Droits TV de la Ligue 1: pourquoi le foot français s'apprête à vivre une semaine cruciale pour son avenir

Le foot français navigue en eaux inconnues. Jamais une ligue n’avait franchi le pas de créer sa propre structure afin de gérer elle-même la diffusion des matchs de son championnat premium. C’est pourtant ce que s’apprête à faire LFP Média, la filiale commerciale de la Ligue de football professionnel. Après l’échec de la collaboration avec DAZN sur la saison 2024-2025 (à peine plus 600.000 abonnés à l’issue de l'exercice), LFP Média a acté le fait que la simple vente de droits exploités par un acteur du marché ne fonctionne plus, à cause d’un modèle économique devenu inadapté, lourdement impacté par le piratage et les incessants changements de détenteurs de droits sur les dernières années. "Il faut reprendre en main notre destin, quitte à prendre certains risques", avance un président de club, impatient de voir une solution émerger.
Créer une chaine ne s’improvise pas
Car se lancer dans un tel projet implique de nombreux facteurs: la production des matchs, le contenu éditorial (magazines de différents formats), la gestion de l’antenne, la distribution, le marketing… Autant de métiers essentiels qui nécessitent des compétences spécifiques. Pour ce qui est de la captation des matchs, LFP Média avec son partenaire HBS (producteur exécutif) assure déjà la production des matchs mise à disposition des diffuseurs. Cette compétence-là est donc plutôt bien maîtrisée en interne.
En revanche, l’éditorial est un nouveau chantier même si une équipe de LFP Média est dédiée depuis plusieurs mois à la création de magazines notamment à destination des diffuseurs étrangers. Il a donc été décidé de s’associer à d’autres acteurs du marché pour remplir ces missions. Début juin, LFP Média a lancé un appel d’offres auprès de plusieurs sociétés de production sur quatre lots spécifiques: un sur les magazines, un sur le contenu à l’antenne avant et après match, un sur la gestion des multiplex et un sur la gestion du personnel éditorial. Tout ou partie de ces besoins seront donc externalisés. C’est Jérôme Cazadieu, directeur marketing et directeur éditorial de LFP Média, qui pilote ce dossier en interne.
Avec ou sans Canal+ ?
En parallèle, Nicolas de Tavernost se démène pour trouver le meilleur modèle de diffusion mais aussi le meilleur modèle économique pour les clubs. Deux grandes options sont posées: soit rester maître à 100% de la diffusion des matchs en choisissant une distribution classique la plus large possible sur toutes les box des FAI (Fournisseurs d’accès internet), mais aussi Canal+, Amazon, DAZN... Soit s’associer à un acteur en particulier en négociant une exclusivité de la distribution ce qui pourrait permettre aux clubs d’obtenir des revenus plus importants rapidement.
Canal+ est intéressé par ce modèle avec en prime la co-diffusion de l’affiche du dimanche soir. Reste à tomber d’accord financièrement. Comme avancé par nos confrères de L’Équipe, la Ligue pencherait pour une prime d’exclusivité qui pour le moment refroidit la chaine cryptée, qui propose par ailleurs un partage des revenus au-delà d’un certain seuil. L’autre proposition toujours sur la table est signée DAZN. Comme expliqué par RMC Sport le 20 mai dernier, la plateforme britannique propose d’être un prestataire de service qui couvrirait l’ensemble des frais éditoriaux, marketing et de communication pendant les deux prochaines années (pour un montant total de 110 millions d’euros), de faire migrer tout son parc d’abonnés vers la nouvelle structure (près de 700.000 abonnés). De quoi permettre à LFP Média d’avoir des revenus immédiats dès le début du championnat.
Quel prix le consommateur devra-t-il payer ?
Les revenus, voilà justement ce qui intéresse le plus les présidents de clubs, dont la grande majorité est contrainte de réduire son budget. Durant ce mois de juin, ils défilent tous devant la DNCG avec un grand point d’interrogation dans la ligne des revenus correspondant aux droits TV. Le gendarme financier du foot pro promet d’être souple sur cette question spécifique tout au long de la saison.
Nicolas de Tavernost est bien conscient de cette question cruciale: combien de personnes seront prêtes à payer pour regarder la Ligue 1 et surtout à quel prix? Un ordre de grandeur entre 15 et 20 euros par mois pour l’ensemble des matchs semble revenir dans les différents échanges. Quant à l’objectif d’abonnés: le chiffre d’un million serait un objectif intermédiaire à atteindre assez rapidement. Reste à savoir combien chaque club touchera au cours de cette saison qui s’annonce unique dans l’histoire de la diffusion du championnat de France.