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Chambéry-OL: un (petit) derby au goût d’ami

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Douze ans après une épopée "historique" où le club alors appelé le SOC Chambéry avait épinglé trois clubs de Ligue 1 (Monaco, Brest et Sochaux) pour se hisser en quarts de finale, son successeur, le Chambéry Savoie Football, se réinvite en Coupe de France après s’être réinventé: car de 2011 à 2023, l’aventure ne fut pas un long fleuve tranquille. Et son adversaire de ce 16e de finale a participé à son renouveau. D’où le match spécial qui s’annonce entre Chambéry (N3) et l’OL.

Il s’en est fallu de peu. D’une décision du Comex de la Fédération française de football en juin 2015. Nous sommes quatre ans après "l’épopée" de 2011, totem souriant sur le moment, mais grinçant par la suite du club phare de Savoie. Car l’élimination de Monaco, Brest et Sochaux en 32e, 16e et 8e avant d’échouer à Grenoble face à Angers en quart de finale (l’entraîneur était David Guion) laisse des traces dans la comptabilité: 450.000 euros de déficit que le club traine comme un boulet jusqu’en 2015.

Témoin que cette époque dorée est bien enfouie: Thomas Coste (employé licencié en juin 2015 qui fait repartir le club avec d’autres dirigeants dans la nouvelle structure en juillet de la même année) ne conserve qu’une Une de journal dans le siège ! Et encore, la vitre du cadre s’est récemment cassée. Aucun autre trophée ne trône dans le modeste club house.

Clubs partenaires

De 2011 à 2015 se passent de longs mois au cours desquels, de guerre lasse, les différents soutiens publics et privés perdent patience. Puis ne peuvent plus faire face. La décision tombe. La justice prononce la liquidation de l’association et licencie les trois derniers éducateurs du club. Mais le Comex de la FFF décide, pour "sauver" les équipes de jeunes, de redonner un numéro d’affiliation sous un nouveau nom, Chambéry Savoie Football. Son équipe 1, alors en Nationale 2, repart au niveau de l’équipe réserve en R2 (7e division) et toutes les équipes de jeunes repartent au niveau de la saison précédente.

Dès début septembre 2015, à la demande du président de l’époque, Jean-François Beccu, aujourd’hui adjoint au maire de la Ville pour les sports, l’OL accepte volontiers d’aider ce club historique, ruiné puis sauvé. Le grand club régional le fait entrer dans son réseau "sport excellence" pour devenir un club partenaire (aujourd’hui, ils sont 13). L’aide financière (5.000 euros pour abonder un emploi d’éducateur) arrive vite, puis d’autres soutiens.

"Nous avons des formations dispensées par les éducateurs de l’OL sous différentes formes de la dotation de matériel, détaille Thomas Coste, l’un des derniers 'licenciés' de 2015, mais réembauché dans la foulée dans la nouvelle entité. Plus la création d’un réseau de sponsoring, comment gérer des entraînements, c’est très large, plus des participations aux animations au stade de Lyon, des places pour les matchs. Et il y a la détection des jeunes talents savoyards s’ils peuvent aller dans ce club."

15.000 personnes attendues

Alors quand il a fallu trouver un terrain de repli (ceux de Chambéry – pas aux normes – et de Bourgoin, Grenoble ou Annecy, pas disponibles), sitôt le tirage au sort connu le 8 janvier dernier, avec un match déjà programmé moins de deux semaines plus tard, tout naturellement les deux clubs s’entendent dans une organisation "gagnante-gagnante". Certes, le "petit" ne reçoit pas et a donc diminué ses chances de faire un coup. Mais en échange, les joueurs vont évoluer dans un grand stade pour la première fois de leur vie.

Au niveau organisation, tout est fait par l’OL. Chambéry a seulement à vendre 6.000 places pour une affluence de 15.000 personnes attendues. "Les bénévoles vont pouvoir voir le match au lieu d’avoir des tâches à accomplir, sourit Thomas Coste. Par rapport à l’épopée de 2011, cela soulage vraiment de pouvoir compter sur un club qui a l’habitude de gérer de grandes quantités de spectateurs, là où nous nous n’avons qu’en moyenne à peine 300 personnes au stade. C’est appréciable. Cela enlève un peu de stress."

