrible chute collective, des concurrentes projetées dans les fossés alentours, et énormément de casse. Au total, elles sont déjà 16 sur les 144 coureuses engagées au départ à avoir jeté l’éponge, la plupart pour cause de blessure. Le bilan pourrait encore s'alourdir lors des trois derniers jours de course. Alors comment expliquer toutes ces gamelles ? Pour beaucoup, c’est d’abord la nervosité liée à l’événement, de retour trente-trois ans après la dernière édition organisée par ASO, qui provoque autant de dégâts. "Une fille devant moi s’est décalée, je n’ai rien pu faire, ça s’est empilé sur moi, raconte à RMC la Limougeaude Anaïs Morichon (Arkéa), le coude encore ensanglanté à l’arrivée de la cinquième étape. J’ai eu un peu peur, mais je n’ai rien de cassé. C’est le haut niveau, tout le monde veut faire quelque chose sur ce Tour. C’est très nerveux et je pense que ça va être comme ça jusqu’à la fin."

C’est aussi ce que craint Séverine Eraud, membre du Stade Rochelais, une équipe qui vit un Tour galère entre abandons et coureuses hors délais. "C’est une grosse course, toutes les filles sont là avec beaucoup d’ambition et les grosses structures n’ont pas trop le droit de se rater, dit-elle. Elles ne laissent pas la place, donc ça crée des chutes. Il n’y a pas de cadeau dans le peloton, tout le monde veut être devant." "Des filles abandonnent tous les jours à cause des chutes, renchérit Gaël Le Bellec, directeur sportif de Cofidis. C’est très nerveux, les filles sont de plus en plus fortes et roulent de plus en plus vite. Ça frotte, il y a des enjeux importants et il y a peut-être un petit manque de lucidité après cinq jours de course. Toutes les filles n’ont pas l’habitude de faire des courses de ce niveau." Au stress du Tour de France, avec la volonté de se montrer et de ne surtout pas rater un bon coup à l’avant, s’est ajoutée lors des premières étapes la crainte du vent et des cassures causées par celui-ci.

Vent, manque de clarté sur le parcours...

"Ça me rappelle le Tour 2021 chez les hommes, il y avait eu énormément de vent, et donc des chutes. C’est aussi la course la plus importante de la saison : il y a beaucoup de pression. C’est exactement la même chose chez les hommes", soulignait en début de semaine Marion Rousse, directrice de ce Tour. D’autres raisons sont avancées. Pour Jolien D'hoore, directrice sportive de l’équipe néerlandaise AG Insurance-NXTG Team, "la différence entre les équipes du top et les autres équipes est un peu trop grande, dans tous les domaines". "Un autre problème, ce sont les indications qui ne sont pas claires, ajoute-t-elle auprès de l’agence Belga. Beaucoup de rétrécissements de route sont uniquement indiqués avec un peu de peinture fluo rouge." C’est peut-être ce qui a causé l’erreur incroyable d’Elisa Longo Borghini ce jeudi.

En tête à 500 mètres de la ligne, l’Italienne de la Trek-Segafredo s’est trompée de route dans le dernier virage en tournant à gauche alors qu'il fallait aller à droite. La vainqueure du dernier Paris-Roubaix s’est vite aperçue de sa bourde, mais il était trop tard pour se replacer en tête de course. Sa seule consolation : ne pas avoir chuté.

Rodolphe Ryo avec Valentin Jamin