Tour de France: "Un peu fou", "un diamant" avec un "pète au casque"... qui est Victor Lafay, le héros du jour?

"Il nous a fait vibrer. On connaît ses capacités de puncheur et on sait qu’il a cette explosivité. Il est capables d’exploits formidables. Ça va lui donner des idées, il va prendre confiance pour le futur. Il a montré qu’il était capable de gagner une étape sur ce Tour." Ce dimanche midi, posé au pied du bus de son équipe à Vitoria-Gasteiz, dans le Pays basque espagnol, Cédric Vasseur n’avait pas assez de compliments pour parler de Victor Lafay. La veille, son coureur avait rivalisé avec le gratin du cyclisme mondial dans les pentes de la coriace côte de Pike pour terminer sixième de la première étape du Tour de France, à Bilbao. Un résultat plus que prometteur, même si le Lyonnais de 27 ans se disait déçu de ne pas avoir été assez stratégique dans le final.
Ce soir, l’heure n’est plus aux regrets. Opportuniste et malin en plus d’être dans une forme excellente, il a remporté en patron la deuxième étape du Tour à Saint-Sébastien en se détachant du groupe des favoris à un kilomètre de l'arrivée. Personne n’a été en mesure de le rattraper. Pas même les monstres Wout van Aert et Tadej Pogacar. En bref, "un truc de malade", "un rêve de gosse", comme l’a confié le héros du jour, et la fin d’une disette de quinze ans sur le Tour pour Cofidis.
"Je pense que c’est entièrement mérité pour Victor, l'équipe et le staff. On travaille depuis des années sur la composition d'un groupe capable de gagner sur le Tour. Samedi, on avait senti que Victor était déjà dans une super condition. Aujourd'hui, il a été époustouflant, il avait rendez-vous avec son destin. Il a saisi crânement sa chance en essayant de surprendre le groupe. C’est la délivrance. En plus, il prend le maillot vert, c'est un début de Tour fantastique", savourait Vasseur, euphorique sous le soleil de San Sebastian.
"Il a compris qu'il devait tout recadrer"
Même émotion chez ses équipiers, à commencer par son pote Anthony Perez : "Il sent la course et quand il a des jambes comme ça, il est quasi imbattable. Chapeau à lui, c’est franchement incroyable. Il a un pète au casque, il est un peu fou ! Il se couche tard, il se lève tard, il fait n'importe quoi et ça marche... Je ne comprends rien avec ce mec ! Ouais, c'est un ado. Il parle aussi tout seul dans la chambre, ça me saoule ! (sourire)" Lafay, c’est aussi un "diamant" pour Axel Zingle, à la fois "surpris et pas surpris" de voir son coéquipier triompher sur la Grande Boucle, deux ans après déjà levé les bras sur le Giro. "On sait qu’il en est capable et là il se révèle au grand public. Je suis ému de le voir enfin concrétiser sur le Tour, ce n’est pas n’importe qui, c’est incroyable. Il a une santé parfois un peu fragile, l’an dernier il avait vécu un Tour galère, il terminait derrière les sprinteurs. Là il est en bonne forme depuis quelques semaines. J’ai vu des dirigeants de l’équipe qui étaient en larmes. On sait que gagner sur le Tour n’est pas facile, c’est un peu le Graal pour les coureurs. Et tous les coureurs rêveraient d’avoir le talent de Victor. Quand il veut, il peut, et en ce moment ça va plutôt bien", sourit Zingle.
C’est aussi l’avis de notre consultant RMC Sport, Jérôme Coppel : "C'est une flèche. Si je devais le comparer à un autre, c'est à Julian Alaphilippe. C'est un puncheur, un bon vivant, il lui ressemble vraiment. C'est vraiment un excellent coureur. Je crois qu'il a pris conscience assez tard qu'il avait ce moteur-là, qu'il était capable de faire ça. En amateur, il était déjà très, très fort mais pas toujours suffisamment sérieux pour le niveau professionnel. Depuis deux ans maintenant, il a compris qu'il devait tout recadrer. Il a lui-même dit : ‘Pour une fois j'avais un plan dans le final’. Ça veut bien dire que d'habitude, il y va un peu au pif. Quand il est concentré avec son plan en tête, il arrive à mettre au fond." Comme chez les cadets, en Haute-Savoie, où il a tout de suite fait partie des espoirs à surveiller avec Aurélien Paret-Peintre. Sa progression a ensuite été freinée par des pépins de santé et il a dû attendre 2018 pour passer pro chez Cofidis, avant de connaître des résultats en dents de scie jusqu’à cette année 2023.
En avril, il s’est offert la Classic Grand Besançon Doubs, devant Guillaume Martin et Thibaut Pinot, entre autres, et a aussi accroché un top 10 sur la Flèche wallonne, avec une jolie sixième place. Mais il a attendu le meilleur moment pour atteindre son pic de forme. L’instant parfait pour décrocher la plus belle victoire de sa carrière, pour mettre fin à la malédiction de Cofidis, et pour débloquer le compter bleu-blanc-rouge avant même que le peloton n’arrive sur le sol français, lundi, à Bayonne. Un coup d’éclat pas si surprenant à écouter David Gaudu, qui avait senti le coup : "Victor fait un sacré numéro, chapeau et bravo à lui. Il a l'air de voler depuis samedi ! On était ensemble à la signature ce matin, je lui ai dit : ‘Tu vas bien réussir à nous en gagner une voire deux vu comment tu marches !’ Il ne me croyait pas. Il a fait ce qu'il y avait à faire quand tout le monde s'est regardé mais il fallait encore pouvoir le faire ! Vu son attaque et comment il a tenu dans le final, franchement bravo !" Il faut maintenant espérer que la prédiction du grimpeur breton se réalise jusqu'au bout.