Mais aussi le coût de la location d’une enceinte, cœur (entre autre) de la problématique de 2011, quand il avait fallu se délocaliser au Stade des Alpes à Grenoble pour le quart de finale, alors que les autres avaient été joués au stade municipal, aujourd’hui détruit pour l’arrivée en septembre prochain d’une nouvelle enceinte moderne de 5.000 places. C’est plus le téléphone entre le stadium manager de l’OL – Xavier Pierrot – et celui de Jean-Louis Saint Bonnet qui chauffe. "C’est un bonheur de travailler dans ces conditions, avec autant d’écoute et de bienveillance, c’est là qu’on voit que la notion de club partenaire prend tout son sens", se réjouit le dynamique vice-président savoyard, fier de cette entente concrétisée par un message de Jean Michel Aulas, le président lyonnais, sur son propre smartphone.

"Une chance de jouer dans un tel stade"

Seul le speaker sera au travail à côté de celui de l’OL pour annoncer son équipe et éventuellement, les buts chambériens. "Cela limite nos chances de jouer sur une pelouse qui est une 'galette', donc cela va nous désavantager, confie Jean-Louis Saint Bonnet. Mais c’est largement compensé par le fait du plaisir qu’ils vont prendre, une fois dans leur vie de jouer au Groupama."

"A l’échelle du groupe N3, c’est une chance de jouer dans un tel stade, insiste Thomas Coste. Pour certains, ce sera l’unique fois. Et pour les bénévoles, pour une fois, ils ne seront pas à des actions à la buvette ou autre. Ils pourront profiter à 100% du match. C’est une belle récompense pour eux. Et pour le foot savoyard, c’est une belle promotion. Et c’est un magnifique symbole du lien qui lie les deux clubs."

Et avec les joueurs, tout est ficelé par avance. Jean-Louis Saint Bonnet détaille: "C’est ce qui avait créé des polémiques à l’époque. Ce partage des primes, tout le monde sait. Nous partagerons la moitié, une fois les frais payés, des gains avec eux. Ce sont quand même les joueurs qui font le job."

Pour le Chambéry Savoie Football, au modeste budget de 500.000 euros pour 480 licenciés et 30 équipes, dont l’arrivée en 16es a rapporté déjà 100.000 euros, la vie est plus facile cette semaine. Même si pour la plupart il va falloir faire taire sa passion de … l’OL le temps d’un rendez-vous de Coupe. "C’est toujours compliqué de jouer contre notre partenaire, admet Jean-Louis Saint Bonnet. Nos gamins ont une âme pour l’OL. Mais une fois sur le terrain, on va supporter notre équipe. L’OL, on la supportera après le match."

De beaux projets pour l'avenir

Et pas question de retomber dans les travers de 2011. "Cet argent tombe du ciel, et le principal, c’est de faire avancer le club, dit Jean Louis Saint Bonnet. L’an passé, nous avons acheté un mini-bus après un joli parcours perdu face à Auxerre, alors en Ligue 2. Là, nous avons quelques idées pour faire avancer avec des achats de matériel. Cela fait un petit pécule pour assainir le club avec la perspective d’avoir un stade tout neuf l’an prochain."

Thomas Coste prolonge: "Pour l’avenir, cet argent nous permettra de structurer l’équipe première, l’équipe éducative avec une vraie section sportive. Et nos locaux, nous allons essayer de les améliorer. Cette exposition ne peut être qu’un chouette coup de pouce."

Seul bémol de l’avant-match et du match en lui-même: tout le club (ou presque) est supporter de l’OL. Et même la majorité des joueurs de l'équipe première. "Je crois qu’ils sont bien conscients que c’est une chance immense pour eux de passer de supporters à adversaires, ressentent Jean-Louis Saint Bonnet et Thomas Coste en choeur. Et peut-être qu’ils sont les mieux placés pour connaitre les forces et faiblesses de leurs joueurs préférés qu’ils supportent le week-end. Je ne pense pas qu’ils leur feront de cadeaux par respect à leurs couleurs et celles qu’ils soutiennent. Et feront tout pour leur donner la meilleure opposition possible." Réponse ce samedi à partir de 15h30.

Le parcours de Chambéry dans cette Coupe de France
4e tour - Villeneuve de Grenoble (D1) ► 0-6
5e tour - Trinité Lyon (R3) ► 0-5
6e tour - Goal FC (N2) ► 1-1 (5-4 aux tirs au but)
7e tour - Bourgoin (N3) ► 1-1 (4-3 aux tirs au but)
8e tour - Rumilly (N3) ► 2-1
32es de finale - Aubagne (N2) ► 1-3

Edward Jay