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"Il peut gagner Roubaix ou le Tour des Flandres": pourquoi le crack Paul Magnier écrase autant la fin de saison

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Intenable en cette fin de saison, le Français Paul Magnier (21 ans) n'en finit plus de martyriser la concurrence sur le Tour du Guangxi avec quatre victoires en quatre étapes. Le fruit de progrès fulgurants et la confirmation d'un immense talent taillé pour les Flandriennes.

Oubliez Tadej Pogacar. Pendant que le cannibale slovène savoure des vacances bien méritées, avec tout de même une parenthèse en Andorre ce week-end pour une curieuse exhibition, toute la lumière est aujourd’hui projetée sur un autre crack. Qui partage avec le champion du monde un goût prononcé pour la gloutonnerie.

Du haut de ses 21 ans, Paul Magnier n’en finit plus de briller en cette fin de saison. Aligné sur le Tour du Guangxi, il est même en position de devenir le premier Français - depuis Christophe Moreau sur le Dauphiné en 2007 - à gagner une course par étapes World Tour, l’élite du cyclisme mondial.

"Un phénomène comme Paul Seixas"

En Chine, sa moisson a des airs de domination sans partage: quatre victoires sur les quatre premières étapes, pour porter à 18 son total de succès sur l’année 2025. Il lui faudrait signer un sans-faute sur les deux dernières journées pour égaler Pogacar et ses 20 bouquets, ce qui s’apparente à une mission quasi impossible au vu du dénivelé attendu samedi dans la montée finale (3,2km à 7,3% de moyenne). Mais l'essentiel est ailleurs.

Annoncé au sein de sa propre équipe comme le possible héritier de Tom Boonen, l’ancien roi des Flandriennes, comparé par d’autres à Wout van Aert ou Mathieu van der Poel, l’Isérois de Soudal-Quick Step confirme cette semaine ses fulgurants progrès accomplis au cours des derniers mois. Avec toujours plus de confiance et de maîtrise.

"Il ne faut pas banaliser ce qu'il est en train de faire en Chine. Même si ce n'est pas la plus grande course World Tour, il y a quand même un beau plateau et il ne laisse que des miettes aux autres. Et au-delà du Tour du Guangxi, tout ce qu'il a montré en 2025 est remarquable alors qu'il n’a pas été aidé par des grosses chutes. Il évolue dans un registre différent, mais c’est un phénomène comme Paul Seixas. Lui aussi doit viser très, très haut. Il est capable d'endosser un rôle de leader dans l’une des plus grandes équipes au monde et d'assumer cette pression", expose l'ancien coureur et manager d'équipe Jérôme Pineau, consultant pour RMC.

Son début de saison avait donné le ton avec une victoire à Bessèges pour son premier jour de course, et sa deuxième place sur l’exigeant Het Nieuwsblad pour l’ouverture des classiques. La suite a prouvé qu’il pouvait lever les bras dans différentes configurations: en pur flandrien (À Travers le Hageland), en sprinteur madré (Elfstedenronde), en vrai costaud (Tour de Slovaquie), et, donc, en terreur des sprints massifs (Tour du Guangxi).

S’il promène toujours sa bouille juvénile et son sourire solaire dans le peloton, sa faculté à concasser la concurrence - dressé ou assis sur sa selle - ne fait plus rire personne. Montées courtes, chemins empierrés, bosses pavées, routes larges: l’ouragan Magnier déferle partout et affiche déjà la panoplie d’un vieux briscard.

Profil à la Van der Poel et déclic au Giro

"J’aimerais être sur un profil à la Van der Poel en étant focus sur les classiques. Ne pas forcément être le plus rapide mais pouvoir gagner de belles courses d’un jour. Le profil d’un Tim Merlier fait aussi envie... C’est compliqué aujourd’hui d’être un pur sprinteur. Il faut pouvoir passer les petites bosses. Au-delà de ma pointe de vitesse, j’essaie de me concentrer sur ma condition physique générale", confiait le principal intéressé, en août dernier, dans le podcast Échappés de L’Équipe. "Ma vitesse fait que je peux gagner des sprints massifs. Je sais que je ne suis pas obligé d’arriver seul pour l’emporter", disait-il, avec toujours cette même ambition décomplexée.

Talent protéiforme, doté d’un gros moteur couplé à des qualités naturelles de pilotage héritées de son passé de vététiste, le natif du Texas (1m87 pour 70kg) a gagné en puissance pour sa deuxième année en pro. Les conséquences, entre autres, d’une prise de masse musculaire menée l’hiver dernier.

Du côté de son entourage, on loue sa science du placement comme sa force mentale qui lui a permis de ne pas trop gamberger après un Giro quitté avant la troisième semaine. Une période qui a agi comme un déclic selon Jürgen Foré, patron de Soudal-Quick Step, interrogé par le Het Laatste Nieuws. "On l'a envoyé sur le Tour d'Italie pour apprendre mais après deux semaines, on l'a laissé rentrer à la maison. Il n'était pas complètement épuisé mais il n'avait jamais couru à ce niveau durant deux semaines. À son âge, c'était suffisant. Cette période a fait de lui un homme."

"C’est l’émergence d’un immense talent"

L’expertise de Frederick Broché, son nouvel entraîneur qui est aussi celui de Tim Merlier, lui a permis d’opérer quelques changements dans son travail quotidien. Et de ne pas tout miser sur le physique. "Paul s'entraînait énormément en intensité mais il manquait d'endurance. Et lorsque la course était difficile, il se fatiguait rapidement. Il ressemblait à un bodybuilder. Même Tim Merlier s'en est inquiété et a conseillé à Paul de ne pas trop en faire", a raconté à Sporza Johan Molly, l’homme qui a repéré Magnier pour Soudal Quick-Step.

Au cœur de l’été, le Français avait également émis le souhait de bosser des automatismes avec un véritable train. C'est ce qu’il a pu faire avec brio en Slovaquie (4 victoires en septembre), en Croatie (4 victoires en septembre-octobre) et au Guangxi, en étant notamment épaulé par la machine belge Dries van Gestel.

"Ce qu'on voit avec Paul Magnier, c’est l’émergence d’un immense talent", appuie Jérôme Pineau.

"Ça fait longtemps qu’on n’a pas eu ce genre de profil aussi fort en France, poursuit le consultant. C’est un coureur très étonnant, bien plus qu’un simple sprinteur. Ça se voit qu'il s’amuse sur son vélo mais en même temps il aime plus que tout gagner, c’est vraiment ce qui l’anime. C’est un garçon qui va accumuler les succès et qui peut gagner à l’avenir le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Gand-Wevelgem… On peut l’imaginer jouer très vite les premiers rôles sur ces courses taillées pour lui."

https://twitter.com/rodolpheryo Rodolphe Ryo Journaliste RMC Sport