Bora "Yellowstar" Kim, le boss du PSG eSports, une star très discrète

Veste grise tendance, chemise bleue parfaitement boutonnée, lunettes que n’aurait pas renié Clark Kent et chevelure impeccable : à première vue, l’individu a tout du premier de la classe ou du cadre supérieur en puissance. Difficile d’imaginer ce jeune homme de 24 ans, particulièrement poli, posé, cultivé et dont chaque mot semble savamment pesé avant de sortir de sa bouche, sur une scène, brandir une coupe au milieu d’autres joueurs, sur une scène ouverte à des milliers de spectateurs, les cheveux cette fois désordonnés dans le vent, face à une foule scandant inlassablement son nom.
Gamer dès l’âge de deux ans
Pourtant, avant d’enchainer les interviews en costard-cravate et de jouer les Leonardo en herbe, Bora Kim a avant tout été « Yellowstar », une légende vivante du esport en France et dans le monde. L’un des plus grands noms (LE plus grand en Europe et dans l’Hexagone) du jeu phare de la discipline, League of Legends. Et c’est en cette qualité que le PSG est allé chercher cet ancien pro-gamer, fraichement retraité à l’âge de 24 ans, pour diriger sa division esport et, naturellement, plus précisément sa future équipe sur League of Legends.
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Le hit de Riot Games n’a pas toujours bercé l’existence de Bora Kim. Le jeune Français d’origine cambodgienne (ses parents sont des réfugiés des Khmers rouges) n’a que deux ans lorsqu’il touche pour la première fois à un jeu vidéo. Les parties de consoles sont endiablées entre Bora, son grand frère Rathana et ses cousins. « J’étais le plus petit de la bande, nous raconte « Yellowstar ». Je ne voulais pas qu’il joue avec moi par pitié ou parce que j’étais le plus jeune. Je voulais qu’il me respecte. » Un respect que le jeune homme va définitivement acquérir treize ans plus tard, sur l’un des titres phares de l’éditeur à succès Blizzard, Warcraft III. Pas de « Yellowstar » à l’époque : Bora se fait appeler « Psyko » et remporte, à 15 ans, l’étape française des World Cyber Games en 2007.
Jamais sans son frère
Son premier pas remarqué sur la scène esport lui vaut l’attention de l’équipe Millenium et une expérience semi-professionnelle avec, à l’époque, un salaire mensuel de… 150 euros. Mais c’est le 18 décembre 2009, lorsque sa souris va s’arrêter sur le jeu League of Legends, que la vie de Bora va définitivement basculer, le précipitant cette fois pour de bon dans la marmite de l’esport. « J’ai eu la chance d’avoir un grand frère qui m’a énormément aidé, qui veillait beaucoup sur moi, parce que mes parents travaillaient énormément, martèle Yellowstar. C’est lui qui m’a fait découvrir League of Legends ».
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Un frère que Bora ne cesse de mettre en avant dans son livre autobiographique, à paraitre le 9 novembre prochain dans les éditions Albin Michel. Tout comme ses parents et leur compréhension de ses choix. « La règle était simple avec eux. On savait faire la part des choses, poursuit l’intéressé, qui explique dans son livre avoir choisi « Yellow » pour son côté asiatique et « star » pour sa volonté d’être toujours le meilleur. On a fait un pacte, tant que l’école se passait bien, on pouvait jouer. »
Jusqu’à 16 heures de jeu par jour
Justement, l’école se passe très bien. Un bac S en 2010, puis le jeune homme tente d’entrer en médecine… avant de renoncer et de se tourner vers une licence de bio-chimie. Mais l’expérience va la aussi tourner court. Pas parce qu’il ne la sentait pas, mais parce que l’équipe phare sur League of Legends en Europe, Fnatic, lui ouvre les portes d’un possible contrat professionnel. Là encore, Rathana joue un rôle important et là encore, Bora doit « pactiser » avec ses parents. Il quitte alors le domicile familial d’Athis-Mons, direction l’Allemagne, Cologne, la vie dans une gaming house (GQ des joueurs jouant à un MOBA, jeu massivement multijoueur confrontant deux équipes de cinq, ndlr), et ses inlassables heures d’entraînement.
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« En alliant cours et jeu, je pouvais jouer 4 heures par jour au jeu vidéo, détaille Yellowstar. Une fois atteint le niveau professionnel, les entraînements, qu’ils soient personnels ou collectifs, devenaient intensifs et cela pouvait aller de 10 à 13 heures par jour en gaming house. Après, en période plus intensive, juste avant des tournois, je pouvais jouer 15 à 16 heures par jour. Je vous laisse faire le cumul de tout ça pendant sept ans ».
Totalement façonné par League of Legends
Sept ans que le jeune directeur sportif du PSG eSports aura traversé avec le maillot de plusieurs structures sur le dos : Against All Authority (aAa) tout d’abord, puis SK Gaming, Millenium, Fnatic donc ainsi que le rêve américain avec la Team SoloMid (TSM). Un rêve qui va virer à la déception et ne durera que six mois, avant un retour au bercail chez Fnatic. Sept ans ponctués de titres à foison sur le Vieux Continent (cinq titres au LCS EU, l’élite européenne), 336 matches officiels, une participation à l’ensemble des Mondiaux mais sans jamais avoir connu la consécration aux Worlds. Bref, sept ans qui auront totalement changé Yellowstar.
« League of Legends est vraiment le jeu qui a bouleversé ma vie dans le bon sens, assure Bora. J’étais quelqu’un de très réservé avant. Il m’a permis de voyager, de rencontrer plusieurs personnes, d’apprendre énormément de choses, de devenir la personne que je suis aujourd’hui. » Un homme serein, sûr de lui et ambitieux. Le directeur sportif d’une des plus grosses structures internationales également. « Avoir un tel soutien d’un tel club, qui est vraiment intéressé par l’esport, est l’occasion pour moi de toucher un public plus large, de faire comprendre à la génération supérieure ce qu’est vraiment l’esport et pourquoi c’est incontournable aujourd’hui » savoure Yellowstar. Retraité mais pas inactif, Bora Kim s’est déjà trouvé un nouveau défi à sa mesure. Un de plus.