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Comment le championnat du Qatar continue de progresser dans l’ombre de la très dépensière Arabie saoudite

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La saison 2025-2026 de la Qatar Stars League a débuté depuis deux semaines et malgré quelques stars internationales et une vraie attractivité, le championnat qatarien se retrouve dans l’ombre du voisin saoudien dont la Saudi Pro League commence ce jeudi.

Pas facile de rivaliser avec Cristiano Ronaldo, Sadio Mané, Karim Benzema et la pléiade de stars de la Saudi Pro League. Mais, au moment où le championnat saoudien débute ce jeudi, les 12 clubs de la Qatar Stars League vont entamer leur troisième semaine de compétition sur les 22 que comprend la saison. A l’heure où le Qatar rayonne par ses investissements sportifs avec la victoire du PSG en Ligue des champions et où certaines rumeurs d’un désengagement progressif apparaissent, c’est surtout la preuve d’une évolution de la stratégie de Doha.

"Leur objectif, ce n'est pas simplement de cramer de l'argent juste pour cramer de l'argent de manière ostentatoire, pour dire: 'Regardez, on est toujours dans le terrain du foot'. Au contraire, leur idée c'est de montrer qu'avec l'intelligence de leurs investissements, ils sont capables d'abord d'avoir un club qui gagne la Ligue des champions, qui est en finale de la Coupe du monde des clubs et qui remporte la Supercoupe", explique Jean-Baptiste Guégan, spécialiste de la géopolitique du sport auprès de RMC Sport. […]"Ce qu'on est en train de voir, c'est d'abord finalement un Qatar plus stratège qu'on ne l'a connu, plus organisé et peut-être plus efficace dans ses investissements. Et le PSG en est l'exemple. Et l'autre exemple, c'est la manière dont est gérée la Qatar Stars League."

Verratti, Roberto Firmino… Il reste des stars au Qatar

Longtemps présentée comme une destination de rêve pour les anciennes gloires du foot, de Gabriel Batistuta, à Xavi Hernandez en passant par Frank Leboeuf ou encore Pep Guardiola, la Qatar Stars League a peut-être misé sur des noms moins ronflants ces dernières saisons mais elle possède quand même de sacrés talents pour l’exercice 2025-2026.

Roberto Firmino, Julian Draxler, Marco Verratti, ou encore les Espagnols Joselu et Pablo Sarabia pour ne citer qu’eux. Ces dernières semaines, le profil du Parisien Presnel Kimpembe a même été cité du côté de la QSL. Pas questions de lâcher des fortunes en indemnités de transfert, le Qatar a aussi su recruter malin avec des joueurs comme Krzysztof Piatek ou l’ancien Lyonnais Jordan Veretout.

"Moi ce que j'ai envie de dire c'est que d'abord sur les footballs du Golfe on a toujours gardé des stéréotypes. On les voit toujours comme des lieux d'exil de retraités, aujourd'hui ce n'est plus le cas", analyse encore Jean-Baptiste Guégan. "Ce qu'on voit aussi c'est que ce n'est plus simplement des championnats où on allait gagner des sommes mirifiques pour faire trois matchs dans des stades vides au Qatar et en Arabie saoudite."

Et celui qui a écrit un ouvrage sur la stratégie du Qatar dans le sport de préciser: " La Qatar Stars League, ce qu'on voit c'est que si ça dépense en moyenne 15 fois moins qu'en Arabie saoudite, ça reste un football dans le Golfe qui se défend, d'abord parce que l'équipe nationale est forte et qu'il y a beaucoup de locaux qui jouent dans le championnat national. Ensuite, les gros investissements, c'est d'abord des investissements en interne. […] L'idée, ce n'est pas de cramer l'argent vers l'extérieur."

