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Coupe de France: pourquoi le Petit Poucet est une exception bien française

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Une équipe de National 2 déjà qualifiée en demie, une autre qui affronte le PSG ce mercredi soir en quart de finale... La Coupe de France 2024-2025 a encore offert son lot de surprises et de belles histoires, avec des équipes amateures propulsées en pleine lumière. Un scénario bien français, et quasiment inimaginable dans les coupes nationales des autres pays du top 5.

"Un monument au football". Au lendemain du festival de buts entre le Barça et l’Atlético de Madrid en demi-finale aller de Coupe du Roi (4-4), Marca ne boude pas son plaisir ce mercredi, saluant à la Une de son édition papier une ode au ballon rond. Il est vrai que mardi soir, le choc entre les deux géants espagnols a quelque peu éclipsé, à l’échelle européenne, le lob de Cédric Gonçalves lors de Cannes-Guingamp (3-1) où l’égalisation – inutile – de Bamba Dieng au bout du temps additionnel d’Angers-Reims (1-1).

Et pourtant, notre bonne vieille Coupe de France, celle que l’on moque parfois, que l’on délaisse aussi quand l’équipe de notre cœur n’est plus en lice, a cette semaine les honneurs de The Athletic. Le média anglophone salue la "magie et la folie" de la doyenne des compétitions hexagonales, "structurée pour favoriser les rebondissements". Le cru 2024-2025, avec des équipes de l’élite balayées aux tours précédents, un pensionnaire de National 2 (Cannes) déjà qualifié pour le dernier carré, et une autre équipe de quatrième division (Saint-Brieuc) s’apprêtant à recevoir ce mercredi soir le PSG, est un parfait exemple de cette spécificité française. Car à l’étranger, dans les autres pays du fameux top 5 continental, les Petits Poucets ont bien du mal à exister.

En Espagne, des quarts 100% Liga

Côté espagnol, justement, le tri se fait dès l’inscription. Alors que plus de 7.000 clubs étaient encore engagés cette saison en Coupe de France, de l’autre côté des Pyrénées ils n’étaient que… 125 sur la ligne de départ. Les 20 équipes de Liga, 21 des 22 équipes de Liga2 (la réserve de Villarreal ne participant logiquement pas à la Coupe), 10 équipes de Primera Federación (D3), 25 de Segunda Federación (D4), 25 de Tercera Federación (D5), les 4 demi-finalistes de la Copa Federación 2024 (une sous-Coupe d’Espagne), et 20 représentants des ligues régionales.

Autant dire que les rares "petites" équipes tombent assez vite contre des grosses cylindrées, et que l’écrémage est rapide. Cette saison, une équipe de D4 et une de D3 ont réussi à se hisser en huitièmes de finale. Mais à partir des quarts, fin du suspense: les huit équipes encore en lice étaient toutes des formations de Liga. Et si l’exploit avait eu lieu, le format de la compétition se serait probablement chargé d’y mettre fin, puisque les demi-finales se jouent en aller-retour. Si on se souvient de la performance XXL d’Alcorcon, une D3 qui avait sorti le Real Madrid en 16es de finale de l’édition 2009-2010, les belles histoires sont rares.

En Angleterre, plus de miracle depuis 45 ans

Outre-Manche aussi, la célèbre FA Cup se veut assez sélective. Le tour principal ne concerne que 124 équipes, dont 92 billets sont pris par les clubs professionnels de Premier League, Championship (D2), League One (D3) et League Two (D4). Pour obtenir l’un des 32 tickets bonus, il faut passer par de délicates qualifications, et là encore, ces qualifs n’impliquaient en tout que 653 équipes. On a vu compétition plus ouverte…

Lors de l’édition en cours, le plus modeste qualifié se nommait ainsi Hednesford Town, une équipe de D8, éliminée dès le premier tour. Et les deux derniers représentants du monde "amateur" (ou du moins non professionnel) Tamworth et Dagenham & Redbridge (deux formations de D5), ont pris la porte au troisième tour.

Depuis 1888, la Cup n’a ainsi été remportée par un non-pensionnaire de D1 qu’à huit reprises, West Ham (alors en D2) ayant signé la dernière performance du genre en 1980, il y a maintenant 45 ans. Mais l'un des derniers "exploits" notables restera le parcours de Lincoln (D5), qui en 2017 était devenu le premier club non professionnel à atteindre les quarts de finale en 103 ans.

Et là encore, le règlement n’aide pas, puisqu’une modeste équipe n’a aucunement l’assurance de jouer à domicile, même si elle tombe sur un cador au tirage.

En Italie, une sorte de Coupe de la Ligue entre pros

En termes d’élitisme, la palme revient toutefois à l’Italie, où la Coupe nationale est globalement l’équivalent de notre défunte Coupe de la Ligue. Pour cet exercice 2024-2025, 44 équipes seulement ont eu leur carton d’invitation: les 20 équipes de Serie A, les 20 équipes de Serie B… et 4 équipes de Serie C. Les clubs amateurs se contentent de tournois régionaux, et sont privés de cette Coppa Italia.

Ajoutez à cela le fait que les "gros" de Serie A n’intègrent le tableau qu’à partir des huitièmes de finale, et qu'ils sont en plus protégés au tirage, et vous comprendrez pourquoi l’on retrouve toujours les mêmes dans les derniers tours.

En Allemagne, le rêve est (parfois) permis

Finalement, c’est peut-être de l’autre côté du Rhin qu’il faut aller pour trouver des belles histoires de coupe nationale. Sur le papier, la DFB-Pokal est pourtant une compétition relativement fermée elle aussi. 64 équipes au départ en 2024-2025, dont 24 seulement issues des ligues régionales, et la plupart évoluant tout de même en D3 ou D4, à un niveau élevé. Mais parfois, la magie opère.

Si Hanovre 96 est la seule formation à avoir soulevé la Coupe d’Allemagne (en 1992) sans évoluer en Bundesliga, le FC Sarrebruck avait fait parler de lui en 2020, devenant le premier club de D4 à se hisser en demi-finale, avant de chuter contre le Bayer Leverkusen. Un Sarrebruck (le Quevilly local) qui a encore fait des siennes en 2023-2024, lorsqu’il a éliminé le grand Bayern Munich dès le deuxième tour (2-1) - provoquant un petit séisme en Bavière – et atteint une nouvelle fois les demies, battu alors par une D2, le FC Kaiserslautern.

Cette saison, la sensation pourrait venir de l’Arminia Bielefeld. Le club de D3 a sorti mardi soir le Werder en quart de finale (2-1), se hissant dans un dernier carré avec certes le Bayer Leverkusen et Stuttgart, mais sans le Bayern ou Dortmund.

C.C.