Arbitrage vidéo : peut-on croire les images ?

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Comme RMC Sport le révélait ce mercredi matin, Frédéric Thiriez, président de la LFP, a réagi aux propositions de Sepp Blatter, désormais favorable à l’utilisation de la vidéo dans l’arbitrage. « Il y a 10 ans que je réclame le droit à la vidéo dans le football », s’est-il félicité. Visiblement satisfait de voir la FIFA suivre une ligne qu’il défend depuis longtemps, le président de la LFP a même porté « sa » Coupe de la Ligue candidate à l’expérimentation. « Je pense que dans un premier temps, il serait plus prudent que ce soit l’arbitre du centre qui décide du recours à la vidéo, propose en revanche Thiriez, contredisant ainsi l’idée de Blatter, de laisser aux entraîneurs le soin de demander l’arbitrage vidéo. N’allons pas trop vite, nous avons mis dix ans pour convaincre, il faut désormais être prudent et raisonnable. » Seulement voilà, si l’on se projette sur une mise en place d’une forme d’arbitrage vidéo dans le football français, prudence et raison ne suffisent pas pour répondre : l’image télévisuelle peut-elle être l’image arbitrale ?
La vidéo a ses champions (beaucoup), ses détracteurs (beaucoup moins), mais, avant tout, elle a ses producteurs. Car cette image que la FIFA et désormais la LFP veulent utiliser a une origine. Elle ne sort pas de nulle part pour apparaître, par magie sur un l’écran de l’arbitre. Son signal vient d’une caméra, elle-même reliée à une régie, passe par un satellite, quelques relais terrestres (le fameux « à vous Cognacq-Jay ») et arrive sur les écrans. Son essence, sa raison d’être, consistent à participer à un spectacle. « Ce sujet n’est jamais posé » explique Jacques Blociszewski, auteur (Le match de football télévisé) et chercheur, spécialiste des technologies audiovisuelles et notoirement contre l’arbitrage vidéo. « La télévision n’est pas faite pour ça, s’agace-t-il. On ferait appel à des images qui ne montreront pas du tout ce qui est intéressant. C’est du spectacle. La télé n’est pas censée fabriquer l’image pour l’arbitrage. »
Typiquement, un ralenti aura forcément tendance à modifier l’impression de violence d’un impact, de même qu’une caméra suivant un mouvement peut en modifier la perception (c’est le fameux problème de la « vitesse relative » qui fait que 90% des passes au rugby semblent être en avant à la vidéo). Et si un cadreur se met à zoomer en même temps qu’il recule (ou dézoomer en même temps qu’il avance), alors plus rien n’a de sens dans le monde physique de l’image en mouvement (c’est le traveling compensé).
De ces remarques nait, forcément, une question : cette vidéo, qui doit résoudre tant des problèmes d’arbitrages rencontrés dans le football moderne, peut-on lui faire confiance absolument ? « Elle ne nous donnera pas l’erreur zéro, mais va diminuer les gros, gros problèmes », encourage Frank Leboeuf, membre de la Dream Team RMC Sport. Une défense que partage Luis Fernandez, qui voit la vidéo comme une protection aux injustices. « Quand l’arbitre fait une erreur, il rentre chez lui comme d’habitude après le match, explique le boss de Luis Attaque. Imaginez les joueurs qui rentrent chez eux après une erreur d’arbitrage en leur défaveur... » Jacques Blociszewski, lui, ne pourrait être plus en désaccord. « L’image, ça s’interprète. C’est une très haute technologie, mais pas une très haute technologie faite pour engendrer des décisions parfaites. Blatter va vite se rendre compte d’à quel point tout cela est compliqué. Autour des images, flotte un doute permanent. Pourquoi seraient-elles la référence imparable sur ce genre de choses ? »
La Goal Line Technology est une… technologie
Ce que la vidéo renvoie à l’œil humain n’étant donc pas une copie parfaite de la réalité, la fameuse « interprétation » dont sont chargés les arbitres, refait surface. Sans l’assistance vidéo, elle est déjà à la charge des hommes en jaune, qui ne disposent « que » de 17 grandes lois du jeu pour diriger leur sport et sont donc moins encadrés par les textes que leurs cousins germains (le rugby en a 22 et beaucoup d’alinéas) ou lointains (le foot US en a beaucoup plus). La vidéo ajouterait-elle un nouveau niveau d’interprétation ?

C’est en général à ce moment de la discussion qu’entre en jeu l’argument de la Goal Line Technology, mise en place durant la Coupe du monde cet été au Brésil. A la différence près, qu’il s’agit là, comme son nom l’indique, d’une… technologie. L’image vidéo utilisée est traitée et mise en relief, pour donner une réponse scientifiquement imparable à la question : « Le ballon est-il entré ? » La chose existe d’ailleurs déjà au foot US depuis longtemps, afin de déterminer si le joueur a bien fait entrer le ballon par-dessus la ligne verticale virtuelle de la zone de touchdown. Les éventuels ralentis évoqués par Sepp Blatter ne semblent, en revanche, pas destinés à être altérés pour plus de précisions lorsque viendra le moment pour l’arbitre de, peut-être, se déjuger (avec le coach demandeur de la révision à côté de lui dans la version du président de la FIFA). Il existe donc, théoriquement au moins, une nuance entre arbitrage vidéo et arbitrage technologique. Et en image comme en arbitrage, les nuances sont toujours importantes.