Un développement maîtrisé au Qatar, face aux grosses dépenses saoudiennes

Et si le Qatar se fait un peu plus discret que l’Arabie saoudite, c’est aussi parce que la réalité démographique est différente. Impossible de véritablement concurrencer le Royaume et sa population de 38 millions de personnes avec trois millions d’habitants dont seulement 300.000 nationaux du côté de Doha. Cela se ressent dans les choix de la QSL qui a plutôt opté pour un développement "maîtrisé" plutôt que pour des dépenses XXL, y compris pour de jeunes joueurs. Pendant le mercato estival, la Qatar Stars League, c'est à peu près 70 millions d’euros dépensés alors que la Saudi Pro League a déboursé plus de 400 millions.

"Le Qatar, lui, est en train de consolider son championnat et finalement des investissements qui sont à la hauteur du marché, qui est le sien. L'Arabie saoudite elle est dans une autre perspective. Elle, elle reste dans une visée qui est celle d'une transformation complète", glisse encore l’enseignant en géopolitique. "On a vu les investissements des clubs qui sont possédés par le Public Investment Fund et qui sont appuyés aussi par Saudi Aramco. Donc c'est Al-Ahly, Al-Nassr, Al-Hilal et Al-Ittihad."

Jean-Baptiste Guégan détaille aussi: "À côté de ça, tu as la privatisation aussi de certains clubs. Al-Kholood. C'est un club historique saoudien, mais qui a été acheté par les Américains, le Harburg Group. Et ce qu'on voit, c'est qu'il y a cette double tendance en Arabie saoudite, c'est qu'on continue à aider avec des financements publics liés à l'énergie et aux intérêts stratégiques de l'État dans le cadre de la vision 2030, les clubs du PIF. Et les autres, on ouvre progressivement la structure sur des fonds privés."

La QSL gère l’héritage du Mondial 2022, l’Arabie saoudite prépare SA Coupe du monde

Si la Qatar Stars League peut paraître, à première vue, en retrait elle conserve un bon niveau sportif comme le rappelait l’international sénégalais Abdou Diallo fin juillet. L’ancien défenseur du PSG et du Borussia Dortmund présentait même le championnat local comme "attrayant" et poussé vers un football "offensif" dans des stades "exceptionnels". Des enceintes directement héritées de la Coupe du monde 2022.

"Le choix du Qatar aujourd'hui, c'est peut-être être moins performant sportivement, mais c'est être dans un championnat qui reste plus cohérent. L'Arabie saoudite c'est un peu différent. On est sur une accélération forcée, une marche forcée", insiste également Jean-Baptiste Guégan. "Et c'est là où on a finalement deux stratégies de développement du foot et je trouve que la stratégie de la Qatar Stars League est plutôt intéressante parce que ça reste maîtrisé."

"À l'échelle asiatique, la QSL reste un championnat qui est intéressant à suivre, qui est concurrentiel aussi par rapport aux Émirats Arabes Unis ou à d'autres championnats asiatiques."

Et ça explique aussi les investissements maîtrisés du Qatar depuis trois ans puisque le rendez-vous international a été globalement réussi. D’où la logique de consolidation dans laquelle se trouve actuellement la QSL. A l’inverse, l’Arabie saoudite a entamé sa montée en puissance vers le Mondial 2034.

"Quand on regarde les plans d'investissement pour la Coupe du monde 2034, c'est sans commune mesure. C'est-à-dire qu'il ne faut pas oublier que la Coupe du monde au Qatar, c'était 32 équipes. La Coupe du monde en Arabie saoudite, ce sera 48. […] Les investissements sont colossaux et ils accompagnent, comme le Qatar… Le Qatar, ça visait à positionner le pays sur l'échelle mondiale et redessiner Doha", conclut Jean-Baptiste Guégan. "Là, c'est redessiner complètement le pays. Sauf que le Qatar, ce n’est pas la même chose que l'Arabie saoudite en termes de taille, d'importance, de puissance."

Si bien que la rivalité entre les deux pays du Golfe s’est estompée et que, plutôt que de lutter inutilement contre son voisin, le Qatar a choisi de renforcer la Qatar Stars League. Une stratégie payante jusqu’ici.

Jean-Guy Lebreton Journaliste RMC Sport