Barça-Real: des larmes des arbitres à la colère madrilène, récit d'une journée lunaire à 24h de la finale de la Coupe du Roi

L'affiche fait saliver sur le terrain. Et pourtant, l'aspect sportif du match entre le FC Barcelone et le Real Madrid passe au second plan, alors que le troisième Clasico de la saison s'avance ce samedi, en finale de la Coupe du Roi (22h). La faute à la polémique naissante autour de la désignation des arbitres pour le choc. Si les relations entre le Real et le corps arbitral espagnol sont houleuses depuis longtemps, la tension était déjà montée d'un cran en février, quand le club s'était lancé dans une guerre institutionnelle contre un arbitrage "complètement discrédité" et un système "corrompu de l'intérieur", après des décisions en sa défaveur en Liga.
Dès jeudi, la chaîne officielle du Real Madrid s'en est directement pris à Ricardo De Burgos Bengoetxea, désigné pour arbitrer les débats samedi soir à la Cartuja, remettant en question le niveau de l'homme au sifflet, qui n'a "jamais été désigné pour un match de Ligue des champions et la FIFA ne l'a envisagé pour aucune de ses compétitions". Selon RMTV, le FC Barcelone affiche par ailleurs un taux de victoires de 81% avec l'arbitre basque, contre 64% pour le club madrilène.
L'avertissement et l'émotion du corps arbitral
Interrogés en conférence de presse ce vendredi, comme c'est la coutume en Espagne avant chaque finale de Coupe ou de Supercoupe, l'arbitre principal et Pablo Gonzalez Fuertes, en charge de la VAR, avaient dénoncé plus tôt dans la journée les pressions de la chaîne de télévision Real Madrid TV, qui produit chaque semaine des vidéos pour discréditer les hommes amenés à être au sifflet de leurs prochaines rencontres. "Les vidéos de Real Madrid TV nous énervent tous. C'est ce qui a le plus de répercussions. Quand ton enfant rentre en pleurant du collège parce qu'on lui dit que son père est un voleur, c'est vraiment dur", a déclaré Ricardo de Burgos Bengoechea, en larmes.
Son adjoint a lui aussi dénoncé "des insultes" en ligne à la suite de ces compilations, et accusé la chaîne de mettre "des cibles sur la tête" de ses collègues. Il a aussi assuré que les arbitres espagnols n'allaient pas continuer à "supporter" ces pressions entraînant des vagues de harcèlement, et menacé de mesures collectives potentielles.
Le Real contre-attaque...
Vexé et en colère après des déclarations "surprenantes" et "très éloignées" des principes "d'équité, d'objectivité et d'impartialité qui devraient prévaloir à quelques heures d'un événement footballistique qui focalise l'attention de centaines de millions de personnes à travers le monde", le club madrilène a jugé "inadmissibles les déclarations publiques faites par les arbitres désignés" pour la finale de la Coupe du Roi. Le Real a également appelé la Fédération et les instances de l'arbitrage "à agir en conséquence" et prendre des "mesures appropriées".
Pour appuyer son communiqué, le club a par ailleurs suspendu toutes ses activités médias vendredi soir, laissant une centaine de journalistes sur le carreau. Quelques minutes seulement avant la conférence de presse, une centaine de journalistes attendaient Carlo Ancelotti et Luka Modric. Alors qu'une poignée de médias, dont RMC Sport, apprenaient peu avant 19 heures l'intention du Real Madrid, la salle de presse était toujours pleine. Il aura fallu attendre 19h15, heure de début prévu pour la conférence de presse, pour que la RFEF n'officialise l'absence du Real. L'entraînement, prévu seulement 45 minutes après, a également été annulé.
... Et le Barça se prépare comme si de rien n'était
Côté catalan, le Barça a bien honoré sa présence en conférence de presse, tout comme à l'entraînement sur la pelouse de la Cartuja. Si Ronald Araujo a botté en touche, se contentant de dire qu'être "arbitre est un métier difficile", Hansi Flick a défendu l'arbitrage, rappelant qu'il ne fallait pas "manquer de respect" aux arbitres. "Je ne sais pas quoi dire des arbitres. C'est un sport, c'est un jeu, notre responsabilité est de protéger les joueurs. Ce n'est pas bien de parler. Il y a des émotions. Il faut prendre soin des arbitres. On ne peut pas leur manquer de respect. Tout le monde, clubs, joueurs, entraîneurs", a confié l'Allemand ce vendredi.
Tebas dénonce une tentative de "prise de pouvoir" du Real
Au milieu d'un climat ambiant de plus en plus lourd, Javier Tebas a ajouté davantage de piment à une situation qui n'en manque pas. Le président de la Liga, qui gère le football professionnel, a dénoncé dans un long message posté sur X une tentative de "prise de pouvoir" du Real Madrid. "Et maintenant, après les déclarations des arbitres, lassés du harcèlement constant de la télévision du Real Madrid, il répond comme il sait le faire (...) Il ne proteste pas, il pousse. Il ne se plaint pas, il menace. Il ne désapprouve pas, il punit. Il ne veut pas améliorer le football, il veut son propre football. Et le pire, c'est qu'il n'essaie pas. Le plus grave est que beaucoup le permettent, y consentent et l’aident."
Le président de la Fédération met fin à la rumeur d'une finale remise en cause
Le président de la Fédération espagnole, Rafael Louzan, a lancé pour sa part un appel "au calme, à la responsabilité, et au sens commun", rappelant que le match Barça-Real aurait bien lieu. "Nous devons profiter, on travaille pour cette finale depuis des jours, il y a des milliers de supporters ici à Séville qui attendent ce match et des millions dans le monde qui veulent en profiter. J'appelle à la responsabilité et à la tranquillité de tous pour que tout se finisse bien."
Face à la rumeur qui enfle sur un éventuel refus de jouer la finale, le Real a démenti avoir envisagé de renoncer à disputer le Clasico. "Notre club comprend que les déclarations malheureuses et inappropriées faites par les arbitres désignés pour ce match, faites 24 heures avant la finale, ne peuvent pas entacher un événement sportif d'importance mondiale qui sera suivi par des centaines de millions de personnes, et par respect pour tous les supporters qui prévoient de se rendre à Séville, et tous ceux qui sont déjà dans la capitale andalouse. Le Real Madrid estime que les valeurs du football doivent prévaloir, malgré l'hostilité et l'animosité qui se sont manifestées une fois de plus aujourd'hui contre notre club par les arbitres désignés pour la finale."
Quels arbitres samedi soir ?
En l'espace de 24 heures, la presse espagnole s'en donne à coeur joie pour relater les détails d'un évènement déjà historique à l'ampleur désormais nationale pour le foot espagnol. Alors que l'Atlético s'est fendu d'un message salé en fin de soirée ("c’est insupportable. Arrêtez de ternir l'image du foot espagnol"), Ricardo De Burgos Bengoetxea sera-t-il dans les meilleurs conditions pour arbitrer la finale ? Sera-t-il au sifflet alors que le Real ferait le forcing pour un changement d'arbitre ? Le doute est permis. Et on l'oublie presque, mais un trophée est bien en jeu ce samedi soir.